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Grand Angle

«Ce qui s’est passé à Lalla Mimouna pourrait arriver ailleurs», prévient la FNSA

Au lendemain de la découverte d’un foyer industriel de nouveau coronavirus dans les exploitations de fraises à Lalla Mimouna, la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA) plaide pour qu’un contrôle des autres exploitations agricoles du royaume. L’organisation syndicale avertit que sans cela, le même scénario pourrait se reproduire.

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Photo d'illustration / DR.
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Quelques jours après la découverte de plus de 600 cas de nouveau coronavirus au sein des ouvrières agricoles travaillant dans trois unités d’exploitation et de transformation de fraises à Lalla Mimouna, une enquête judiciaire est désormais ouverte pour définir les responsabilités. La décision a été annoncée, au lendemain de vives réactions au sein des professionnels du secteur, notamment la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA).

En effet, le syndicat déclare avoir alerté à plusieurs reprises les ministères concernés. Driss Adda, vice-secrétaire général et secrétaire régional de l’organisation à Kénitra, affirme à Yabiladi que «ce qui s’est passé à Lalla Mimouna était prévisible, sur la base d’observations formulées par la FNSA et adressées au gouvernement, bien avant la crise sanitaire mais aussi pendant la pandémie». Il en tient ainsi responsables «la délégation du ministère de la Santé, ainsi que les ministères de l’Agriculture, du Travail, mais aussi des Transports et les autorités locales elles-mêmes».

Des alertes lancées avant la crise sanitaire

La Fédération a révélé que «nombre d’ouvrières traversent 80 à 100 kilomètres pour venir travailler à Lalla Mimouna, au vu et au su des autorités locales, qui de surcroît ont laissé passer les véhicules insalubres transportant ces ouvrières entassées d’une province à l’autre et même d’une région à l’autre, sans que les modalités requises par les employeurs ou les exigences sanitaire à cet effet ne soient remplies».

Driss Adda rappelle, à cet égard, la situation désastreuse des ouvrières à Lalla Mimouna qui ne date pas de la crise sanitaire. Il décrit une «anarchie» dans les firmes agricoles de la région.

«A Lalla Mimouna comme ailleurs, des intermédiaires d’exploitants agricoles ramènent des femmes depuis Sidi Kacem, Ouazzane, Larache, en plus des ouvrières locales. Sur toute la zone, on compte ainsi plus de 100 000 travailleuses.»

Driss Adda

Membre de la coordination internationale La Via Campesina, qui regroupe syndicats et organisations agricoles à travers le monde, la FNSA a longtemps alerté sur les conditions de transport des ouvrières. Un facteur de risque à part entière, selon Driss Adda. «Comme en temps normal, voire plus, on a laissé traverser des camionnettes et des pick-up qui n’obéissent à aucune norme de sécurité et qui sont toujours surchargées», déplore-t-il.

Le syndicaliste rappelle par ailleurs que «les ouvrières de Lalla Mimouna ont averti de leur situation sanitaire dès le 7 mai». «Nous en avons pris connaissance au sein de la FNSA, mais c’est après les révélations de la semaine dernière que le ministère du Travail et de l’insertion professionnelle a tenu une rencontre avec nous, vendredi dernier», affirme-t-il.

Des enjeux économiques aux dépends de la situation sociale et sanitaire des ouvrières

Driss Adda rappelle que «70% des fruits rouges et des fruits rouges transformés au Maroc, à destination de l’export, proviennent du Gharb». «En pleine crise sanitaire, ces exportations auraient augmenté de 25%, ce qui veut dire que le patronat des fraises a augmenté la main-d’œuvre pendant la pandémie, pour continuer à répondre à la forte demande du marché international ; sauf qu’il n’a pas veillé à la sécurité sanitaire», souligne-t-il. En termes de tranche d’âges, il affirme par ailleurs que les travailleuses sont constituées «de filles mineures jusqu’aux femmes âgées».

«Nous nous demandons si entre les premières alertes et les premiers tests PCR, on n’aurait pas fermé les yeux pour assurer le bon déroulement de la saison agricole des fraises, avant de nous intéresser enfin aux conditions sanitaires des ouvrières derrière ce travail de fourmis.»

Driss Adda

Pour le syndicaliste, aborder la situation sociale des ouvrières agricoles est rendue plus difficile, car «certains responsables locaux ou entrepreneurs agricoles refusent tout dialogue avec les syndicats et exploitent encore plus une main-d’œuvre au travail instable, par le biais des intermédiaires qui annulent toute relation salariale entre les travailleuses et leurs réels employeurs».

Même le contrôle des conditions de travail devient ainsi une tâche ardue, selon le syndicaliste. «Nous avons comptabilité 60 000 fermes, censées être contrôlées par un total de 30 inspecteurs du travail, dans tout le Maroc. Cela veut dire que soit ces cadres ne remplissent pas leurs missions car celles-ci deviennent impossibles, soit ils sont dépassés par la masse de travail», dénonce-t-il. «A titre d’exemple, dans la zone élargie de Kénitra et ses environs, il y a un seul inspecteur de travail, qui contrôle les secteurs agricole et industriel réunis, sachant que ce sont les deux piliers de l’activité économique du Gharb», déplore encore Driss Adda.

Ainsi, celui-ci prévient que «si la même situation qu’à Lalla Mimouna se révèle dans une autre région connue par son exploitation agricole, ce ne sera pas le fruit du hasard, puisque tout le secteur agricole souffre des mêmes dysfonctionnements».

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