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Grand Angle  

France : Le Halal en danger suite à l’interdiction d’un type d’abattage rituel de volailles ?

Des experts ont affirmé, dimanche, que le halal serait en danger, suite à la récente instruction du ministère français de l’Agriculture et de l’alimentation. Pour eux, les industriels doivent saisir l’occasion pour aller vers un abattage sans électronarcose, qu’ils n’hésitent pas à pointer du doigt.

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Photo d'illustration. / DR
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L’Union française des consommateurs musulmans (UFCM), basée à Lyon, a organisé une rencontre avec les professionnels du secteur du Halal en France, tenue dimanche soir par visioconférence, au lendemain de la sortie médiatique de la Grande Mosquée de Paris, ainsi que celles de Lyon et d’Evry. Elles ont dénoncé, vendredi, l’instruction technique DGAL/SDSSA/2020-722 du ministère français de l’Agriculture et de l’alimentation, datée du 23 novembre 2020 et qui met fin à l’abattage halal, avec une électronarcose atténuée pour les volailles, à partir de juillet.

Tenue sous le thème «Le Halal en danger ? Qu'en est-il réellement ?», la rencontre de l’UFCM a invité des professionnels pour débattre de cette question, de la situation et des enjeux imposés par ce nouveau texte. «L’enjeu est économique dans un premier temps. Sans électronarcose, le processus permet d’abattre 1 500 à 2 000 poulets à l’heure, alors qu’avec l’électronarcose, le rendement à 20 000 poulets à l’heure offrant ainsi une plus grande cadence, un meilleur rendement prix plus bas», a expliqué Mounir El Fasih, responsable de la societé Moondis.

L’électronarcose face aux souffrances supplémentaires de l’animal

Ce dernier est revenu sur les différents types de produits halal existant en France. «Il existe de la viande halal sans certification, une certification qui accepte l’électronarcose par certains organismes et une certification qui prétend seulement que l’abattage est fait sans électronarcose, en plus des produits certifiés par des organismes reconnus comme AVS», a-t-il expliqué. Et de préciser que «le Halal authentique ne va pas disparaître contrairement au halal light».  

«Il faut respecter ce que veut le consommateur, qui n’est pas informé dans un marché opaque et difficilement perceptible par lui. Il faut aller vers lui, lui expliquer pour prendre position, lui donner la parole et les outils pour décider.»

Mounir El Fasih

Pour sa part, le docteur vétérinaire M'hamed Abdou Benmaamar, membre de l’Association Halal Services a affirmé que «le halal a été toujours en danger», en expliquant que la directive des autorités françaises pousse vers l’utilisation de l’électronarcose conventionnelle.

«Si on revient à quelques années en France, l’abattage de volailles sans électronarcose a été banni tant qu’il n’y a pas de pièges et des contentions de volailles», a-t-il rappelé, pointant du doigt «l’hypocrisie des autorités et les professionnels lorsqu’ils mettaient des pièges pour bénéficier de cette dérogation».

«La seule et unique raison est purement économique. C’est pour faire de la cadence, de la production à grand échelle, à moindre coût (…) Aujourd’hui, on parle de l’abattage rituel des musulmans et non pas de l’abattage en général (…) Cette réglementation pourra pousser certains à s’orienter vers le casher.»

M'hamed Abdou Benmaamar

Le vétérinaire a également accusé les militants associatifs pour le bien-être animal de «servir la cause des abattoirs». «A la veille de chaque Aid El Kébir, ils manifestent par des notes de services pour obliger d’adopter l’électrochoc pour les bêtes et c’est pareil pour la volaille», a-t-il insisté. Pour lui, «la question qu’il faudra se poser est : est-ce qu’on a le droit de faire subir à un animal pour des raisons d’abattage et de sacrifice une décharge ou une souffrance supplémentaire ?».

Profiter du texte pour aller vers un abattage sans assommage

De son côté, Fethallah Otmani, conférencier, membre de l’UFCM et co-auteur d’un livre sur le marché du halal a indiqué que la directive ne fait que confirmer les textes qui existent depuis un certain temps. «En France, il y avait un flou qui était entretenu et qui cesse dès juillet», déclare-t-il en estimant que le texte est «positif» lorsqu’il répond à cette problématique.

«La directive amène de la clarté et il va y avoir de plus en plus d’offensives sur la question du Halal. Certains ont clairement comme objectif de faire interdire l’abattage rituel.»

Fethallah Otmani

Rappelant que «tous les conseils de savants reconnus interdisent clairement la pratique de l’étourdissement sur les volailles, que ce soit l’électronarcose ou le gaz», l’expert estiment que les trois mosquées «devraient plutôt se saisir de la question, en disant qu’il s’agit d’une opportunité pour imposer aux industriels une bonne fois pour toute d’aller vers un abattage sans assommage». Il rappelle, dans ce sens, qu’il existe des «solutions et des systèmes de contention pour parvenir à pratiquer un abattage halal».

Mais du point de vue de Fethallah Otmani, «l’assommage de l’animal dure quelques seconde mais l’élevage dure plusieurs semaines et c’est atroce». Il dénonce, par la même occasion, le fait que le texte interdit surtout «tous les petits laboratoires d’abattage qui proposaient depuis plusieurs années un abattage dans des fermes avec de petites unités». «Si on avait un terrain sur lequel on devait se battre, c’est surtout sur cette formidable opportunité de proximité qui améliorent les conditions d’élevage, d'abattage et du halal, sans rentrer des débats qui n’ont ni queue ni tête», conclut-il.

Article modifié le 22/03/2021 à 18h28

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