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Grand Angle

Coronavirus : Le scénario de Lalla Mimouna chez les sardinières de Safi

De multiples protestations ont conduit à un dépistage élargi au sein des ouvrières d’une usine de conserve à Safi. Jusqu’à samedi, 253 infections au nouveau coronavirus ont été identifiées. Ces femmes ainsi que leurs familles craignent que le bilan ne soit revu à la hausse.

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Photo d'illustration / DR.
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Depuis près de quatre jours, les sardinières de l’usine Unimer à Safi manifestaient sur leur lieu de travail, exigeant des tests PCR pour diagnostiquer d’éventuelles infections à la covid-19 dans leurs rangs. En effet, cette demande a été réitérée après la découverte d’un premier cas au sein de ces ouvrières. Samedi, le bilan est ainsi tombé : 253 des 534 derniers tests positifs au Maroc se concentrent dans ce nouveau foyer infectieux.

La situation devient alors symptomatique du manque de rigueur pour faire respecter les mesures sanitaires dans les milieux industriels. «Le comité de vigilance s’est bel et bien rendu à l’usine, pour s’enquérir du respect des directives sanitaires et de distanciation. Mais à chaque fois que les employeurs prenaient connaissance d’une visite, ils cachaient une bonne partie des travailleuses dans un véhicule à l’arrière de l’usine, donc tout semblait normal», affirme ce dimanche à Yabiladi Mohamed Mribeh, président de la section de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Safi.

Des tests PCR après les demandes répétées des ouvrières

Selon le militant, «c’est cette commission qui est responsable de veiller à ce que les ouvrières ne soient pas exposées à l’infection sur leur lieu du travail : si elle n’a rien remarqué d’anormal, les ouvrières, elles, protestaient et exprimaient leur inquiétude, sans l’intervention des autorités locales». «Une travailleuse de l’usine a affirmé, dans un témoignage recueilli au sein de l’association, que dès le départ de la commission, les ouvrières revenaient à leur poste et se retrouvaient dans une situation de promiscuité», fustige Mohamed Mribeh.

L’associatif affirme aussi que ces femmes «travaillent avec un seul masque par jour, alors qu'il doit normalement être changé toutes les quatre heures». Mais l’usine en elle-même n’est pas le seul espace où celles-ci s’exposent au risque de contracter le nouveau coronavirus. «Les conditions de transport constituent aussi une réelle menace. Pour être conduites à leur lieu de travail, elles sont regroupées par cinquantaine dans de vieux mini-bus, censés recueillir la moitié au maximum», dénonce encore Mribeh.

«C’est donc après la multiplication des protestations que les autorités locales sont finalement intervenues auprès des sardinières», raconte encore le président de l’AMDH à Safi.

«Un premier groupe d’une centaine d’ouvrières a été dépisté, le bilan a été d’une soixantaine d’infections. Au vu de l’ampleur de ces premières infections confirmées, 200 autres ont été soumises à un test PCR, montrant que plus de 120 parmi elles étaient atteintes, jusqu’à ce qu’on arrive aux chiffres d’hier.»

Mohamed Mribeh

«Nous avons déjà mis en garde sur les effets d’une approche plus sécuritaire que sociale dans la gestion de la pandémie, car ce n’est pas cette démarche qui permettra d’endiguer la propagation du nouveau coronavirus», souligne encore l’associatif. «De plus, les ouvrières n’ont pas eu d’autre choix, par le fait que le ministère de l’Agriculture a lui-même communiqué, le 28 avril dernier, sur le fait que les secteurs agricole, de pêche et agro-alimentaire n’étaient pas concernés par la crise ou par le soutien du Fond de gestion de la pandémie», note Mohamed Mribeh.

Pour lui, «cette situation a contraint toutes les ouvrières agricoles, de transformation des produits alimentaires et ceux du secteur de la pêche à continuer à se rendre aux unités de travail, à leurs risques et périls».

Safi repasse au confinement strict

Face à la succession des faits, l’AMDH-Safi a appelé dans un communiqué, au «respect des mesures de confinement mais aussi à la solidarité avec les ouvrières en question», dont nombreuses sont la seule ressource fonancière de leurs familles. Par ailleurs, l’ONG tient responsable le comité de veille de cette situation, appelant à une reddition des comptes pour identifier les failles au niveau du suivi.

Au soir de l’annonce de ce nouveau foyer, les autorités locales se sont empressées de fermer les accès à la ville, désormais reconfinée. Les quartiers où vivent principalement les ouvrières de l’entreprise ont par ailleurs été isolés. A l’issue d’une réunion tenue le soir-même, le wali de la région Marrakech-Safi, Karim Kassi-Lahlou, a insisté par ailleurs sur le renforcement des mesures de confinement pour reprendre le contrôle de la situation. 

Il s’agit notamment de la fermeture totale du troisième district urbain de Safi, où se concentrent les cas positifs, en plus de la fermeture immédiate des 18 unités de conserve et l’arrêt du transport de leurs employés. Les locaux de commerce, eux, devront fermer à 18h00, les cafés à 20h00, en plus de l’interdiction d’accès à la plage et la fermeture de deux marchés de proximité, Assalam et Siha dans le troisième district. Dans cette zone, les opérations de désinfection et de stérilisation des lieux publics et des transports vont par ailleurs s’intensifier.

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