Dans un contexte où le Maroc et le Polisario sont dos-à-dos sur le dossier sur le Sahara, et que l’ONU tente une énième fois de relancer les négociations, tous les évènements peuvent prendre une tournure disproportionnée dans les provinces du Sud. Le cas le plus récent, la mort d’un adolescent sahraoui, Najem, dans un camp aux alentours de Laâyoune, lors de récents affrontements mettant aux prises un groupe d’individus et des éléments de la gendarmerie royale.
Multiplicité de versions
Cette affaire dans laquelle un jeune garçon de 14 ans a trouvé la mort, a donné lieu à de nombreuses versions contradictoires. La thèse de la légitime défense des autorités marocaines, veut que Najem soit la victime collatérale d’une échauffourée entre des personnes qui auraient ouvert le feu sur les éléments de la gendarmerie, en essayant de pénétrer de force dans le camp à bord de véhicules 4x4. Les gendarmes auraient riposté à des tirs de cocktails Molotov, et blessé cinq de leurs assaillants, tuant Najem au passage, qui se trouvait dans l’un des véhicules.
Pour sa part, le Polisario évoque la thèse de l’assassinat, et une autre version sahraouie, relayée par certains médias espagnols, nie la présence d’armes dans les véhicules. Cette version vient donc remettre en question celle de la légitime défense des gendarmes.
Mais les contradictions ne s’arrêtent pas là. Deux versions existent aussi sur l’enterrement du jeune mineur. Un communiqué du ministère de l’intérieur relayé sur le site de la MAP indique que «La dépouille de la victime a été enterrée par son père et les membres de sa famille dans la ville de Laâyoune», après que le père du défunt ait respecté la procédure administrative d’usage. La version du Polisario dit que «la dépouille mortelle du jeune martyr sahraoui (…) a été enterrée par les forces d'occupation marocaines (…) sans la présence de sa famille (…)».
Devant la multiplicité des versions, une enquête, réclamée par plusieurs organisations dont Amnesty International, a été ouverte par le parquet pour faire la lumière sur les circonstances du décès de Najem. Contactée par nos soins, Amina Bouayach, présidente de l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH), a déclaré que l’enquête devra «déterminer la responsabilité de chacun dans cette affaire».
En attendant donc que la lumière se fasse sur cette affaire, le camp de Gdeim Izik aurait retrouvé le calme, sous la vigilance des forces de l’ordre marocaines, nous a confié Hamoudi Iguilit, responsable de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH) à Laâyoune. «La situation est calme, le camp est encerclé par l’armée, mais les habitants entrent et sortent librement», précise-t-il.
Le Maroc gère-t-il mal le dossier ?
Au regard des évènements, il apparait que les autorités marocaines éprouvent des difficultés à gérer certaines crises. Leur gestion musclée, dont la mort du jeune Najem était la conséquence tragique, n'est pas faite pour entamer un dialogue constructif sur le fond des revendications des manifestants.
Un exemple de plus a été fourni par le ministre de l'intérieur. Selon ce que nous a confié le responsable de l’AMDH a Laâyoune, Moulay Taïeb Cherkaoui, se trouvait jeudi dernier à Laâyoune, mais n’y aurait pas rencontré les populations. Pourquoi ne pas saisir cette opportunité ? Le ministre aurait pourtant pu redorer l'image du Maroc sur cette affaire. «Taïeb Cherkaoui se rend à Laâyoune pour aller à la rencontre des manifestants» aurait fait un bon titre de dépêche d'agence, d'autant plus si le ministre avait invité des journalistes à se joindre à son voyage. Mais il n'en était rien. Ce déplacement lui-même n'a pas été rendu public, et la presse a du mal à se rendre sur place.
Il faudra donc patienter, et, en attendant, espérer une enquête transparente.