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Grand Angle

Ce que dit le Coran du mariage de la femme musulmane avec un non-musulman (2ème partie)

Il va sans dire que l’union conjugale entre une musulmane et un non-musulman représente l’un des grands sujets tabou des débats sur l’islam. Selon un consensus quasi général et religieusement hermétique, il est formellement interdit pour une musulmane de contracter un mariage avec un non musulman et ce quelle que soit la religion de ce dernier. Tandis qu’il est permis pour le musulman de se marier avec une non musulmane, notamment chrétienne ou juive, ces dernières étant considérées par la tradition scolastique islamique comme appartenant aux «gens du Livre».

Que dit donc le Coran et comment y est traitée cette question du mariage des musulmans et des musulmanes avec ceux qui n’appartiennent pas à cette même religion ?

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La majorité donc des savants ne donne point ou très peu d’explications détaillées quant à cette interdiction qui semble contredire le sens général du verset égalitaire dans sa formulation pour les hommes et pour les femmes.

Cependant, d’autres commentateurs vont tenter de justifier cette interdiction par un autre verset qui affirme ce qui suit : «O vous qui croyez ; quand les croyantes se présentent en réfugiées – Muhajirates – auprès de vous, mettez leur foi à l’épreuve – famtahinouhouna-, bien que Dieu soit le mieux Informé de la sincérité de leur foi. Si vous êtes convaincus qu’elles sont de vraies croyantes, ne les renvoyez pas aux infidèles (kufars) car elles ne sont plus licites pour eux ni eux licites pour elles…» Coran 60 ; 10

Or le contexte de révélation de ce verset et son sens général sont très loin du cas du mariage avec les non musulmans. En effet, l’exégèse classique rapporte que ce verset a été révélé lorsque deux hommes du clan des polythéistes de Quraish sont venus réclamer le retour de leur sœur, convertie à l’islam, Oum Keltoum Bint Aqabah qui avait émigré à Médine afin d’y rejoindre la communauté musulmane[1] .

Il y a lieu de rappeler ici qu’à cette époque le prophète avait scellé un pacte d’entente, pacte d’al-Hudaybya, avec la tribu ennemie de Quraish. Parmi les clauses de ce pacte, qui préconisa la cessation de la guerre durant dix ans, il a été stipulé que, durant cette période, tout Quraychite qui irait rejoindre le prophète à Médine, sans la permission d’un tuteur légal, devra être extradé vers La Mecque.

Oum Keltoum qui s’était convertie seule parmi toute sa famille et qui a du fuir un environnement des plus hostile, adjura le prophète de ne pas la rendre aux siens, afin de ne pas avoir à revivre leur traitement injuste envers elle[2].

Le verset fut donc révélé afin d’empêcher  l’extradition des femmes qui s’étaient converties à l’islam et afin de ne pas les exposer aux représailles de leurs familles respectives.  C’est ainsi que le prophète refusa  de remettre les femmes exilées au clan de l’ennemi, tandis que l’accord fut maintenu pour les hommes.

Comme on le constate, ce verset ne fait nullement allusion à un quelconque mariage avec des non musulmans mais répond plutôt à des exigences stratégiques de protection des femmes qui s’étaient converties à l’islam contre le gré de leur famille et qui avaient  volontairement demandé la protection du prophète.

La contradiction que l’on peut relever dans ces  commentaires classiques, réside dans le fait que, selon ces savants, les femmes musulmanes ne doivent pas s’unir avec des «incroyants», ces derniers incluant les hommes chrétiens et juifs, alors que pour les hommes musulmans, les chrétiennes et les juives sont considérées comme des croyantes.  Comment peut-on considérer que, dans une même communauté chrétienne ou juive, les hommes soient considérés comme des incroyants alors que les femmes, de ces mêmes communautés, devraient être croyantes ? 

Les savants contemporains, devant l’absence de preuves évidentes quant à l’interdiction du mariage des musulmanes avec les personnes appartenant aux autres religions monothéistes, justifient leurs affirmations par la «faiblesse naturelle » des  femmes musulmanes qui  sous l’influence «néfaste» de leurs maris chrétiens ou juifs peuvent être «déviées» du chemin de l’islam, ce qui va nécessairement retentir sur l’éducation des enfants. Alors que l’homme musulman peut avoir de l’ascendant sur son épouse chrétienne ou juive et garder intacte sa foi et préserver celle de ses enfants. Cette supposition généralisée n’étant pas toujours vraie et la «force» ou la «faiblesse» des convictions religieuses n’étant pas inhérente au sexe de la personne mais plutôt à sa personnalité et à ses traits de caractère. 

En fait,  l’argumentaire n’est pas convaincant, car si le verset comme il est interprété unanimement aujourd’hui interdit le mariage entre une musulmane et un chrétien ou juif alors il est interdit pour l’homme musulman aussi. Mais comme le montre de nombreux versets et l’éthique globale de l’islam, les chrétiens et les juifs sont considérés à l’unanimité  comme étant des croyants appartenant aux religions révélées et ce même s’il existe des divergences ayant trait au dogme et à la philosophie théologique.

En conclusion, il ressort de l’ensemble de l’analyse de ce verset que c’est l’union entre les musulmans, hommes et femmes, avec les polythéistes qui est formellement interdite par le Coran.

Le verset concernant le mariage entre musulmans hommes ou femmes et les croyants des autres religions implique des règles qui sont identiques et complètement égalitaires sur le plan de leur formulation coranique. Mais, force est de constater  qu’il existe une unanimité juridique concernant l’interdiction du mariage d’une musulmane avec un Juif ou un Chrétien, alors que nulle part dans le Coran il n’y  a une prescription qui justifie cette discrimination.

La question qui reste à poser est comment pourrait-on aujourd’hui, dans ce chaos conceptuel, culturel et mondialisé, catégoriser les personnes selon leur foi, leur appartenance religieuse ou culturelle ? A quoi reconnaît –on un musulman, un croyant, un chrétien, un juif, un polythéiste ?  Et que dire de tous ceux qui tout en appartenant à une  culture religieuse donnée - dont beaucoup de musulmans - se déclarent en leur âme et conscience athées ou agnostiques ?

Que dire des personnes de culture musulmane qui se marient entre eux et qui dans certains cas ne partagent comme héritage religieux que le nom de famille  et certaines traditions culturelles festives ? Alors qu’un non musulman qui doit se marier avec une musulmane de culture doit prouver, le plus souvent,  en «apparence» son islam pour «sauver la face» alors que le reste n’est que façade et imposture.

Il est vrai que les mariages dits «mixtes», peuvent comporter plus de risques de mésententes du fait des différences culturelles et ou religieuses et qui à un certain moment de la vie, peuvent entraver l’équilibre de la vie commune. Mais cela reste inhérent à tous les mariages, l’essentiel étant d’essayer d’atteindre cette communion intellectuelle et spirituelle dont la principale force reste le respect mutuel.

C’est de cela qu’il s’agit, malgré toutes les différences et les problèmes qui peuvent surgir lors d’une vie commune, c’est fondamentalement le respect mutuel qui fera en sorte que règne la sérénité partagée et l’harmonie d’un amour dont la force majeure restera, encore et toujours le respect de l’autre, de ses convictions et de ses traditions.

Il ne s’agit en aucun cas ici d’inciter les jeunes musulmanes à faire fi de certaines traditions qui veulent, à bon escient, préserver leur héritage spirituel familial, mais il s’agit plutôt de ne plus rester enfermés dans les non dits et des pratiques sociales  hypocrites voire parfois injustes.

Il faudrait avoir le courage intellectuel d’aborder ce genre de sujets au sein des débats sur l’islam afin d’éviter la souffrance morale et la culpabilité qui rongent le cœur de beaucoup de  jeunes musulmans d’aujourd’hui, notamment ceux qui vivent en Occident et qui sont par la force des choses plus confrontés à ce genre de rencontres dans leur vie personnelle.

Il faudrait que ces jeunes musulmans et musulmanes, à l’heure de choisir leur conjoint, le fassent dans la sérénité et  la clairvoyance d’une responsabilité assumée et partagée de part et d’autre. 

C’est ce débat qui fait défaut dans nos sociétés musulmanes d’aujourd’hui où les impensés et le conformisme social ont pris le dessus sur l’honnêteté intellectuelle et spirituelle.  Or, il s’agit de ne plus se masquer la face et de se cacher derrière des forteresses identitaires improbables mais bien de prendre le risque  de regarder les choses en face et d’accepter de voir que le monde a profondément évolué et de savoir que pour préserver la spiritualité des cœurs il faudrait se préserver des hypocrisies et des duplicités sociales qui ont miné notre mode de vie actuel.

Il faudrait savoir revenir, à travers un débat serein et loin des exacerbations émotives, sur le contenu du verset qui parle du mariage interreligieux, à ses finalités et à sa morale.  Revenir au sens vrai et profond des concepts tels que croyants, croyantes et gens du Livre…Revenir à ce que ces concepts ont à nous dire aujourd’hui dans nos sociétés globalisées et pluriculturelles   …Il faudrait savoir revenir à la  valeur intrinsèque et à l’élan spirituel initial qui sous tend ce verset et qui prône avant tout la sincérité,  l’honnêteté du cœur et le respect mutuel, comme fondements incontournables de toute union conjugale.

Wa Allah a’alam.

A lire : Ce que dit le Coran du mariage de la femme musulmane avec un non-musulman (1ère partie)


[1] Tafssir Ibn kathir .

[2] Al Fassi  «el aqd al matine », dans l’ouvrage de Asmâa Ahmed Zyada, «dawr el ma’raa as-siyassi fi ahd an annabi wa al khulafâa ar-rachidin» , Dar Assalam, 2001, p151. 

Intéressant
Auteur : sadako
Date : le 15 septembre 2012 à 14h05
Enfin un article qui ose aborder ce sujet! Effectivement il y a polémique sur les termes et je regrette qu'une oligarchie se soit accaparée l'islam et l'interprète à sa sauce!
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