«Ce n'est pas raisonnable de parler ainsi du messager d'Allah, le meilleur des Hommes, ce n'est pas raisonnable et je n'accepterais pas ça». C’est ce qu’a déclaré le chef du gouvernement marocain Abdelilah Benkirane, lors d’un discours, samedi, à Bouznika, au congrès de la jeunesse du Parti de la Justice et du développement (PJD). Une déclaration qui vise en premier lieu Ahmed Aassid, écrivain, militant politique et chercheur à l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), dont les propos, prononcés il y a une dizaine de jours, lors d’une conférence sur «l'Islam et l'enseignement au Maroc», font de plus en plus polémique au Maroc.
Au cours cette conférence, organisée le 19 avril dernier à Rabat, en marge du 10e congrès de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Ahmed Aassid avait estimé que l’islam était «aujourd'hui dépassé, car les valeurs universelles actuelles sont ce que l'humanité a atteint de mieux», rapporte le quotidien Au Fait. Pour le chercheur, l’islam tel qu’il est aujourd’hui enseigné aux jeunes, à travers les manuels scolaires, véhicule «un message terroriste». Aassid a également évoqué un islam «propagé à l'épée» à l'époque du prophète. Une explication qui n’a pas plu à beaucoup de monde dont Abdelilah Benkirane, mais aussi les cheikhs salafistes Mohamed Fizazi et Hassan El Kettani qui y voient une attaque directe à la personne du prophète.
Ahmed Assid surpris
Malgré la violence contenue dans la réaction de ces deux derniers, c’est par Adelilah Benkirane qu’Assid a été le plus surpris. «J'ai été surpris par la déclaration du Chef du gouvernement qui ne sied pas à son rang à la tête du gouvernement», a déclaré le militant amazigh, ce lundi 29 avril, dans une déclaration à Lakome. Avec ces nouvelles déclarations, Benkirane soutient les extrémistes dans la déformation de ses paroles, estimant le chef de file du PJD est actuellement plus préoccupé par «les enjeux électoraux de ses alliés que par l'intérêt du pays, la nécessité de stopper la spirale de la tourmente ou le devoir de pousser le dialogue dans le bon sens», a expliqué Assid, cité par la même source.
«Monsieur le Chef du gouvernement a fait montre d'un opportunisme politique clair lorsqu'il a sacrifié ma personne pour maintenir une bonne relation avec son allié, un courant religieux rigide», a-t-il ajouté.
Si Ahmed Aassid continue aujourd’hui de susciter beaucoup de critiques dans la classe conservatrice, ce n’est pas pour autant qu’il manque de soutien. Plus de 260 associations ont, en effet, manifesté jusqu’à présent leur soutien au militant marocain, dont le Forum de Solidarité Euro-méditerranéenne (FORSEM) qui tire la sonnette d’alarme.
«Accusation dénuée de tout fondement»
«Aujourd’hui, il fait l'objet de menaces et d’intimidations. Son courage civique et intellectuel mérite d’être salué. Ahmed Aassid, que nous tenons en grande estime, est un intellectuel, chercheur universitaire, écrivain connu pour sa finesse, sa courtoisie et son respect de l’autre. C’est un intellectuel de renom et nous avons le plus grand respect pour ses travaux. Nous connaissons bien Ahmed Aassid en tant que militant et écrivain et nous pouvons affirmer que l’accusation dont il est l’objet est dénuée de tout fondement ; son seul tort aux yeux de ces accusateurs - mais pour nous son plus grand mérite - est d’être un esprit libre et critique des idées intégristes et extrémistes», déplore l’association dans un communiqué, rendu public la semaine dernière.
L’association appelle à la mise en place «sans délai» d’une chaine de solidarité pour «que la liberté de pensée triomphe sur la pensée unique et obscurantiste partout dans le monde». Et de poursuivre : «Nous espérons que l’acharnement des salafistes dans la persécution d’Ahmed Aassid sera contrecarré par une mobilisation générale des composantes de la société civile et politique marocaine et bien au-delà. Les pouvoirs publics doivent assumer leur responsabilité en assurant sa sécurité».