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Grand Angle

Lettre à mon grand-père qui a participé à la Marche verte

En ce jour de fête nationale, point d’analyse ou de récit historique. Je vous transmets ici une lettre qu’aurait pu écrire Mehdi, 16 ans, à son grand-père Abdellah, 75 ans, qui a participé à la Marche verte le 6 novembre 1975. Traduite en français par mes soins.

Publié
Ph. Wikipedia
Temps de lecture: 2'

Grand-père,

En ce jour particulier pour toi, je t’écris pour me remémorer avec nostalgie les récits de ton épopée au Sahara, âgé alors de 31 ans. Tu n’avais pas hésité à rentrer du sud de la France où tu étais parti travailler, pour répondre à l’appel de reconquête pacifique d’une grande partie du territoire encore sous occupation espagnole. C’était, me disais-tu, une manière pour toi de participer à une deuxième lutte pour l’indépendance du pays, puisqu’en 1956 tu n’avais que 12 ans.

Tu m’as raconté cette impressionnante marche vers le grand sud tellement de fois durant mon enfance que j’ai l’impression de l’avoir moi-même vécue. J’en connais les moindre détails : le drapeau et le Coran entre les mains, les chants populaires et patriotiques à la bouche, les repas collectifs avec les autres marcheurs venus de divers horizons, mais aussi le sable, le vent, l’océan, la chaleur le jour, le froid la nuit, la fatigue tous les jours, et l’espoir de lendemains qui chantent.

Grand-père,

Ton histoire a bercé mon enfance. Ainsi, je comprends mieux ton attachement au drapeau, surtout quand on se souvient que de nombreux Marocains ont versé leur sang pour recouvrer l’indépendance du pays. La couleur dominante de ce drapeau, le rouge, nous permet de nous en souvenir... à jamais. Mais aujourd’hui, je t’écris car j’aimerais insister sur l’autre couleur qui le compose : le vert.

Si la priorité de ta génération et celle qui t’a précédée était l’indépendance et l’intégrité territoriale, celles de mes contemporains est d’un autre ordre. Economique, sociale, technologique bien sûr, mais surtout écologique. Pour que nous, jeunes marocains, puissions nous projeter dans l’avenir comme tu l’as fait à ton époque, nous avons besoin de nous rassembler autour des nouvelles priorités de notre temps.

Je t’écris en ce jour car je me suis inspiré de ton histoire avec cette fameuse Marche verte. Je rêve aujourd’hui d’une nouvelle Marche verte pour faire face au péril écologique que nous infligeons à notre planète. Pour éveiller les consciences de vous, adultes, concernant le stress hydrique qui touche notre pays ; la pollution de l’air dans nos villes qui déclenchent chez nos enfants asthmes et allergies ; la déforestation galopante qui décime nos cédraies ; mais aussi la désertification dévorante qui menace nos villes du Sud.

Grand-père,

J’aimerais avoir ton avis sur une proposition que je compte soumettre au chef du gouvernement qui doit prochainement visiter notre lycée : l’instauration d’un programme national de plantation d’un arbre pour chaque nouvelle naissance, symbolisant notre foi en un avenir meilleur. Chaque vie donnée sera l’occasion d’une offrande à cette nature généreuse.

Je n’ai que 16 ans, alors je ne sais pas si mon idée est saugrenue, naïve ou irréalisable. Mais je me souviens de la phrase de Winston Churchill que tu m’avais cité une fois : «Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait !»

D’ailleurs, toi-même tu ne pensais pas que je continuerai à t’écrire des lettres en 2019 lorsque tu m’as initié à cette tradition en 2011.

J’ai hâte de lire la réponse d’un ancien marcheur concernant mon idée de nouvelle Marche verte.

Je t’embrasse très fort.

Mehdi

Article modifié le 11/11/2019 à 01h59

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