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Grand Angle

Arrivées estivales des MRE : « Wech-Wech cousin », vaches à lait ou simples vacanciers?

C'est la «saison» des «zmagris», l'occasion pour la presse marocaine de sortir de nombreux numéros spéciaux MRE, de s'approprier de différentes manières ce «grand retour» estival – mais aussi de nourrir des clichés gros comme des tours HLM...

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Il n'y a pas que la Fondation Mohamed V qui souhaite la bienvenue aux MRE. Quotidiens, hebdomadaires, mensuels – la presse s'est également saisie du dossier des vacances au bled. Le quotidien gratuit Aufait prévoit un numéro spécial MRE à sortir dans les prochains jours, Les Echos, l'a publié il y de cela plus d'une semaine. L'hebdomadaire Le Temps consacre une enquête spéciale aux MRE et le Courrier de l'Atlas le dossier de son édition juillet/août.

Les titres démontrent déjà les différences de perception qui peuvent exister. Si Le Temps annonce en couverture de son numéro 58 (10-16 juillet 2010) «la fin du mythe des MRE», il parle plutôt de l'économie de la «saison des MRE» dans les pages consacrées au sujet. Une analyse économique qui reflète une grande partie des discours médiatiques en la matière. Les MRE sont vus à travers leur apport économique au pays d'origine, on parle de bonne ou de mauvaise «saison», et on décrypte les politiques mises en place pour favoriser une bonne «récolte». Bien sûr, les analyses changent selon le point de vue de l'auteur. Les uns critiquent, les autres présentent les mesures prises par les autorités.

Le titre du supplément des Echos du 5 juillet 2010, entre dans le deuxième cas de figure. Intitulé «Le grand retour», l'idée de la «saison» est proche, et le contenu en témoigne. Financé par le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, il était prévu, selon nos informations, qu'il ne traite que le sujet des investissements des MRE au Maroc. Par manque de textes, d'autres sujets (culturels) ont trouvé leur place dans le supplément, mais l'objectif du ministère des MRE est clair. Inciter davantage de MRE à s'engager sur le terrain des investissements productifs au Maroc, secteur qui traine un peu la patte en comparaison aux transferts d'argent. Mais ces derniers aussi auraient dépassé leur zénith. La «saison 2007» était la meilleure de l'histoire, avec environ 55 milliards de dirhams transférés. Depuis, la «récolte» baisse, dépassant à peine les 50 milliards de dirhams en 2009.

Le ministère est actif pour rendre le pays plus attrayant pour des investissements des MRE, mais il bataille également sur le champ des discours. Les liens entre MRE et le Maroc sont présentés en permanence comme étant tout à fait «naturels». Douter de l'appartenance d'un ressortissant étranger d'origine marocaine n'entre pratiquement pas dans le possible des discours officiels. Le ministère insiste plutôt sur le MRE jeune, actif, peut être entrepreneur, en tout cas hautement qualifié, quelqu'un qui s'investit dans le développement de son pays d'origine. Comme le précise le ministre Mohamed Ameur dans ce même supplément, son département privilégie pour cela, «bien plus encore que [les] investissements directs, la mobilisation de nos compétences expatriées».

Cette image, on peut la retrouver par exemples dans les brochures de l'opération Marhaba de la Fondation Mohamed V. Mais les photos choisies par Les Echos pour illustrer le supplément MRE reflètent plutôt le contraire. Meilleur exemple : l'interview dans lequel M.Ameur explique sa stratégie pour améliorer l'investissement des MRE dans les secteurs productifs au Maroc est illustrée, sur deux pages, par une photo d'un groupe d'ados en pull à capuches et/ou avec casquette, sous la pluie, en bas d'un bâtiment en très mauvais état (voir ci-dessous). C'est cette image triste qui entoure la photo du ministre. En constatant l'anachronisme entre l'illustration et le contenu, le ministre a dû se dire, dépité : «Ils m'ont karchérisé mon message !»

Mais cela reste une image courante, qui reflète bien ce réflexe répandu au Maroc d'associer les MRE aux jeunes «racailles» de banlieue traînant dans la rue et au stéréotype du «wesh wesh couz» qui vient au Maroc pour frimer et se déchaîner.

Ce stéréotype, Casawaves, blog d'un expatrié français à Casa, l'entretien à l'état pur à l'occasion des vacances d'été, dans son fil d'actualité sur Facebook. Le titre en dit déjà long : «Wesh cousine !» L'auteur, «Miss Casa», fait dans le populisme et la moquerie teintés de condescendance : Casa serait maintenant «envahie» par Momo, Rachid et Elham (MRE, sic!), au «look wech-wech», rêvant «d'importer la mode urbaine des voitures brûlées au Maroc» pour l'un, et du passeport d'une petite amie italienne (tout en épousant une «bent bladou pure souche») pour l'autre. La fille, «MREtte», «joue la starlette sur les plages […] mais dès qu'elle entrouvre ses lèvres, on a presque envie de 'l'éteindre', tellement elle fait 'sa bouffonne '». Le «manque de scrupules de Rachid, le manque de respect de Momo, et le manque de classe d'Elham» seraient même capables de «rendre Casa plus bordélique qu'elle ne l'est déjà».

On peut apprécier la caricature et l'ironie, encore faut il avoir un message à transmettre pour éviter la moquerie gratuite. Ce message est toutefois difficile à trouver...

Un monde sépare ce texte du dossier «Réussir ses vacances au Maghreb» du Courrier de l'Atlas dans son numéro juillet/août. Sans parler des MRE et de les juger, ce dossier s'adresse directement à tout ceux qui, justement, veulent passer leurs vacances au Maghreb. «Tonton du bled» de 113 y trouve son entrée, le ramadan qui s'avance de plus en plus vers l'été, des conseils «comment éviter les galères au bled»... Des articles qui s'adressent à ce que sont les visiteurs en été : des vacanciers dans un pays que certains connaissent mieux, d'autres moins bien. Certains sont plus intéressés à ce qui s'y passe que d'autres, et ces intéressés, le Courrier de l'Atlas les invite notamment à suivre une visite proposée par Casamémoire. Un tour de Casa en dehors des sentiers battus, qui tente de montrer ce que cache le stéréotype de Dar el Beida, la bordélique.. A méditer.

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