L’Association marocaine des droits humains (AMDH) a appelé la France à «présenter des excuses officielles au peuple marocain pour les violations dont il a été victime par le colonialisme français, à réparer les dommages qui en ont résulté, à respecter le droit du peuple marocain à l’autodétermination et à cesser de soutenir les crimes de l’entité sioniste contre les peuples palestinien et libanais, ainsi que les peuples de la région». Dans une lettre ouverte diffusée dimanche soir, à la veille de la visite d’Etat annoncée d’Emmanuel Macron, l’ONG appelle par ailleurs à lever le secret-défense et à exécuter les commissions rogatoires internationales au Maroc, pour élucider les conditions de la disparition et de l’assassinat du leader politique de gauche, Mehdi Ben Barka.
A ce sujet, la lettre ouverte consultée par Yabiladi rappelle que le président français prononcera un discours au Parlement marocain, le 29 octobre, comme prévu dans le cadre du programme de cette visite d’Etat. Cette date coïncide avec la Journée nationale du disparu, qui marque le 59e anniversaire de la disparition de Mehdi Ben Barka, enlevé en 1965 devant la brasserie Lipp à Paris.
A ce titre, l’AMDH souligne la mise en cause «des agents français, en coordination avec les services de renseignement sionistes et américains (…) qui l’ont remis au régime marocain». Depuis, l’opposant au régime de Hassan II n’a plus redonné de signe de vie. Dans ce sens, l’ONG souligne que la France «n’a pas assumé sa responsabilité de révéler le sort de [Ben Barka] et de lever l’impunité sur tous ceux qui sont impliqués dans le crime de son assassinat et de la dissimulation de son corps».
«Vous n’avez pas travaillé à publier toutes les informations dont disposent vos services de sécurité, militaires et de renseignement à ce sujet, sous prétexte de protéger les secrets de l’Etat français. La France reste donc partenaire de ce crime, jusqu’à nos jours», a écrit l’AMDH, s’adressant à Emmanuel Macron.
Ce courrier reprend l’appel de la famille Ben Barka pour faire connaître le sort du disparu. Ce lundi 28 octobre, son fils, Bachir Ben Barka, a publié une lettre ouverte appelant à agir au niveau des deux Etats - la France et le Maroc -, pour élucider les circonstances de la disparition de son père à travers la levée du secret-défense, ainsi que l’exécution des commissions rogatoires internationales.
Cet appel a été lancé précédemment par Bachir Ben Barka et à plusieurs reprises, y compris en 2018. Dans le sillage des déclarations d’Emmanuel Macron sur Maurice Audin, «mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France», le président a été appelé à déclassifier l’ensemble des documents sur la disparition et l’assassinat de Mehdi Ben Barka.
Reconnaître les effets de la colonisation et les réparer
A l’occasion de cette visite d’Etat, l’AMDH rappelle par ailleurs «ses missions de plaidoyer», tout en pointant «les responsabilités» de la France «dans nombre des violations dont le peuple marocain a été victime dans le passé et le présent». Dans ce sens, elle rappelle «le droit du peuple marocain à préserver sa mémoire nationale et à la reconnaissance de son droit à la réparation pour les dommages subis, du fait des violations flagrantes des droits humains, qu’elles soient politiques, civiles, économiques, sociales ou culturelles, résultant de la période coloniale».
L’association rappelle notamment «l’exploitation et le pillage des richesses» sous le Protectorat français, ainsi que «les crimes politiques et civils commis contre des résistants, hommes et femmes». Une réparation permettra de «restaurer la dignité des victimes des politiques racistes et coloniales de [la France] et d’indemniser le peuple marocain pour les richesses épuisées et que [l’Etat français] continue de les drainer».
A ce titre, l’ONG fait référence à l’article 2 du Pacte international relatif aux droits politiques et civils et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle fonde également sa demande sur les conclusions de la Conférence de Durban de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, constituant la troisième session des Conférences mondiales contre le racisme sous l’égide de l’UNESCO.
Par ailleurs, l’AMDH appelle à «revoir tous les accords de partenariat et de libre-échange qui violent les droits du peuple marocain et épuisent ses richesses, tout en cessant d’encourager l’Etat marocain à jouer le rôle de gendarme contre les migrants et demandeurs d’asile se dirigeant vers l’Europe».