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Grand Angle

Les routes migratoires imprévisibles de la cigogne blanche entre l’Europe et le Maroc

Même pour les cigognes blanches européennes nées en captivité, la migration vers le Maroc reste l’un des chemins qu’emprunte cette espèce en hiver, selon les résultats d’une nouvelle étude sur les migrations de cet oiseau au plumage blanc et noir, qui reste «protégé et respecté» dans le royaume.

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Photo d'illustration. / I. Six
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Elevée pourtant en captivité dans une ferme du West Sussex, au sud-est de la Grande Bretagne, une cigogne blanche relâchée dans la nature l’année dernière a mis la lumière sur les habitudes migratoires imprévisibles de cette espèce.

Selon les résultats d’une récente étude, des scientifiques ayant utilisé une localisation via une balise par satellite pour suivre ces cigognes blanches, ont révélé comme l’une d’elles s’est rendue au Maroc pour son premier hiver et a passé l'été en Espagne. Elle suivait ainsi le même chemin emprunté autrefois par les cigognes blanches sauvage.

«Lorsque le projet a commencé, les sceptiques ont affirmé que les cigognes élevées en captivité ne migreraient pas mais que les oiseaux relâchés à Knepp ont rapidement traversé le chenal à Douvres», explique l’étude citée par The Guardian.

Une espèce européenne migratrice vs une marocaine sédentaire

Selon Dr Aldina Franco, professeure agrégée en écologie à l’Université d'East Anglia, c’est en 2009 que cette question s’est posée. «Certains de mes collègues étaient convaincus que les cigognes britanniques resteraient dans le pays, d'autres pensaient qu'elles migreraient en empruntant la route migratoire occidentale, alors que je pensais qu'elles suivraient la route de leurs parents vers l'est (…) nous étions étonnés de voir la diversité des stratégies adoptées par les individus», ajoute-t-elle.

«Les cigognes 2020 rencontreront d'autres individus et suivront des oiseaux leaders - des animaux plus âgés et plus expérimentés- en migration. Ils peuvent passer l'hiver dans divers endroits en fonction des cigognes qu'ils rencontrent sur le chemin.»

Aldina Franco

Les scientifiques disent espérer que 19 cigognes élevées en captivité et relâchées le mois derniers à Knepp, rejoignant quatre autres cigognes juvéniles ayant niché dans deux nids dans la nature, les premiers nids réussis en Grande-Bretagne depuis le 15ème siècle. Le cas échéant, elles se rendront, comme Marge, au Maroc pour l’hiver.

«Le Maroc est plus long que large, avec une large façade atlantique et épouse donc parfaitement la forme de la migration des oiseaux de l’Europe du Nord et centrale qui empruntent la voie est-atlantique», nous explique ce jeudi L'ornithologue et professeur de l'université Moulay Ismaïl de Meknès, Imad Cherkaoui.

Contacté par Yabiladi, il ajoute que «pratiquement tous les oiseaux qui migrent entre l’Europe et l’Afrique passe par cette voie de migration et donc le territoire national».

L’expert note aussi que si la cigogne blanche européenne est une espèce migratrice, «ses habitudes ont pratiquement changé au Maroc». «Elle ne migre plus et devient pratiquement sédentaire tout au long de l’année», enchaîne-t-il.

Un oiseau «protégé et respecté» dans le royaume

Un changement dû, selon l’ornithologue, à un certain nombre de facteurs, comme l’adoucissement du climat dans la zone méditerranéenne, qui fait que les hivers sont moins durs et les étés plus arides. «De plus, il y a aussi la multiplication des décharges urbaines qui fournissent une assiette d’alimentation incontournable pour les cigognes blanches au Maroc et beaucoup d’autres espèces», fait-il savoir.

De leur côté, les populations nordiques de l’espèce continuent, elles, à migrer à travers le Détroit de Gibraltar, en milliers d’individus, pour passer l’hiver au Maroc ou aller plus au sud.

«Les changements des habitudes migratoires des oiseaux, et pas seulement de la cigogne blanche, interviennent suite aux contraintes climatiques qui s’installent et sont imposées par le changement climatique. Au Maroc, la cigogne blanche a toujours été une espèce protégée voire même respectée et sacrée.»

Imad Cherkaoui

L’expert cite ainsi le folklore marocain qui définit cet oiseau au plumage principalement blanc, avec du noir sur les ailes, comme apportant «prospérité et bonheur aux ménages marocains».

«Quand une cigogne vient nicher sur le toit d’une maison, on la laisse le faire. Ma grand-mère me racontait que la cigogne était à la base un juge qui, n’ayant pas été juste, a été châtié et transformé en ‘Bellarej’», rappelle-t-il. Et de citer aussi «des poésies, des chants folkloriques et des proverbes qui décrivent l’oiseau, qui a donc sa place dans la culture marocaine».

«La cigogne blanche prospère également dans le royaume grâce à l’intensification de l’agriculture puisqu’elle chasse des rongeurs et des insectes ravageurs», permettant ainsi de se débarrasser de ces éléments nuisibles, conclut le chercheur.

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