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Grand Angle

Les mineurs de Jerada reprennent leur «grève»

La succession d’accidents meurtriers dans les mines de la Province de Jerada amène les ouvriers à prolonger leur arrêt de travail, alors que la pression sur les mines de la région est au plus haut.

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L'entrée de la galerie de Sidi Boubker est gardée contre les intrus et les voleurs.
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Le Hirak de Jerada n’aura pas eu à attendre de célébrer, demain, vendredi 2 février, le 40e jour anniversaire de la mort des deux frères mineurs clandestins à Jerada pour compter un nouveau décès. «Les mineurs qui avaient repris le travail après le boycott des mines, parce qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’arrêter de travailler aussi longtemps, ont décidé de reprendre leur ‘grève’», explique Aziz Naitabou, l’un des porte-paroles du Hirak.

Dimanche dernier, peu avant la manifestation des 43 cercueils, trois hommes travaillaient seuls sur une aire de stockage située juste derrière Jerada pour calibrer et ensacher le charbon produit par les puits avoisinants. «Je travaille, ici, à la surface parce que je ne suis plus capable de descendre creuser au fond», expliquait Soufiane, 81 ans, mineur depuis 17 ans. Avec ces deux collègues, il n’avait repris que depuis deux semaines car jusque-là les mineurs avaient cessé le travail en signe de protestation. Pour lui, il s’agit d’un luxe qu’il ne peut guère se permettre.

«Si j’arrêtais de travailler, je ne pourrais plus manger. Mes deux filles se sont mariées, heureusement, mais je vis avec ma femme et mon plus jeune fils de 17 ans qui a été renvoyé au collège à cause de ses absences.»

Ces grèves des mineurs - qui n’en sont pas puisqu’ils ne sont pas salariés - et les mouvements de protestations se répètent dans la région à chaque accident. Le 31 janvier, un éboulement avait déjà blessé un mineur, dans la galerie de Sidi Boubker, à une heure de route à l’est de Jerada, sur le site de l’ancienne mine de plomb. Sur une place, derrière les arcades de l’entrée des anciennes «Mines de Zellidja», moins d’une centaine d’homme discutent. Samir*, la trentaine, est désigné par les autres manifestants comme leur porte-parole.

«Depuis mercredi dernier nous venons tous les jours sur cette place, mais personne n’est venu nous voir. C’est ainsi depuis des années: nous manifestons et puis, s’il n’y a pas de solution, nous retournons travailler dans la galerie.»

Ressource convoitée dans une région en difficultés

Avec la crise économique en Espagne en 2008 qui a poussé beaucoup de MRE originaires de l’Oriental à rentrer chez eux et la fermeture presqu’hermétique des passages clandestins frontaliers avec l’Algérie depuis trois ans, la pression sur les ressource minières de la région s’est intensifiée ces dernières années et ces derniers mois. C’est en hiver que la demande et donc le prix du charbon sont les plus élevés, mais c’est en hiver aussi, avec les pluies et la neige, que le puits s’effondrent le plus souvent.

«Les gens qui viennent d’Oujda pour travailler dans la galerie ne connaissent rien aux mines, c’est eux qui s’attaquent aux piliers qui soutiennent les galeries pour récupérer plus facilement du plomb et fragilisent les galeries», accuse Mohamed. Les mineurs de Sidi Boubker demandent ainsi à ce que la galerie ne soit accessible qu’aux habitants de la petite ville.

A l’entrée de la galerie principale, au-dessus de la ville, deux mineurs montent la garde autour d’un petit feu. Le sol est tapissé de piles usagées utilisées pour les lampes frontales. «Ils sont là pour éviter que des ouvriers extérieurs à Sidi Boubker ne viennent creuser mais aussi pour empêcher les vols de matériel », explique Mohamed*.

*Les prénoms ont été changés

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