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Interview

Maroc : Les minorités religieuses sont «pessimistes», leur dossier refusé par les autorités

Alors qu’elle vient de voir le jour, dimanche dernier à Rabat, suite à la tenue de son congrès constitutif, l’Association marocaine des droits et des libertés religieuses n’a pas pu déposer son dossier auprès des autorités de la capitale. Son président, Jawad El Hamidy revient auprès de Yabiladi sur ce refus et les prochaines actions de son ONG.

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Vous avez organisé, dimanche dernier à Rabat, le congrès constitutif de l’Association marocaine des droits et des libertés religieuses. Jeudi, vous vous êtes déplacés à la Wilaya de Rabat pour le dépôt de votre dossier. Comment cette procédure s’est-elle déroulée ?

C’est le problème que nous avons rencontré. Nous étions hier à la Wilaya de Rabat. Au début, les autorités ont refusé de recevoir notre dossier à cause d’un problème «technique». Il manquait seulement les numéros de téléphone des membres de l’association. J’ai proposé à leur faire une liste sur place, mais les autorités ont refusé. Un huissier de justice était avec nous. J’ai donc rédigé la liste demandée et suis revenu, sans l’huissier de justice cette fois. Le représentant des autorités locales m’a pourtant affirmé que le dossier était complet, mais il a refusé de nous accorder un récépissé. Nous avons donc refusé et attendu le huissier pour rédiger un procès-verbal.

Pourtant, vous avez affirmé avoir perçu des signes positifs de la part des autorités, dimanche dernier…

Les autorités envoient des messages négatifs, puisqu’elles refusent de respecter la loi. Cette dernière énonce que dès la réception du dossier, un récépissé est accordé à l’association. Cette violation est inacceptable, tout comme le refus de réceptionner notre dossier pour une raison pareille. Selon la loi, même si un document important manque au dossier de constitution d’une association, les autorités doivent réceptionner le dossier en attendant de compléter la procédure. Le refus n’existe pas dans la loi sur la constitution des associations. Cela nous pousse peut-être à changer notre discours pour dénoncer ces violations de nos droits. Il est inacceptable qu’on se résigne face à ce genre de situations, en tant que militants des droits de l’Homme. Les personnes de différents courants religieux ont toujours un sentiment de peur, de marginalisation de la société marocaine et le refus des autorités locales ne fait qu’entériner ces sentiments-là.

Quels sont les signes positifs dont vous parlez exactement ?

Lors de l’organisation du congrès constitutif de notre association, une seule personne représentant l’autorité locale y a assisté. Elle s’est présentée en tant que fonctionnaire du ministère de l’Intérieur et a demandé des informations. Ce rendez-vous s’est passé dans des conditions différentes de celui de 2017, lorsqu’il y avait presque 50 éléments des forces de l’ordre qui avaient encerclé le siège de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). Il n’y a pas eu de restrictions lors des réunions comme avant. Des signes très positifs qui nous ont rassuré. Cependant, les autorités administratives font aujourd’hui preuve de violations de nos droits, ce qui nous poussera à la dénoncer dans un contexte national assez sensible. Nos droits doivent être accordés.

Les participants au congrès constitutif de l'Association marocaine des droits et libertés religieuses. / Ph. DRLes participants au congrès constitutif de l'Association marocaine des droits et libertés religieuses. / Ph. DR

Que constitue l’annonce de la création de votre association, surtout pour vos adhérents ?

Cela constitue un laboratoire pour la cohabitation entre les religions au Maroc. Nous avons des membres marocains de confession chrétienne, juive, musulmane, ibadite, qui ont constitué des comités et cohabitent ensemble. C’est donc une expérience applicable à toute la société marocaine. Notre association connait aussi un dynamisme sans précédent. A titre d’exemple, quelques jours seulement après la constitution de l’association, les Marocains chrétiens organiseront dimanche prochains une réunion de leur comité pour discuter des questions organisationnelles, de leur programme annuel et des rencontres qu’ils vont tenir. Les chiites aussi sont en train de préparer une réunion. Un comité des athées est également en cours de préparation.

Cela veut dire que l’association est déterminée à se pencher sur les droits et les libertés religieuses de ses membres, ainsi qu’aux violations de leurs droits. Aucune association marocaine n’est spécialisée dans ces questions. Il y aussi la toute première rencontre du comité exécutif de l’association qui sera organisé. Toutefois, nous sommes pessimistes suite à ce qui s’est passé jeudi dans la Wilaya de Rabat.

Avec ce refus de vous accorder le récépissé, votre programme et vos rencontres seront-ils maintenus ?

Nous maintenons nos programmes. Nous n’avons pas demandé une autorisation puisque les autorités ne peuvent qu’accorder un document attestant avoir réceptionné notre dossier. Nous existons au grand dam des autorités. La décision de notre existence nous revient à nous seuls, parce que nous sommes une association indépendante. Nous travaillons avec plusieurs associations et partenaires, dont le Mouvement Tanouir et le Fond européen pour la démocratie. Des organismes qui existent et qui sont autorisés. Ils sont chargés, dans le cadre d’une commission de suivi et d’évaluation de notre projet, de soutenir les minorités pour mettre en œuvre leur programme. Nous sommes engagés aussi à former les minorités religieuses pour qu’elles mènent elles-mêmes leurs plaidoyers. Elles se retrouvent parfois dans les commissariats de police et ne savent pas ce qu’elles doivent faire ou dire. Notre programme est validé et il s’agit d’une priorité pour nous. Les autorités ne font défigurer et porter atteinte à l’image du Maroc.

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