Venir à Zagora pour opérer Aïcha et les autres femmes ne se fait pas sans difficultés. Parce qu’il faut trouver des partenaires motivés, convaincre les responsables, rassurer les autorités et montrer l’intérêt du service rendu.
La formation des soignants n’a pour but que de soigner correctement les malades. Mais lorsque la compétence se monnaye, elle se raréfie. De plus, cette vision capitaliste installe une certaine médiocrité au lieu de l’excellence recherchée.
Je ne comprendrai jamais pourquoi la plupart des soignants ont adhéré, avec une facilité déconcertante, à ce comportement humiliant vis-à-vis des patients, se détachant ainsi de leur humanité et assassinant l’empathie que Dieu a créée en chacun de nous.
Le peuple ne supporte plus d’être balloté de services en services, d’attendre des lustres sur des listes d’attente, d’être détourné des hôpitaux publics vers des structures privées, ou carrément de tendre une corruption.
Il faut de l’amour pour faire de la médecine, soulager les maux, absorber le stress des patients et enfin les guérir. Comme il faut de la compétence et des encouragements salariaux, comme la rémunération des gardes d’une part et des sanctions pour fautes ou non-assistance à personne en danger d’autre part, afin de créer un climat de justice aussi bien pour les soignants que pour les soignés.
Ce qui m’inquiète et me met en colère, c’est le devenir des femmes pauvres qui doivent être soignées et qui sont traînées de rendez-vous en rendez-vous, laissant ainsi des fibromes grandir et détruire leur utérus, ou des cancers se propager pour détruire leur vie et leur famille.
Les intentions et plans d’actions se fracassent sur l’autel de la réalité cruelle de la mortalité des nouveau-nés ou ceux des conditions de vie des handicapés à vie à cause d’un accouchement malheureux.
Beaucoup de personnes décrient les services rendus dans le secteur public marocain. Si on commençait à détecter les principales causes pour les traiter, la paix sociale s’en trouverait assurée, croyez-en mon expérience…
Il y a quelques mois, j’ai eu une conversation avec Fatima Barkaoui, sage-femme responsable de la formation à l’hôpital mère enfant à Meknès et dans toute la province. En plus de gérer un nombre considérable de patientes, elle doit les accompagner lorsqu’un report leur est annoncé.
A Assa, chef-lieu de la province d’Assa-Zag, j’ai été agréablement surpris par les moyens mis à la disposition de l’hôpital. Mais comment pourrions-nous motiver des médecins, des sages-femmes et des infirmiers pour y travailler avec enthousiasme, sachant qu’ils ne sont pas du tout habitués à un climat difficile ?