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Grand Angle

Diaspo #274 : Mostapha Nazih, un Marocain à la tête de la Protection civile aux Pays-Bas

Devenu sapeur-pompier en 1993, après un périple vers la Finlande puis les Pays-Bas, Mostapha Nazih a grimpé les échelons et a étudié 15 ans tout en travaillant. Aujourd’hui, il occupe le poste de colonel de la Protection civile et préside une association musulmane qui aide les jeunes et les femmes.

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Mostapha Nazih est colonel de la Protection civile aux Pays-Bas. / DR
Temps de lecture: 4'

Né le 29 août 1968 dans le quartier Bourgogne à Casablanca, Mostapha Nazih a eu une jeunesse remplie d’activités parascolaires. De joueur de basketball au CMC à l’équipe de natation du Wydad de Casablanca, il s’engage même pour faire du scoutisme Bourgogne.

«Petit, depuis les jours de la Kachfia (scoutisme), j’ai appris à devenir indépendant. J’avais aussi de l’ambition. Après avoir vécu et voyager au Maroc, je voulais découvrir l’Europe. Pour moi, c’était une occasion pour bâtir une expérience, sans faire appel à mes parents ou mes frères et sœurs», confie-t-il à Yabiladi.

Ainsi, après l’obtention de son baccalauréat au lycée Moulay Driss, il quitte le Maroc avec un visa de 10 jours. Transitant d’abord par l’Espagne puis la France, il décide avec un autre ami de demander un visa pour l’Allemagne. Mais il continuera plus loin son chemin au Danemark puis en Suède avant d’arriver en Finlande, où il comptait s’installer. Mais une fois arrivé à Helsinki, il se rend compte qu’il ne maîtrisait pas la langue, qu’il n’avait pas de papiers et qu’il ne connaissait personne.

«Déjà qu’au Maroc, j’avais choisi l’espagnol comme langue étrangère à la place de l’anglais, la situation était délicate pour moi», se remémore-t-il. Mostapha Nazih reste en Finlande quatre mois avant de changer de cap. Alors qu’il devait revenir en France pour poursuivre ses études, il rencontre sur la route un ami qui se rendait à Amsterdam. «L’année universitaire ayant déjà commencé, j’avais le temps d’effectuer ce voyage.»

Une installation difficile aux Pays-Bas

La ville, «fascinante» en journée, change de visage la nuit. «Je ne connaissais personne et n’avais pas où passer la nuit. On était sur le point de chercher des cartons pour passer la nuit dans la rue lorsqu’on a rencontré des Algériens qui nous ont indiqué une caravane dans une forêt proche, où on a pu dormir pendant deux semaines», explique-t-il.

Décidé à rester aux Pays-Bas, le Marocain finit par trouver un emploi chez un Marocain propriétaire d’un snack, qui le loge aussi dans une chambre juste au-dessus pendant plusieurs mois. «Grâce à cette expérience, j’avais pu nouer des relations avec les clients. Ça m’avait aussi permis de me poser des questions sur mon avenir», déclare notre interlocuteur.

Après deux emplois dans la restauration et une fois la langue néerlandaise maîtrisée, Mostapha Nazih prend alors la décision «d’entamer une vraie carrière». «C’était soit la police soit la protection civile. J’avais donc postulé et j’avais passé les deux examens avant de choisir d’aller chez la Protection civile en 1992», se rappelle-t-il. «En 1991, je regardais la télévision un reportage sur les vols, où le policier qui expliquait le phénomène était un Marocain. Cela m’avait beaucoup surpris», ajoute-t-il. Mais la protection civile l'a plus attiré.

«Le travail des sapeurs-pompiers me fascinait. Lorsqu’ils sont appelés pour aider, ils ne posent pas de questions sur l’origine de la personne, si elle est noire ou blanche de peau, si elle a ses papiers ou si elle est en situation irrégulière.»

Mostapha Nazih

Grimper les échelons

Le 1er novembre 1993, le Marocain devient sapeur-pompier à Amsterdam et «l’un des premiers étrangers à faire ce métier». Il s’accroche à son rêve, même si les six premiers mois étaient «difficiles», car la formation était «technique» et il «fallait communiquer» avec ses collègues.

Dès la première année, Mostapha Nazih s’interrogeait sur les étapes prochaines. «Lorsque je m’étais renseigné, on m’avait dit qu’il fallait attendre 25 ans avant de passer au grade suivant. Je pouvais aussi aller faire une formation supérieure pour avancer rapidement», raconte-t-il. Ainsi, il intègre une première formation d’ingénierie et de gestion et obtient, en 2001, un diplôme qui lui permet d’accéder à un poste dans l’administration de la Protection civile. Un emploi qui ne l’empêche pas de continuer à suivre des cours du soir pendant 15 ans.

Son MBA obtenu en 2005, il devient officier puis capitaine. En 2012, alors qu’un poste de commandant-chef de caserne était vacant, le Marocain décide de passer l’examen avec succès. En 2014, avec un changement à la tête de la Protection civile, le nouveau responsable décide qu’un commandant soit désigné à la tête de chaque région. Mostapha Nazih grimpe les échelons jusqu’en 2020, année où il devient colonel affecté au nord des Pays-Bas.

Le Néerlando-marocain a veiller à concilier son travail et sa formation en parralèle. «Depuis 1995, je travaillais en journée et j’étudiais le soir. Je devais gérer mon temps pour consacrer les weekends à ma petite famille, les vacances à mes voyages au Maroc,… Tout doit être programmé. Je me suis marié en 2000 et en 2003, ma première fille était née», nous confie ce père de quatre filles.

Persévérance, gestion et détermination

Mostapha Nazih a également su trouver le temps pour venir en aide à la communauté musulmane installée dans sa région. Président depuis cinq ans, d’une association musulmane, il assiste à ses réunions et couvre ses activités dont la gestion d’une mosquée et des programmes pour les jeunes, les femmes et le sport.

Alors qu’il a assisté à des changements de la société néerlandaise et ses rapports avec l’immigration, le Néerlando-marocain rappelle que «les premiers immigrés marocains occupaient de petits emplois». «Deux générations plus tard, des enfants étaient nés ici et tout avait commencé à changer. Aujourd’hui, les Marocains sont partout et dans plusieurs domaines. Le changement est palpable alors que nous avons des ingénieurs marocains, des médecins, des avocats,…», ajoute-t-il.

«Je pense que ceux qui travaillent et ont de l’ambition, s’intègrent facilement au sein de la société néerlandaise et cette intégration se fait tout en restant musulman et Marocain. On n’est pas appelé à choisir soit d’être Néerlandais ou Marocains, car on peut être les deux en même temps. Que vous soyez colonel ou gardien, vous restez toujours un Marocain.»

Mostapha Nazih

Le Néerlando-marocain, qui se rend deux fois par an au Maroc, ne manque pas de souligner que plusieurs de ses qualités puisent dans son éducation et sa religion. «J’ai grandi dans une famille nombreuse et notre maison était tout le temps pleine. Il fallait apprendre comment gérer et comment se comporter. Aujourd’hui, j’applique les mêmes principes avec mes collaborateurs. Certains sont impressionnés. Ma devise est qu’il faut traiter les gens de la même façon qu'on aimerait être traité», conclut-il.

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