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Grand Angle

Maroc : Les universités vont-elles rompre leurs liens avec Israël ?

En Europe et aux Etats-Unis, les universités sont nombreuses à décider de rompre leurs liens avec celles en Israël, en protestation contre la guerre continue dans la bande de Gaza. Au Maroc, le silence des universités ayant scellé des accords avec leurs homologues israéliennes interroge.

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Dans de nombreuses universités aux Etats-Unis ou encore en Europe, les manifestations pro-palestiniennes continuent. Les étudiants y dénoncent massivement la guerre menée par Israël sur la bande de Gaza, depuis le 7 octobre 2023. Jusque-là, les offensives terrestre et aériennes ont fait plus de 30 000 morts, dont majoritairement des femmes et des enfants.

Sous la pression des étudiants en Belgique, l’Université libre de Bruxelles (ULB) a ainsi annoncé rompre sa coopération avec deux instituts israéliens, dans le cadre d’un projet de recherche scientifique sur l’intelligence artificielle. Dans un communiqué, elle a indiqué ne pas avoir de «coopération bilatérale avec Israël», tout en affirmant être «déterminée à poursuivre ses partenariats avec les institutions palestiniennes».

En Irlande, le Trinity University College a décidé de mettre fin à ses investissements dans des entreprises israéliennes, en réponse aux appels de ses étudiants en faveur de la Palestine.

La direction de l’Université Johns Hopkins dans le Maryland (Etats-Unis) est également parvenue à un accord avec ses étudiant, pour mettre fin aux liens avec des institutions en israéliennes. Cette décision permettra aussi de lever le sit-in qui dure depuis près de deux semaines en soutien à Gaza.

Pour sa part, le Conseil des universités espagnoles, qui en regroupe 76, a condamné les actes de violence et a annoncé son appui aux manifestations de soutien aux Palestiniens. Dans ce sens, il s’est dit prêt à suspendre la coopération espagnole avec tout établissement d’enseignement israélien. Il explique cette position par un «engagement clair en faveur de la paix», alors que la guerre continue de ravager la bande de Gaza et ses habitants.

A ce titre, le Conseil a exigé l’arrêt immédiat de l’offensive israélienne contre Gaza, tout en s’engageant à «revoir les relations et, si nécessaire, à suspendre la coopération avec les universités et le centres de recherche israéliens, qui n’ont pas exprimé leur ferme engagement en faveur de la paix et du respect du droit international humanitaire».

Le silence radio des universités au Maroc

Après la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, le 20 décembre 2020, de nombreux secteurs gouvernementaux se sont impliqués dans le processus de déclinaison. Dans ce contexte, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, Abdellatif Miraoui, a reçu le ministre de la Coopération régionale, Issawi Frej, en juillet 2022.

Cette normalisation s’est ainsi étendue à de nombreux établissements supérieurs marocains. En août 2021, l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) a scellé un accord de coopération avec celle de Ben Gourion. Elle porte notamment sur l’échange des expériences et des projets de recherche entre les deux parties.

En septembre 2022, l’Université Abdelmalek Essaadi de Tétouan a signé un protocole d’accord avec celle de Haïfa. Il prévoit une coopération scientifique dans les domaines maritime et de l’aquaculture durable, des technologies et de l’écologie.

En novembre 2022, un accord similaire a été acté entre l’Université internationale de Rabat (UIR) et l’Université de Ben Gourion située à Bersabée. Le but est de développer la coopération scientifique et académique de part et d’autre, à travers diverses activités. En mars 2023, les universités Euromed de Fès et hébraïque de Jérusalem ont scellé leur coopération dans le domaine de la formation et de l’innovation en recherche.

Depuis ces accords, puis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023, les universités marocaines n’ont par ailleurs pris aucune position officielle sur la situation actuelle. Certaines connaissent des manifestations estudiantines en soutien à la Palestine, mais leurs directions n’ont pas encore annoncé leur intention de revoir les partenariats signés avec Israël.

Le Syndicat de l’enseignement supérieur réagit

Face à ce silence, le bureau régional du Syndicat marocain de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique à Tétouan s’est joint au mouvement étudiant. A cet égard, il a exigé la fin de l’accord signé avec l’Université de Haïfa.

Dans un communiqué, fin de la semaine dernière, le bureau syndical a confirmé son rejet du partenariat. Dans ce sens, il a évoqué les massacres israéliens en cours depuis octobre dernier, «dénoncés par toutes les couches de la population marocaine». En phase avec sa «responsabilité morale», l’instance a ainsi appelé le président de l’Université à rompre l’accord signé.

Dans le même contexte, le syndicat a appelé «tous les professeurs, les administrateurs et leurs représentants dans les conseils des établissements et tous les acteurs syndicaux à travailler ensemble pour l’annulation immédiate de ce partenariat, compte tenu des conséquences négatives qu’il peut avoir sur tous et sur l’image historique de l’université».

Au-delà de la région, le bureau a appelé l’ensemble des professeurs dans les différents établissements universitaires du Maroc à «faire front contre toutes les activités et initiatives de normalisation, visant à infiltrer l’enseignement supérieur, à profaner les campus et à altérer leur réputation, dans le but de briser leur immunité historique».

Une impasse diplomatique

Sur le plan diplomatique, la guerre d’Israël contre la bande de Gaza a donné lieu une stagnation des relations entre Rabat et Tel-Aviv, à l’exception de la coopération dans le domaine des industries militaires. D’ailleurs, les visites de responsables israéliens au Maroc sont suspendues. Initialement attendu à la fin de cette année, le déplacement de Benjamin Netanyahu au royaume est passé au second plan.

Aussi, Israël a procédé à la suspension des vols directs depuis et vers le Maroc, tandis que le personnel du bureau de liaison israélien à Rabat a quitté le royaume. Dans plusieurs villes marocaines, les manifestations pro-palestiniennes se sont multipliées, de même que les revendications de rupture des relations diplomatiques avec Israël.

Sur le plan officiel, le ton de la diplomatie marocaine a   également changé, depuis le 7 octobre 2023. Ainsi, les offensives israéliennes continues sur Gaza sont sévèrement dénoncées par le Maroc, lors des diverses réunions, rencontres et conférences régionales ou internationales.

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