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Prendre en charge les effets du confinement chez les enfants, une priorité post-coronavirus [Tribune]

Avec l’allègement du confinement sanitaire dans plusieurs provinces et communes marocaines, prendre en charge de nouveaux troubles chez les enfants devient une nécessité. Secrétaire générale de la Société marocaine de pédopsychiatrie, Dr. Bahia El Ouazzani insiste sur cette dimension, soulignant son importance dans les mois qui suivront le déconfinement.

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Photo d'illustration / DR.
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Le confinement lié à la pandémie du covid-19 a bouleversé le quotidien des enfants et des adolescents. Depuis trois mois, tous leurs repères temporels et spatiaux ont complétement changé : leurs rythmes de sommeil, leurs horaires de repas, leurs routines habituelles, leur scolarité, leurs activités extra-scolaires.

Depuis, ils ont l’impression de vivre toujours la même journée le long de la semaine et la sensation d’être privés de liberté et enfermés. Ils sont surexposés aux écrans et surtout ils ne voient plus ni leurs amis ni leur famille. Cette privation des échanges sociaux est connue pour avoir des effets délétères sur la santé mentale et psychoaffective des enfants, qui ont un besoin vital de ces liens.

Quelques semaines après le début du confinement, nous avons commencé à constater clairement ces répercutions négatives sur la santé mentale d’un certain nombre d’enfants et d’adolescents. Ainsi, il y a eu apparition de symptômes chez des jeunes jusque-là en bonne santé, ou des rechutes chez des enfants suivis ou vulnérables, avec parfois des crises aiguës nécessitant une intervention d’urgence.

Plusieurs symptômes ont été constatés : peur de la maladie, peur de la mort, angoisse, stress, colères et irritabilité, tristesse ou pleurs faciles, idées noires, troubles du sommeil, troubles de l’appétit, symptômes obsessionnels, opposition, plaintes somatiques et psychosomatiques diverses, difficultés de mémorisation, de concentration et d’attention ayant des conséquences sur les apprentissages déjà fragilisés par la situation de l’enseignement à domicile.

Le confinement peut être un véritable traumatisme. Des études scientifiques menées sur les effets psychologiques des quarantaines dans le passé, ont montré que de longues périodes de confinement peuvent entraîner des troubles de stress aigu ou des syndromes de stress post-traumatique.

Nous nous attendons à voir, dans les mois qui suivront le déconfinement, non seulement une aggravation des troubles d’enfants malades ou porteurs de déficiences et handicaps (qui ont souvent dû interrompre leurs prises en charge) mais aussi l’apparition de nouveaux troubles et de nouvelles vulnérabilités. Il me semble indispensable de prendre au sérieux ces risques.

Plusieurs sociétés savantes se sont déjà mobilisées pour prévenir ou minimiser les effets néfastes du confinement. Un dispositif digital de soutien a été mis en place par la Société marocaine de pédopsychiatrie et professions associées, pour répondre aux questions des enfants, adolescents, parents et professionnels depuis le début du mois d’avril (www.smppa.ma). Diverses cellules d’écoute ont été créées, comme celle du service de pédopsychiatrie du CHU de Casablanca, celle du Collectif autisme Maroc ou de diverses associations s’occupant de femmes et d’enfants victimes de violences.

Le déconfinement fera beaucoup de bien aux enfants, autant sur le plan physique que psychologique : ils pourront sortir librement, retrouver leurs amis, jouer (ils sauront inventer des jeux avec de nouvelles règles et une distanciation, on peut leur faire confiance), ils renoueront leurs liens et surtout retrouveront des rythmes normaux.

Après le déconfinement, il faudra prévoir les moyens nécessaires pour soigner et accompagner les enfants et adolescents en souffrance.

En tant que pédopsychiatre, je demanderai aux médecins généralistes et aux pédiatres d’être vigilants et de chercher derrière toute plainte somatique inexpliquée (comme par exemple une céphalée ou une douleur abdominale inexpliquées) un trouble psychologique, ou des signes révélateurs de violences subies, afin de les prendre en charge quand ils le peuvent ou de les signaler et orienter si nécessaire.

Mes recommandations s’adresseront aussi aux parents. Demandez à vos enfants de respecter toutes les mesures de protection et donnez-leur l’exemple. N’hésitez pas à consulter si des symptômes semblables à ceux déjà cités apparaissent et durent. Un traitement précoce est essentiel pour que les troubles ne se fixent pas.

Visiter le site de l'auteur: www.smppa.ma

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Bahia El Ouazzani
Médecin, pédopsychiatre
Bahia El Ouazzani est pédopsychiatre exerçant à Casablanca. Elle est également secrétaire générale de la Société maro ...
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