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Grand Angle

Maroc : Des associations appellent à l’égalité dans l’héritage et à l’interdiction totale du mariage des mineurs

Les associations constituant le mouvement féministe du Maroc appellent à une révision du Code de la famille, au vu des vides juridiques et des contradictions dont il est encore miné.

Publié
Ph. DR.
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Dans un texte signé par une quarantaine dassociations des droits des femmes et de droits humains, des acteurs de la société civile appellent à «la révision globale et profonde de tous les livres du Code de la famille, y compris celui relatif à la succession, sur la base des deux principes d’égalité et de non-discrimination fondée sur le sexe, la croyance et la situation familiale des enfants, conformément aux dispositions de la Constitution et de la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes».

Il s’agit de réformer un texte qui «a constitué lors de sa promulgation un acquis important vers la consécration des droits humains des femmes», mais qui a prouvé ses limites au bout de quelques années, encore plus au lendemain de la réforme de la constitution en 2011, qui a consacré l’égalité hommes-femmes. C’est pourquoi, les associations signataires indiquent que le Code de la famille n’a «pas été une rupture effective, par l’adoption totale et décisive du principe d’égalité entre les sexes comme principe encadrant son esprit et sa lettre».

Dans le viseur, des dispositions ouvrant encore la porte au mariage des mineurs, restreignant la responsabilité des mères sur leurs enfants en cas de divorce, ainsi que les dispositions inégalitaires du droit successoral.

La loi ne protège pas les filles des mariages forcés

Contactée par Yabiladi, Khadija Rebbah, membre de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), corédactrice de l’appel, nous explique que «pour avoir longtemps fait du terrain jusqu’à aujourd’hui dans les régions reculées du nord du Maroc», elle a constaté qu’«un grand nombre de filles mariées au début de leur adolescence expriment clairement leur volonté de rompre leurs mariages et de revenir aux bancs de l’école pour continuer leurs études, même à l’âge de 16 ou 17 ans».

Un rêve difficilement réalisable pour nombre de ces jeunes cheffes de familles malgré elles, puisque leur mariage est acté avec le consentement des parents et grâce à la dérogation que permet le Code de la famille au juge.

Pour Khadija Rebbah, «même à 18 ans, une ou un jeune a encore beaucoup à apprendre dans la vie et n’est pas assez maître de lui-même pour s’engager à fonder une famille en laissant forcément ses études de côté».

Les filles semblent en faire les frais plus souvent que les garçons, nous fait remarquer la militante : «Lorsque le mouvement féministe tient de tels propos, il est souvent taxé d’être contre le mariage et pour la déconstruction de l’institution familiale dans son sens classique.» Ainsi, KHadija Rebbah nous explique la nuance :

«Ce que nous demandons, c’est que les filles victimes de mariages précoces doivent revenir à l’école, d’abord bénéficier de leur droit à la scolarisation, à un processus d’autonomisation afin de mieux assurer leur indépendance financière plus tard, puis arriver sereinement à un âge où ce sera à elles de décider de se marier ou non, et non pas subir les conséquences d’arrangements qui les condamnent à l’abandon scolaire puis au chômage.»

L’égalité successorale est une urgence

Par ailleurs, l’ADFM réitère l’urgence de réformer les dispositions successorales telles que prévues dans le Code de la famille, et qui n’ont pas évolué dans un sens égalitaire justement, malgré la réforme de 2004. Dans ce sens, Saïda El Idrissi, présidente de l’association, nous rappelle qu’il s’agit ici d’un combat mené depuis plus de dix ans par l’ONG.

«Les associations féministes ont toujours mené des batailles pour l’égalité hommes-femmes dans un environnement très hostile à ce principe. Ce n’est donc pas étonnant que des positions défavorables s’expriment sur la question de l’égalité dans l’héritage, mais c’est en continuant ce plaidoyer sur d’autres questions que nous avons pu enregistrer des acquis, et c’est de cette façon que pourra être alors initiée une réforme au niveau successoral.» 

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