Menu

Grand Angle

France : Les commerçants musulmans de Nice en action contre la haine

Le soir de l’attentat terroriste, survenu jeudi dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption à Nice, les commerçants musulmans du quartier cosmopolite de la ville ont lancé un appel à la fraternité et à la mobilisation contre la haine. L’action s’est poursuivie, ce vendredi, avec une marche et un rassemblement symbolique.

Publié
Recueillement et hommages devant la basilique Notre-Dame à Nice, après l'attentat du 29 octobre 2020 / Ph. Valery Hache
Temps de lecture: 3'

Sous le choc, en deuil mais refusant de céder à l’amalgame, les citoyens niçois se sont mobilisés dès hier soir, quelques heures après l’attentat ayant visé la basilique Notre-Dame de l’Assomption, au cœur du centre-ville. Parmi eux, un Collectif de commerçants et habitants d’origine musulmane du quartier Notre-Dame, où se trouve le lieu visé, ont signé un appel pour exprimer leurs pensées de compassion aux victimes et leurs proches. Il y affirment également leur profonde «communion avec les responsables de cette belle Basilique de Notre-Dame qui fait magnifiquement partie de [leur] quotidien».

Ce vendredi dans la mi-journée, les signataires ont organisé une marche symbolique, depuis leurs commerces jusqu'à l’entrée du lieu de culte, où ils ont déposé une grande gerbe de fleurs et ont été reçus par le prêtre de l’église. Président de l’Association la Maison du Maroc 06, qui fédère des compétences marocaines pour créer des passerelles entre la France et le Maroc, Houcine Jamouli est l’initiateur de cette mobilisation. Il a déclaré à Yabiladi avoir fait le pas car «on ne peut pas rester passifs face aux ennemis de la mixité et rester une majorité silencieuse».

L'hommage rendu aujourd'hui devant la basilique Notre-Dame à Nice, en présence de membres du collectif des commerçants d'origine musulmane reçus par le curé, après le dépôt d'un pot de ChrysanthèmeL'hommage rendu aujourd'hui devant la basilique Notre-Dame à Nice, en présence de membres du collectif des commerçants d'origine musulmane reçus par le curé, après le dépôt d'un pot de Chrysanthème

Un appel aux musulmans pour rejeter la haine et la stigmatisation

Jeudi matin, Houcine Jamouli était sur les lieux de l’attentat, une dizaine de minutes après le passage à l’acte du terroriste. Il a vécu de l’intérieur l’intervention de la police et des secours, l’horreur qui s’est emparée des passants, ainsi que la mobilisation des autorités municipales et nationales.

«Comme tout un chacun, quand on est témoin d’un attentat à quelques pas d’où l’on vit, on pense aux proches et aux amis. On se dit "j’aurais pu être une des victimes". C’est un sentiment humain qui nous traverse», a confié l’associatif à Yabiladi.

Lui-même rescapé d’un précédent attentat, celui survenu à Nice le 14 juillet 2016, Houcine Jamouli s’est dit «d’abord sous le choc, car on ne réalise pas comment quelqu’un peut s’en prendre à un lieu de culte d’une religion sœur et abrahamique».

«C’est un sentiment d’écœurement et de chagrin qui nous étrangle d’émotions, car rien ne justifie par quel paradigme un terroriste ose s’attaquer à des personnes innocentes qui priaient.»

Houcine Jamouli

Encore sous l’émotion, il pense à l’action et prend ainsi l’initiative de mobiliser ses collègues commerçants, afin de «dire non à la barbarie, non à l’amalgame et la stigmatisation» également. L’objectif étant ainsi de «collecter un maximum possible de signatures des habitants et des commerçants d’origine musulmane du quartier», son appel reste ouvert aux adhésions. Houcine Jamouli estime en effet «important qu’en plus des représentants du culte musulman», notamment le CFCM, «les citoyens et les acteurs de la société civile s’organisent» et s’expriment dans ces circonstances.

«Habitant le cœur battant de Nice depuis de longues années et moi-même commerçant, je sais ce quartier abrite une importante communauté marocaine et des citoyens français de toutes les origines, algériennes, tunisiennes, palestiniennes et asiatiques globalement.»

Houcine Jamouli

Un appel au «mieux vivre-ensemble»

Situé en plein centre-ville, le quartier est célèbre pour ses commerces de proximité qui côtoient les grandes enseignes. Dans le contexte de la Covid-19, cet attentat ajoute une «douleur à la douleur», selon les termes de Houcine Jamouli.

Ph. Houcine JamouliPh. Houcine Jamouli

«Je peux dire que la pandémie, qui faisait la Une de tous les médias, est quasiment passée au second plan, pendant la journée d’hier», nous a-t-il déclaré. Pour lui, la douleur est multipliée davantage, lorsqu’«on réalise que le terroriste essayait de reproduire le geste avec lequel l’enseignant Samuel Paty a été sauvagement décapité».

«Au-delà de nos origines et de nos choix cultuels nous sommes d’abord des citoyens attachés aux valeurs communes de notre République», note l’appel du Collectif, parvenu à Yabiladi. «Il n’y a qu’une seule communauté, c’est la communauté nationale et nous sommes fiers d’en faire partie», souligne encore le document.

Le texte décrit également «l’effroi» et le bouleversement des commerçants et des habitants musulmans après «cet attentat ignoble et meurtrier».

«Nous partageons l’immense peine de nos concitoyens niçois et de tous les français frappés au cœur (…) Les responsables de Notre-Dame nous les connaissons, nous les apprécions et réciproquement. Nous sommes entièrement à leurs côtés dans cette épreuve douloureuse et tragique. Nous serons mobilisés à leurs côtés pour faire de ce drame une nouvelle occasion pour renforcer la Fraternité Abrahamique qui nous unit pour le Mieux Vivre ensemble dans ce quartier.»

Appel du Collectif

Dans le cadre de cette dynamique, d’autres actions de solidarité et de fraternité sont envisagées prochainement au sein du quartier. «Nous avons notamment projeté de faire un grand couscous de la fraternité sur le parvis de l’église, dès que les conditions sanitaires le permettront», a promis Houcine Jamouli.

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com