Les institutions européennes ne sauront bientôt plus où donner de la tête dans la relation Maroc Algérie. L’Association pour la défense des Marocains expulsés d'Algérie (ADMEA) annonce que mi-mai, les députés belges soumettront à adoption une résolution demandant aux Nations Unies, de former une commission internationale d’enquête sur «les crimes contre l’humanité» commis par l’Algérie en 1975, rapporte le Mag.ma. Presque au même moment, dimanche 24 mars, «les Amis du peuple sahraoui» et le Comité belge de soutien au peuple sahraoui invitent deux activistes sahraouis, Ghalia Djimmi et Mohamed Salem Lakhal, à témoigner devant le parlement européen, à Bruxelles, de leurs «dures conditions de vie, de la répression et des atteintes régulières» aux droits de l'Homme commises par le Maroc, rapporte l'agence de presse saharouie SPS.
Aujourd’hui deux groupes de pression interviennent en miroir au niveau des instances européennes et internationales : d’un côté des Saharouis demandent l’indépendance et de l’autre les Marocains expulsés d’Algérie en 1975 réclament reconnaissance et indemnisation. Les premiers accusent le Maroc, les seconds l’Algérie. Les deux camps utilisent la même stratégie : appuyer sur la fibre droit-de-l’hommiste des pays de l’Union européenne et de l’ONU.
Tensions en miroir
La cause des Marocains expulsés d’Algérie n’est apparue dans la paysage médiatique et politique maroco-algérien qu’assez récemment. Fondée en 2005, l’association ADMEA lutte pour obtenir la reconnaissance par l’Algérie de l’expulsion de dizaines de milliers de Marocains vivant en Algérie vers le Maroc et leur indemnisation. Ce n’est que l’an dernier que sa cause sort de la confidentialité avec la décision de l’Algérie d’annexer définitivement, par une loi, les biens des Marocains expulsés d’Algérie.
Cette décision entraîne une succession de déclarations entre le Maroc et l’Algérie peu amènes. En novembre 2012, Youssef Amrani, ministre marocain délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération, déclare devant les députés que «le royaume n'abandonnera jamais les biens annexés, en 2010 par l’État algérien, des 45 000 familles expulsés en 1975 du territoire du voisin de l'Est». Le surlendemain, Amar Belani, porte parole du ministère des Affaires étrangères algérien, répond que «la très grande majorité des Marocains qui ont quitté l’Algérie à la fin de l’année 1975 n’était pas constituée de propriétaires de biens personnels en Algérie mais de locataires de biens appartenant à l’État ou à des tiers».
Même histoire
Entre le Maroc et l’Algérie, après le Sahara, un nouveau front s’ouvre. Les histoires des deux conflits sont intimement liées car la décision de l’Algérie d’expulser les Marocains qui vivaient en Algérie a fait suite à la Marche verte qui a rendu le Maroc maître du Sahara. Le 18 décembre 1975, le président algérien Houari Boumédienne expulse par un énorme convoi les Marocains installés en Algérie. Sa décision est une réponse manifeste à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, suite à la confrontation militaire à Amgala lors de la Marche verte.
Dans les deux cas, le Maroc renvoie toute la responsabilité à l’Algérie. A propos du Sahara, «tout le monde sait que si l’Algérie décide de régler ce problème, en une journée c’est réglé, a déclaré Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement marocain, le 24 février, il s’agit d’une «problématique que l’Algérie a considéré devoir entretenir.» En parallèle, à propos des expulsés d’Algérie, le 13 novembre dernier, Youssef Amrani indiquait : «un groupe de travail maroco-algérien avait été mis en place pour statuer sur ce différent et le Maroc avait présenté à la partie algérienne toutes les listes, documents justificatifs nécessaires à l'appui, mais cette commission, après deux réunions, a été suspendue sur décision algérienne».
Recours aux instances internationales
Les militants de chacune des causes, soutenus par le Maroc pour l’un et par l’Algérie pour l’autre, recourent aux instances internationales de la même façon. Entendus de nombreuses fois par le parlement européen, les militants saharaouis ont obtenu, par exemple, l’annulation de l’accord de pêche Maroc-UE, en décembre 2011, en raison, notamment, d’un « manque de preuves en termes d'avantages, tirés des fonds européens, pour la population locale du Sahara occidental.»
Après avoir sollicité, sans beaucoup de succès, l’ONU, l’Audience nationale espagnole et le Tribunal pénal international, l’ADMEA est parvenue en décembre dernier, à témoigner devant le parlement fédéral belge. «Je vais consigner les témoignages exprimés par les victimes au Parlement belge dans un rapport que je transmettrai au ministre des Affaires étrangères et aux députés belges au Parlement européen», indiquait alors le député fédéral belge Denis Ducarme, spécialisé dans les questions européennes et internationales, en décembre. Le rapport en question sera présenté «avant la fin du printemps 2013».