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Grand Angle

Diaspo #231 : Kamel Kajout, ingénieur spatial et champion mondial de la lecture rapide

Derrière le titre mondial de la lecture rapide détenu par Kamel Kajout se dévoile un long parcours d’apprentissage, que le jeune franco-marocain a su tracer grâce au soutien de son épouse. Ingénieur spatial de métier, il s’active désormais à transmettre les mêmes outils qu’il a acquis, avec l’ambition d’ancrer ce processus au Maroc.

Publié
Kamel Kajout et son épouse Nadia Bouali / DR.
Temps de lecture: 4'

Natif de Seine Saint-Denis dans une famille de six enfants, Kamel Kajout a eu l’opportunité de choisir une option autre que celle de la formation professionnelle, souvent proposée à ses camarades de collège et de lycée issus de l’immigration maghrébine. Né en 1983 en France, d’un père ouvrier et d’une mère assistante maternelle, le jeune franco-marocain a pu décrocher son baccalauréat scientifique, malgré les difficultés vécues. Aujourd’hui, il est ingénieur au Centre national d’études spatiales (CNES), en France, après plusieurs années passées à participer au lancement des fusées à Kourou en Guyane. Il fait désormais partie de l’équipe qui développe les moyens sols pour le lancement de la fusée Ariane 6, prévu vers la fin 2022.

«Lorsqu’on grandit en banlieue, la vie n’est pas facile et on ne rêve pas forcément de travailler dans la recherche spatiale. Mes parents ont souvent voulu rentrer au Maroc, mais ils restaient d’abord pour nous. C’est à travers mes études en ingénierie que j’ai découvert le domaine spatial», se souvient-il. «Mes parents travaillaient dur pour nous assurer des conditions de vie descente et une scolarité ininterrompue. Ils n’avaient pas souvent les outils pédagogiques pour faire un accompagnement scolaire de près à la maison, mais le fait qu’ils aient toujours été là pour nous et qu’ils nous aient poussé à tenir à nos études comme ils le pouvaient nous a permis de nous y accrocher. Je réussissais à l’école mais il fallait fournir de très grands efforts. Aujourd’hui, nous sommes trois frères et sœurs à être ingénieurs», s’est félicité Kamel.

«A la fin de mes études, nous étions en pleine crise économique mondiale de 2008 et j’ai dû passer neuf mois sans emploi. J’ai déposé 500 CV au total, mais je ne trouvais toujours rien. Je sais que le fait d’habiter en Seine-Saint-Denis et d’être Maghrébin n’aidait pas, mais j’ai persévéré et une fois dans le domaine de l’ingénierie, j’ai trouvé que les considérations d’origine ne comptaient pas beaucoup parmi les cadres.»

Kamel Kajout

De l’ingénierie à la transmission du savoir

En dehors du CNES, l’ingénieur commence à développer de nouvelles capacités d’apprentissage, ce qui lui fait découvrir une passion particulière pour les livres et la lecture. Infirmière de métier reconvertie en coach, c’est son épouse, Nadia Bouali, qui lui fait découvrir de nouveaux outils, ce qui lui permet d’évoluer rapidement, puis de décrocher le prix de la lecture rapide à trois reprises en France, ainsi que le championnat mondial en 2021.

«L’entraînement a été très intense. Mon épouse commençait d’abord par me donner trois livres par jour. Il fallait les lire, les mémoriser et les restituer, parallèlement à divers autres exercices de diction, de prononciation et de concentration», nous explique Kamel. Ses efforts portent leurs fruits, au point où il bat le record mondial de lecture rapide. Après avoir atterri dans ce nouvel univers, il a décidé de consacrer son temps, parallèlement au travail au sein du CNES, à Graines de réussite, un centre de formation dirigé par son épouse et où il est directeur général, pour démocratiser les outils qu’il a acquis.

Sans limite d’âges, la structure fondée en octobre 2020 accueille petits et grands, désireux de développer de nouvelles compétences ou d’améliorer leurs capacités d’apprendre. «Notre équipe qui a participé au championnat du monde de lecture rapide était d’ailleurs constituée d’enfants et d’adultes. Nous avons raflé plusieurs prix, chacun dans sa catégorie. Grâce aux techniques proposées par le centre, nous avons observé un grand progrès notamment chez les personnes souffrant de dyslexie», indique Kamel.

Passionné par le sport, Kamel prend d’ailleurs cette discipline pour un sport cérébral. Pour lui, c’est une discipline qui ne permet pas uniquement de gagner du temps. Elle contribue aussi une augmentation de l’accès au savoir et de la création d’impact, permettant ainsi de lever de nombreuses barrières mentales. «Notre cerveau est un organe aux capacités extraordinaires, mais il est encore peu exploité», constate-t-il. Cette nouvelle activité lui a tellement ouvert de possibilités qu’il confie à Yabiladi songer désormais à suivre des études en médecine.

Un pont entre la transmission du savoir et le travail humanitaire

Mais ce nouveau projet de vie qui peut marquer un tournant pour Kamel n’est pas indissociable de ses autres activités. En effet, l’ingénieur s’active dans le travail humanitaire, surtout au bénéfice de sa région d’origine, Taza, à travers l’association Les Chemins du cœur.

«Nous avons l’objectif d’y construire un dispensaire dans le village d’Awlaz car le besoin est là. Mes parents ont toujours voulu revenir au Maroc et j’ai déjà eu cette idée, à long-terme. Si ma formation de médecin peut avoir un apport pour le dispensaire, ce ne sera qu’une suite logique dans mon parcours.»

Kamel Kajout

Créée en 2018, l’ONG vise à proposer une aide aux populations démunies en France et dans le monde. Ses premières actions sont sur le travail social de proximité, notamment à travers les maraudes et de soutien aux familles pauvres en Ile-de-France. Grâce aux dons, l’association a pu axer son travail sur la santé, l’éducation et l’accès à l’eau potable. «L’objectif a d’ailleurs été pour nous de mettre en place ce dispensaire dans la région de Taza, mais au vu des besoins urgents constatés sur le terrain, nous avons commencé d’abord par réhabiliter et équiper une école, creuser un puits, avant de nous recentrer sur le projet initial», indique Kamel.

«La crise sanitaire a un peu retardé le chantier de la structure de santé, mais nous sommes en train de finaliser les conventions actées avec le ministère de tutelle au Maroc ainsi que les pouvoir locaux. Nous attendons seulement que ces démarches touchent à leur fin pour commencer les travaux de construction, puisque le budget et déjà disponible», explique Kamel. Dans cette région qui lui tient particulièrement à cœur, il ambitionne ainsi de proposer des actions humanitaires dans le domaine de la santé, mais aussi de l’éducation, grâce à l’expertise acquise du centre Graines de réussite.

«Ce sera vraiment l’un des premiers points à l’ordre du jour de notre prochain voyage au Maroc, mais je pense que notre pays gagnera énormément à adopter des projets éducatifs territorialement généralisés, qui incluent ces techniques d’apprentissage, dupliquées et adaptées du système scandinave dont nous connaissons le grand succès au niveau mondial», insiste Kamel. «Si notre pays choisit cette voie et nous pouvons mettre nos moyens à la disposition des départements concernés, ce sera un grand gain pour le maximum d’élèves possibles dans les écoles marocaines, publiques comme privées. Je suis sûr que son classement s’améliorera rapidement en termes d’enseignement à l’internationale», ambitionne-t-il.

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