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Histoire : Isaac De Razilly ou l’amiral français à l’origine d’une guerre civile au Maroc

En 1629, le membre de la marine française Isaac De Razilly a navigué au Maroc pour libérer des sujets chrétiens, réduits en esclaves par les corsaires de Salé. De Razilly a fini par imposer un blocus à la République de Salé, entraînant une guerre civile interne qui affaiblira les pirates.

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Illustration d'Isaac De Razilly, l'amiral français ayant assiégé la République de Salé en 1629. / Ph. DR
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Isaac De Razilly était un membre de la marine française, un homme noble ayant effectué plusieurs voyages, notamment au Maroc avec des ambitions coloniales au XVIIe siècle. Sous les ordres du roi Louis XIII de France, qui régne de 1610 à 1643, De Razilly se rend au royaume chérifien dans le cadre d’une mission d’observation militaire en 1619.

Quelques années plus tard, le chevalier français revient au Maroc une deuxième fois, et plus précisément à Salé pour libérer des sujets chrétiens réduits en esclaves par les légendaires corsaires de la ville. Malheureusement, la mission de De Razilly au Maroc n’était pas si innocente. Une fois près de la rivière Bouregreg, qui sépare l’actuelle ville de Rabat de sa jumelle Salé, la vraie mission de De Razilly sera révélée et une guerre civile ravagera ces villes pourtant florissantes à la faveur de la piraterie. 

L’embargo à l’origine d’une guerre civile

Le voyage de De Razilly a été entièrement commenté par George Joffe, professeur à l’Université de Cambridge. Dans son livre intitulé «Afrique du Nord : nation, État et région» (Editions Routledge, 2015), l’écrivain a expliqué que De Razilly s’était rendu à Salé, non seulement pour libérer des esclaves français, mais également pour mettre fin aux activités des corsaires marocains.

Image d'illustration. / DRImage d'illustration. / DR

«Si les corsaires ont généralement épargné les Anglais et les Néerlandais, ils ont ravagé les transports maritimes espagnols et français et les villes situées sur les côtes de ces deux pays, en rapportant les butins et les captifs à Rabat», écrit le professeur britannique.

En d’autres termes, l’amiral français s’est rendu en Afrique du Nord pour faire ce que l’Espagne ne pouvait pas et «réagir» face à la menace persistante des corsaires de Salé.

Le voyage de Razilly vers les côtes marocaines débute le 27 juin 1629. Selon le même livre, le Français aurait «navigué vers le Maroc avec dix navires, avec des ordres d’obtenir la libération de captifs français». Une fois à Rabat, De Razilly est confronté à l'objection du Diwan (conseil), un gouvernement dirigeait la République de Salé (1624-1668).

Selon le mémoire d’Isaac De Razilly, cité par Leila Maziane dans «Salé et ses corsaires, 1666-1727» (Editions Univ Rouen Havre, 2008), ce «vice-amiral [affirmait que] – 6 000 chrétiens auraient été capturés par les corsaires salétins entre 1618 et 1626».

A son arrivée, le «Diwan à Rabat a refusé de traiter avec Razilly à moins qu'il ne leur présente des armes et de l'argent», poursuit George Joffe. L’exécutif de la République de Salé aurait demandé 100 canons et un million de livres avant de libérer les captifs. Cette exigence provoquera la colère de De Razilly qui déploie alors ses navires et impose un siège aux deux villes portuaires. Son «escadron avait saisi et incendié sept navires corsaires après un mois et demi de blocus».

De plus, le Français aurait également réussi, sans payer un seul centime, à libérer un nombre considérable de sujets français et espagnols capturés par les corsaires de Salé et même des captifs marocains.

Image d'illustration. / DRImage d'illustration. / DR

Un blocus qui affaiblit la République des corsaires

Le blocus de De Razilly au XVIIe siècle aurait affaibli la République de Bouregreg et conduit à une guerre civile entre Salé et Rabat. Comme l'avait souligné George Joffe, la guerre civile avait éclaté à cause des «pertes infligées par De Razilly et son escadre, la pénurie de denrées alimentaires causée par le blocus et le refus de Diwan de traiter avec l'amiral français».

En fait, le blocus qui durera plusieurs mois avait resserrer l’étau sur les habitants qui étaient fortement tributaires de leurs activités maritimes. En bouclant les deux villes, Isaac De Razilly avait empêché les commerçants anglais et néerlandais d'entrer dans le port et même les corsaires de faire venir des navires d'approvisionnement en provenance d’Assilah.

Confronté aux lourdes retombées économiques et sociales suite au blocus De Razilly, le Diwan décide alors de brandir le drapeau blanc et négocier enfin une trêve avec les Français.

Le 2 octobre 1629, De Razilly et le Diwan de la République de Salé signent une trêve de cinq mois. «Les conditions comprenaient la libération de tous les captifs français à Salé, la fin du blocus et du harcèlement français contre les navires de Rabat-Salé, la fin des raids corsaires contre les Français ainsi que des privilèges de libre-échange pour les Français à Salé et pour les corsaires en France», a écrit Joffe.

À la fin du blocus, les corsaires de Salé ne redeviendront plus comme avant. La taille de leur flotte avait fortement rétréci et le nombre de corsaires opérant pour le Diwan avait drastiquement diminué.

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