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Grand Angle

Le Maroc accumule 14 ans de retard en matière de droits des femmes

Lors du récent examen du rapport périodique du gouvernement du Maroc, le Comité CEDAW a salué les progrès égalitaires du Maroc, mais a soulevé la persistance des inégalités dans les pratiques et dans certaines lois, malgré la réforme de la Constitution. Depuis 2008, le royaume n’a pas présenté d’actions concrètes et abouties devant l’instance.

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Photo d'illustration / Ph. UN Today
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Une délégation gouvernementale multisectorielle conduite par la ministre de la Solidarité, de l’intégration sociale et de la famille, Aawatif Hayar, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et des coalitions associatives, qui ont soumis leur rapport parallèle, ont participé aux travaux de la 82e session du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), tenue du 13 au 2 juillet à Genève (Suisse). Les 21 et 22 juin a eu lieu l’examen des cinquième et sixième rapports combinés du gouvernement du Maroc, au sein de l’instance relevant du Haut-Commissariat aux droits de l’Hommes. Celle-ci a félicité «nombre de mesures prises en faveur des droits des femmes», mais «a recommandé d’accélérer la mise en œuvre de l’égalité dans tous les domaines».

Dans leur déclaration commune au sein de la Dynamique Hamonization Now, les organisations féministes et de droits humains ayant pris part aux réunions ont indiqué à Yabiladi que les experts du Comité ont, en effet, souligné la persistance de certaines inégalités, malgré quelques progrès soulignés. La rapporteuse spéciale pour le Maroc a noté que le pays n’avait «pas mis en œuvre certaines des recommandations que lui avait adressées le Comité lors de la présentation de ses troisième et quatrième rapports combinés en 2008». Depuis cette dernière apparition, «la participation politique et l’accès aux postes de décision connaissent une relative amélioration, mais n’ont pas encore atteint l’objectif de la discrimination positive, spécifié à l’article 4 de la Convention», souligne Harmonization Now.

Le Code de la famille et les dispositions pénales, un boulet pour l’égalité

Les inégalités contenues dans le Code de la famille ont été particulièrement pointées par le Comité, notamment le mariage des mineures, l’héritage, la polygamie et la tutelle sur les enfants, en plus de dispositions du Code de la nationalité. L’arsenal pénal a aussi interpelé l’instance, notamment le statu quo sur l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), depuis l’ajournement sine die de l’examen du projet de loi 10.15 modifiant et complétant le Code pénal, portant sur la légalisation de l’avortement en 2016. La non-criminalisation du viol conjugal a été soulevée, de même que les manquements des mécanismes de protection de la loi 103.13 contre les violences faites aux femmes.

D’autres points sur les dimensions de droits économiques et sociaux ont fait l’objet d’observations similaires. Le comité a questionné le gouvernement marocain sur l’«absence de progrès dans l’exercice par les femmes de leurs droits économiques et sociaux» notamment en ce qui concerne les domaines de l’éducation (prévalence de l’analphabétisme chez les femmes, l’absence de programmes d’éducation sexuelle…), de la santé (inégalités géographiques en termes d’accès), ainsi que de l’emploi (écarts importants entre les femmes et les hommes dans l’accès au marché du travail).

Présidente de l’association Mains libres, membre de la coalition Harmonization Now, Laila Amili a déclaré à Yabiladi, mercredi, que les associations avaient présenté leurs observations devant le Comité CEDAW lors d’une session plénière, tenue le 20 juin. Elles ont participé aussi à des réunions parallèles avec les membres et membres de l’instance concernant la situation des femmes au Maroc. L’occasion a été de présenter des observations critiques et des recommandations concernant les engagements du gouvernement sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF).

«Les question du Comité CEDAW, formulées à la délégation gouvernementale, rejoignent celles soulevées par le tissu associatif et les organisations féministes marocaines, dans notre rapport périodique parallèle de la Dynamique», nous a-t-elle déclaré. «Nos observations ont justement porté sur les incohérences persistantes entre les principes égalitaires de la Constitution, en harmonie avec les engagements internationaux du Maroc, et les termes discriminatoires de nombreux textes du droit interne», a ajouté la militante.

Rattraper le retard des dix dernières années

«Nous essuyons un retard de 14 ans, au cours desquels le Maroc n’a rien présenté de concret au Comité CEDAW», insiste Laila Amili. «Nous avons soulevé les réformes initiées, mais aussi les manquements, d’autant que nous sommes un pays signataire de la CEDEF depuis plusieurs années, du Protocole facultatif, et que la non mise en œuvre creuse l’écart de manière considérable», souligne-t-elle.

L’un des points saillants de la séance d’exposé des rapports combinés a d’ailleurs été «le retard injustifié dans la création de la Commission pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dans la définition de son mandat et du budget qui lui est alloué, et dans la détermination de son statut par rapport au Comité national pour l’égalité et l’émancipation, qui a été récemment créé par le ministère des tutelles».

Pour Laila Amili, «il y a eu un grand gap entre le tissu associatif et les gouvernements précédents, dirigés par un parti d’obédience islamiste sur les dix dernières années». «Aujourd’hui, nous observons des indicateurs positifs, lorsque la ministre de tutelle promet de veiller à mener un ensemble d’actions. Nous attendons de voir les conclusions du Comité CEDAW, dans les quelques jours qui viennent, afin de nous positionner dans le suivi des actions de l’exécutif et envisager nos prochaines actions associatives», indique la militante.

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