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Grand Angle

Chronique du Dr Lahna : Les larmes des femmes

Il y a quelques mois, j’ai eu une conversation avec Fatima Barkaoui, sage-femme responsable de la formation à l’hôpital mère enfant à Meknès et dans toute la province. En plus de gérer un nombre considérable de patientes, elle doit les accompagner lorsqu’un report leur est annoncé.

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Ph. DR.
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Sur le chemin du retour vers Casablanca, Fatima Barkaoui et moi avons évoqué le workshop de chirurgie que je viens d’effectuer à Meknès, ainsi que la situation des femmes opérées. Comme nombre d’interventions étaient difficiles et par conséquent longues, nous étions obligés de reporter les rendez-vous des patientes, programmés le dernier jour.

J’ai souhaité m’enquérir du moral de ces femmes et de la manière dont les choses leur sont présentées, dans un contexte de défiance permanent qui sévit dans le secteur de la santé publique et même au-delà. Mme Barkaoui m’a parlé de situations humaines très dures, en me disant que les patientes sont reparties en pleurant.

Voilà ce que je souhaite toujours leur éviter, mais je n’ai pas eu le choix. J’ai été envahi par un sentiment de tristesse. Je lui ai répondu que je ferais en sorte de revenir rapidement pour les opérer. Les démunis et même de larges franges de la population marocaine subissent la hogra (l’humiliation) et je ne souhaite pas être mêlé à des comportements pareils. D’ailleurs, le sens même de mon engagement au Maroc et dans le monde est la préservation de la dignité humaines et celle des femmes dans ce cas précis.

Deux semaines plus tard, des problèmes techniques ont rendu la salle opératoire impraticable et une fois le problème réglé, c’est moi qui ai été malade à cause d’une longue fatigue post grippale. Les larmes de ces femmes démunies et certainement leurs invocations me font reprendre le chemin vers Meknès et ont poussé mon collègue gynécologue Dr Rjafallah à suspendre ses vacances.

Je souhaite remercier tous ceux qui nous permis de sécher les larmes de ses femmes. Ils sont nombreux, de la direction jusqu’aux femmes de ménage. Quand je vois ce qu’on peut réaliser dans un service public, avec de la bonne volonté et une mutualisation des moyens, cela me donne de l’espoir en l’avenir. Cela redonne à l’humain toute sa place.

J’ai de la chance d’exercer un des métiers nécessaires à l’humanité et à son bien-être. Ce métier n’est pas un outil de performance matérielle, comme je le répète si souvent. Et si performance il y a, elle doit surtout être celle du service rendu à nos semblables.

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