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Grand Angle

Taourirt : Les soulaliyates restent évincées de leurs droits à la propriété

Si la lutte des femmes soulaliyates pour leurs droits aux propriétés collectives a porté ses fruits dans la province de Kénitra, le chemin est encore long pour les héritières dans d’autres régions.

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Un des sit-in précédemment organisé à Taourirt par les ayants droit des Lakrarma, où hommes et femmes appellent à obtenir leurs droits de manière égalitaire / Ph. AADCELT
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Elles sont héritières légitimes au même titre que les hommes, mais ce n’est que dernièrement qu’elles ont pu s’inscrire sur la liste des ayants droit. Elles, ce sont les soulaliyates des tribus de Lakrarma à Taourirt. Depuis au moins trois ans, elles manifestent et se sont organisées au sein de l’Association des ayants droit collectivité ethnique Lakrarma - Taourirt (AADCELT).

«Il n’y a pas encore de loi en la matière, mais il existe une circulaire du ministère de l’Intérieur exigeant que si des femmes ne figurent pas sur les listes des ayants droit, celle-ci sont invalides», nous rappelle Rachida Moujniba au sein de l’association.

Elle se félicite de voir enfin cette décision appliquée, sur papier, à sa tribu, ce qui peut donner lieu à des recours devant la justice en cas d’abus. En effet, la militante comme d’autres femmes de Lakrarma ont été inscrites sans pour autant toucher leur dû.

Une décision non appliquée

Appuyées par les femmes des Lakrarma, Rachida Moujniba et deux autres femmes comptent désormais se proposer pour assister aux réunions des représentants tribaux, ainsi que celles tenues avec les pouvoirs publics et locaux. L’objectif sera surtout de porter la voix de toutes les soulaliyate de la tribu, afin de leur rendre compte des décisions prises.

«Dans la pratique, nous sommes encore évincées car nos représentants soutiennent que si les femmes, dont celles qui sont mariées à des hommes extérieurs de la tribu, bénéficient des parts de terres, ces dernières risquent de tomber entre les mains d’héritiers qui ne font pas partie de Lakrarma.»

Dans ce sens, Rachida Moujniba estime que plusieurs parmi les représentants des tribus Lakrarma «ne seraient eux-mêmes pas des descendants directs». Au sein de son association, elle dit en avoir identifié plusieurs, dont 14 désignés depuis plusieurs décennies comme porte-parole «après avoir gagné notre confiance».

En 2013, L’Economiste a fait état d’une plainte à ce sujet, qui a effectivement été déposée auprès du tribunal de première instance de Taourirt. Mais après trois ans de procédure, celui-ci s’est déclaré incompétent. Ceci a poussé l’association à saisir les institutions judiciaires d’Oujda. Des documents de l’AADCELT, que Yabiladi a pu consulter, montrent en effet que plusieurs des représentants concernés se seraient octroyés des terres sans y avoir droit, en plus d’en faire bénéficier leurs enfants, leurs frères ou encore leurs épouses.

Une gestion défaillante

Contactée par Yabiladi, une source ayant requis l’anonymat estime «parmi les représentants des Lakrarma, certains continuent de céder les terres collectives à des entreprises semi-publiques sans redristibuer l'argent aux ayant-droits de manière équitable». Notre interlocuteur souligne l’irrégularité de cet usage, d’autant plus que «conformément à la circulaire organisant les activités de ces nouab, la responsabilité qui leur incombe doit rester bénévole».

Pour sa part, Rachida Moujniba reste déterminée à faire valoir ses droits ainsi que ceux de toutes les soulaliyates des Lakrarma, ajoutant que «ces injustices doivent cesser». Une lutte qui n'est pas de tout repos, puisqu'elle n'a toujours pas reçu le récepissé pour son association après un renouvellement du bureau, depuis au moins un an. La militante lance un appel à l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), afin de prévoir une caravane de plaidoyer dans la province de Taourirt. Elle nous rappelle que celle-ci, derrière la victoire des soulaliyates à Kénitra, s’est arrêtée l’année dernière aux villages de Guercif.

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