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Grand Angle

Mouvement du 20 février : Un an de manifestations

Le Mouvement du 20 février fête sont premier anniversaire. Une année où il a réclamé, chaque dimanche, sans faillir, par des manifestations, des changements politiques profonds et refusé ceux impulsés par le roi. Mariage improbable de tendances politiques opposées, il a résisté à la division. Déçu, il s'est radicalisé. Aujourd'hui, sa fin semble proche.

Publié
Le 20 avril, à Casablanca
Temps de lecture: 4'

« 1 an déjà ... j’ai l’impression que c’était hier», laisse tomber, dans un sourire Najib Chaouki, membre de la coordination de Rabat du Mouvement du 20 février et porte parole officieux. Une année débutée sur une page Facebook : «Un dialogue direct avec le roi». Le 20 février, les premiers manifestants se regroupent sur les grandes places des villes. Pas très nombreux, quelques milliers à Casablanca, ils se regardent, sans trop arriver à croire eux-mêmes qu’ils sont bien là et qu’ils scandent en cœur des slogans politiques.

Le mariage de la carpe et du lapin

Ces manifestations et leurs coordinations sont composées, dès le départ des militants «professionnels» venus d’associations comme Attac Maroc, l’AMDH, l’OMDH (associations pour les droits de l’hommes), des jeunesses syndicales, des jeunesses des partis politiques : Parti Socialiste Unifié, Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste, Union Socialiste des Forces Populaires, du Congrès national ittihadi.

Cependant, «la majorité d’entre nous a toujours été constituée de jeunes indépendants de toute organisation», affirment Abdullah Abaakil, entrepreneur et membre de la coordination casablancaise et Najib Chaouki, membre de la coordination r’batie et porte parole informel du mouvement. S’ils insistent avec autant de vigueur c’est que nombres de leurs opposants les ont rapidement accusés d’avoir été «récupérés» par les islamistes, plus précisément le mouvement religieux du Cheikh Yassine, Al Adl Wal Ihssane.

Toutefois, raconte Rachid Hababa, «le nombre de manifestants de Al Adl Wal Ihssane avait été limité à 400 au début, pour ne pas effrayer, mais rapidement, il y a eu désaccord et il a été impossible de limiter leur nombre.» Capables de rassembler un grand nombre de manifestants, très bien organisés, ils ont permis d’assurer longtemps la logistique du mouvement.

Quartiers populaires VS centre ville

Le mouvement se poursuit sur le modèle de sa création : tous les dimanches pendant un an, les militants sortiront dans la rue pour manifester. Au plus fort de la mobilisation, le Maroc compte près de 70 coordinations, selon Najib Chaouki et 132 pages Facebook organisant les manifestations dans les villes, selon Rachid Hababa. L’assemblée générale de chaque coordination décide du lieu des manifestations et du tracé des marches.

«Nous sommes allés dans les quartiers périphériques dans une stratégie de mobilisation», explique Najib Chaouki. «C’était également dans une optique d’une changement radicale de paradigme politique, un moyen d’aller chercher le Makhzen là où il était : les quartiers populaires sont la chasse gardée du pouvoir», ajoute Abdullah Abaakil. A Casablanca, Rachid Hababa a suivi ces décisions sans beaucoup d’enthousiasme. «Il y avait clairement la volonté, de la part de Al Adl Wal Ihssane, de faire de grands accrochages avec la police, c’était l’occasion pour eux de recruter», explique-t-il. Effectivement, les deux premières manifestations dans le quartier de Sbata, à Casablanca, les manifestants sont pourchassés à coups de matraques.

Répression-Radicalisation

«Les répressions ont essentiellement eu lieu dans les petites villes, loin des médias, des coordinations entières, dont on avait de nouvelles que par Facebook, ont tout simplement disparues !», se souvient Abdullah Abaakil. A Rabat et Casablanca aussi, des matraquages ont eu lieu également, de façon ponctuelle, et ont été suivis d’arrestations.

«Au total 40 membres du Mouvement sont passées entre les mains de la justice cette année ou sont encore en prison, estime Najib Chaouki, et 9 sont mortes : 5 à Al Hoceima, 2 à Sefrou et 2 à Safi.» La répression suivait l’action du Mouvement, selon Rachid Hababa : «c’est au moment où l’on a commencé à mettre en place le premier comité de quartier, ce à quoi travaillait Mouad Belghouat, alias El Haqed, qu’il a été arrêté.»

«La qualité de la réponse détermine le mouvement», affirme Abdullah Abaakil, en référence à la réponse qu’opposait le pouvoir aux manifestants. Le mouvement s’est radicalisé : de la demande d’une véritable monarchie parlementaire où le roi aurait donc conservé son trône, les membres du M20 tiennent aujourd’hui à un discours presque totalement révolutionnaire. «Pendant un an, nous avons constaté que le monarque n’était pas prêt au changement, d’où la difficulté de réclamer encore une monarchie parlementaire», explique Abdullah Abaakil. Désormais, la démocratie doit se réaliser, «avec ou sans le roi», indiquent Najib Chaouki et Abdullah.

Stratégiquement, cette radicalisation s’est traduite par le refus total des réformes proposées par le roi mais ne s’est jamais exprimée par la violence. Les manifestations sont restées pacifiques. Après avoir expliqué l’absence de légitimité de la commission consultative de révision de la constitution, «nous avons appelé au boycott du referendum [le 1er juillet]», rappelle Rachid Hababa.

L'abandon du Cheikh Yassine

Vient ensuite le temps de mobiliser pour le boycott, à nouveau, des élections législatives. Le 25 novembre, lorsque le PJD gagne la majorité des sièges à la chambre des représentants, cela fait déjà un moment que les manifestations ne sont plus relayées dans les médias. Elles se sont vidées aussi de leurs marcheurs.

Le Mouvement s’essouffle si bien qu’Al Adl Wal Ihssane semble vouloir lui donner le coup de grâce en annonçant, le 18 décembre, son retrait du Mouvement. Il affirme que : «certains parmi les jeunes du 20 Février diffusent des idées et des rumeurs qui asphyxient le climat au sein du mouvement démocratique dans son ensemble, en mettant des limites à nos revendications». «Il y avait eu des rumeurs de leur départ de sorte que dès le 25 novembre nous savions qu’ils allaient partir», explique Rachid Hababa. Usé, amputé des militants de Al Adl Wal Ihssane, mis en échec, le Mouvement du 20 février semble tendre vers son trépas, du moins, dans sa forme actuelle.

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