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Grand Angle

Histoire : Quand le caftan marocain défiait la colonisation française en Algérie

Dans le contexte de la colonisation française en Algérie, le sultan marocain Moulay Abderrahman a offert un caftan à l’émir Abdelkader, en guise de cadeau particulier pour lui exprimer son soutien. En 1839, ce présent aura eu toute une dimension politique.

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L'Emir Abdelkader d'Algérie
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Alors que la colonisation française a fait main basse sur l’Algérie dans les années 1830, le pouvoir chérifien au Maroc a bien perçu ces développements comme une menace directe. Par conséquent, soutenir la résistance algérienne dirigée par l’émir Abdelkader (de 1832 à 1847) est devenu une priorité. Le sultan Moulay Abderrahman (de 1822 à 1859) n’a ménagé aucun effort pour aider le leader algérien dans sa lutte contre la domination impérialiste.

Ce soutien a eu un impact significatif sur les liens entre la cour royale alaouite et la France. Comme l’écrit l’historien Rafael Danziger, «les relations franco-marocaines, de 1839 à 1843, ont été caractérisées par les efforts continus du sultan pour éliminer la dangereuse présence française en Algérie».

Dans son article «L’attitude du sultan du Maroc Abderrahman à l’égard des Français telle que reflétée dans sa correspondance interne (1844 - 1847)», il affirme en outre que le sultan a tenté de repousser la menace française «d’abord par ses propres forces, puis par l’intermédiaire d’Abd al-Qadir».

Le caftan comme symbole et prise de position politiques

Le soutien du sultan Moulay Abderahman est allé au-delà de l’aide militaire. Le dirigeant alaouite a en effet choisi d’adresser un message à forte portée culturelle, pour marquer son soutien à l’émir algérien et à ses homme armées. Il décide de lui offrir un caftan traditionnel, signe de l’élégance et de la force impériales. Des sources historiques révèlent que le 3 juillet 1839, une délégation marocaine a acheminé le présent à l’émir Abdelkader, lors d’une cérémonie en présence de la population algérienne.

L’historien français Philippe d’Estailleur-Chanteraine le confirme dans ses livres, affirmant que le sultan Moulay Abderrahman «a envoyé à Abd-El-Kader des aides de toutes sortes, et même le caftan vert qui le désigne comme son Khalifat» (délégué). La délégation marocaine a remis le caftan le 3 juillet 1839 et rapidement, la nouvelle s’est répandue parmi les tribus algériennes, jusqu’à Tripoli  (l’actuelle Libye).

Ce cadeau est plus qu’un simple gage d’amitié. Dans le contexte politique et militaire de cette fin du XIXe siècle, il s’agit d’une déclaration politique. Ce geste a rassuré l’émir Abdelkader et a adressé un message clair à la France, sur le soutien indéfectible du Maroc à la résistance algérienne. Aussi a-t-il symbolisé la reconnaissance impériale du leadership de l’émir.

Mais les représailles françaises n’ont pas tardé. Quelques années plus tard, la France a attaqué les villes de Tanger et de Mogador, pour faire pression sur le Maroc et forcer l’expulsion de l’émir Abdelkader, réfugié dans le pays. La situation a finalement conduit à la bataille d’Isly en 1844, puis au traité de Tanger, qui a déclaré l’émir Abdelkader hors-la-loi. Cette accord aura été notamment un moyen de pression sur le Maroc pour faire arrêter le leader algérien.

Alors que le caftan a eu une symbolique politique au XIXe siècle, il est aujourd’hui devenu un sujet de discorde culturelle. Ses origines font l’objet de vifs débats en ligne. Dans ce contexte, le Maroc a déposé un dossier relatif au caftan auprès du Comité gouvernemental de préservation du patrimoine pour 2025, afin de classer cet habit fastueux comme patrimoine immatériel. Plus à l’est, des voix algériennes le revendiquent comme un trésor culturel local prétendument «volé».

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