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Grand Angle

Maroc : La trajectoire migratoire des vautours d’Afrique n’a pas livré tous ses secrets

Le Détroit de Gibraltar représente la destination la plus importante, parmi les trois principales empruntées par les vautours d’Afrique. Ainsi, nombre de ces espèces s’arrêtent au nord du Maroc, où certains types sont aperçus pour la première fois.

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Des vautours de Rüppell / DR.
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La migration des vautours questionne la sensibilisation à l’importance écologique de ces oiseaux et à la nécessité d’unir les efforts, pour une conservation réussie de ces espèces. C’est dans ce contexte que le Groupe de recherche pour la protection des oiseaux au Maroc (GREPOM/Birdlife Maroc) a tenu, lundi, son webinaire sur le sujet, avec l’intervention de l’ornithologue Rachid El Khamlichi, coordinateur régional de l’unité Tanger-Tétouan-El Hoceïma de l’ONG.

Cette dernière, en charge de la cogestion du site de Jbel Moussa pour la conservation et la réhabilitation des vautours, suit d’ailleurs de nouvelles trajectoires des principales espèces de vautours répertoriées en Afrique. Chaque année, cet espace naturel accueille de plus en plus d’oiseaux migrateurs, lors de leurs escales pour rallier l’Afrique centrale au sud de l’Europe.

Rachid El Khamlichi a justement rappelé l’existence de cinq espèces de vautours qui effectuent cette traversée deux fois par an, avec une migration postnuptiale vers le sud et prénuptiale vers le nord. A peine observé ces derniers mois en région méditerranéenne, le vautour de Rüppell constitue la troisième catégorie la plus importante à être recensée durant ces périodes. Il reste précédé par le vautour fauve, très présent en Afrique du Nord-ouest, souvent sédentaire, mais relativement nomade chez les juvéniles.

«Une partie d’eux traverse le détroit de Gibraltar, avec un mouvement migratoire partiel, ce que le marquage GPS a confirmé depuis plusieurs années», a indiqué l’ornithologue, estimant leur nombre «entre 500 000 et un million dans le monde».

Le vautour de Rüpell pourrait reprendre vie

Le vautour de Rüppell reste moins nombreux à effectuer ce mouvement migratoire, principalement par le fait qu’il se soit éteint dans de nombreuses régions d’Afrique centrale, d’où il est originaire. Cependant, il réside encore dans certaines de ces contrées, entre l’Ethiopie et le Sénégal, en passant par le Mali et le Tchad. Récemment, la présence des juvéniles a été observée entre Jbel Moussa et Gibraltar. Le marquage par GPS de quelques oiseaux a permis de retracer cette trajectoire, suggérant une éventuelle reprise de la vie de l’espèce.

Bien que leur nombre ait «augmenté considérablement aussi dans le Sahel» les vautours de Rüppell sont considérés en «danger critique d’extinction», selon les données de Birdlife en 2017, relatives à la conservation de cette espèce. Leur nombre est d’ailleurs estimé à 22 000 dans le monde, «mais il pourrait être inférieur, selon des estimations les plus récentes qui font état de sa baisse dans certaines régions où il est répertorié», avertit Rachid El Khamlichi. Ces dernières décennies, plusieurs races de vautours africains ont d’ailleurs disparu, à cause du braconnage et du rétrécissement des zones naturelles qui constituent leur habitat.

L’importance des vautours est pourtant cruciale dans l’écosystème naturel. L’ornithologue rappelle qu’ils veillent à une forme d’«assainissement», en se nourrissant d’autres espèces animales déjà mortes ou en décomposition. Ceci fait d’eux en effet des «oiseaux nettoyeurs», qui contribuent à prémunir les eaux naturelles, les autres animaux vivants ou même de l’humain de contaminations susceptibles de se répandre à cause des charognes.

En juin dernier, trois marquages des vautours de Rüppell ont été opérés au Maroc, au sein même du centre de réhabilitation des vautours de Jbel Moussa, avec l’appui du GREPOM/BirdLife Morocco et l’Association marocaine de la fauconnerie et des rapaces (AMFCR). Ils font partie d’un groupe remarqué dans le nord du Maroc cet été, dont six ont été tracés par GPS entre la région et le Détroit de Gibraltar.

Le Maroc, carrefour des trajectoires migratoires des oiseaux d’Afrique

Les vautours africains restent considérés au Maroc comme «une espère accidentelle», selon El Khamlichi. C’est-à-dire que leur route migratoire passant par le nord du Maroc ne serait pas encore empruntée par des groupes importants. Toujours est-il que «deux observations confirmées pour le moment et une troisième hypothèse» indiquent que les juvéniles seraient nombreux à marquer leur passage par cette zone.

En effet et pour la migration des vautours, «le détroit de Gibraltar est le couloir le plus important, avant celui de Messine et du Bosphore». Rachid El Khamlichi souligne que «90% des vautours de l’Europe sont localisés en Espagne» et que le dernier recensement les estime, tous types confondus, à un nombre oscillant entre 95 000 et 200 000. Les vautours juvéniles recourraient particulièrement à Jbel Moussa comme abris naturel, lors de cette traversée, par le fait qu’ils ne trouveraient presque plus de nourriture pour eux dans le détroit, ce qui les pousse à trouver refuge 14 kilomètres plus au sud.

C’est toute l’importance que revêt ainsi le site de Jbel Moussa, qui accueille des vautours souvent «en état d’épuisement, fragilisés, manquant de nourriture et ayant besoin de soins ou de premiers secours». Construit en 2017 sous la supervision du département des Eaux et forêt, sa fonction principale reste d’accueillir ces espèces, de leur offrir un cadre adéquat où ils peuvent rester plusieurs jours, avec une nourriture en abondance. «Dès qu’ils sont relâchés dans la nature, ils arrivent tout de suite à continuer leur chemin», explique Rachid El Khamlichi.

«Le rôle de la station de Jbel Moussa principalement est donc de réhabiliter ces vautours», selon le spécialiste, qui souligne que cette structure est impliquée dans d’autres programmes conjoints, comme «l’équipement avec balises GPS des vautours de Rüppell pour suivre leur phénologie migratoire». Cette opération s’est poursuivie jusqu’à la mi-septembre, période où les vautours retournent à leurs régions d’origine.

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