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Grand Angle

Quand les sujets du sultan étaient sous la protection de consulats européens au Maroc

Avant le traité de Fès de 1912 instaurant le protectorat français, le Maroc avait perdu son indépendance et sa souveraineté des décennies auparavant. En cause, les proportions inquiétantes du système des «protections consulaires» parmi la population.

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Photo d'illustration. / DR
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Dès le début du XIXe siècle, l’autorité du Makhzen donnait des signes d’essoufflements. Commence alors une course entre les Etats occidentaux pour s’emparer du Maroc. Pour ce faire la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et dans une moindre mesure les Etats-Unis, la puissance montante, avaient besoin de se constituer une armée de fidèles parmi les sujets du sultan. C’est ce que les historiens appellent l’époque des «protections consulaires».

Ce sésame permettait à ses détenteurs, juifs et musulmans, d’être exonérés de payer des impôts aux agents du Makhzen et d’échapper totalement à la justice, quelques soient la gravité de leurs crimes. Des commerçants, des interprètes et des domestiques étaient des «protégés», tout comme des politiques ayant occupé de hautes responsabilités. C’était le cas de Mohamed Ben Othman Al Meknassi, ministre et ancien ambassadeur du Maroc à Madrid, qui avait signé le traité maroco-espagnol de 1799.

Un «Etat dans l’Etat» s’était alors instauré, au vu et au su d’une autorité chérifienne faible et dépassée par les événements du XIXe siècle.

Des religieux tentaient vainement de s’opposer à la vague

Le phénomène a, ensuite, pris des proportions inquiétantes, notamment après les défaites militaires d’Isly (1844) et Tétouan (1860), respectivement face à la France et l’Espagne. Le dernier rempart, qu’est l’armée, garante de l’indépendance du Maroc venait ainsi de tomber, fissurant davantage le lien entre le peuple et sa hiérarchie. Ainsi, la protection des frontières, un engagement pris par le sultan lors de son intronisation, n’est plus assurée.

Dans une tentative de limiter l’ampleur des «protections consulaires» parmi le sujets du sultan, des oulémas alertaient des dangers de ce système sur la stabilité et la souveraineté du Maroc. Une approche religieuse basée sur la condamnation de la proclamation d’allégeance aux non-musulmans. Les livres d’Abou Jaafar Ben Driss El Kettani et d’Abdellah Al Machrafi traduisent cette colère des érudits, qui avait toutefois échoué à freiner le phénomène.

Mais paradoxalement, ce sont les concepteurs de ce système qui, à l’occasion de la Conférence de Madrid, ont pris les choses en main en vue de limiter le nombre de ses bénéficiaires. Pour eux, disposer de milliers de «protégés consulaires» n’était plus adaptés à la nouvelle phase de l’avenir du Maroc qui était en train de se préparer.

Le modèle avait toutefois rempli parfaitement sa mission en contribuant, aux côtés d’une mauvaise et chaotique gestion des finances publiques du pays et de troubles politiques, à détruire les piliers de l’Etat et de l’autorité du Makhzen, permettant ainsi à la France et l’Espagne d’étendre leur autorité sur le pays.

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