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Grand Angle  

France : Les scandales racistes éclaboussent la police

Cinq mois après que la justice a été saisie par un policier, qui a dénoncé ses collègues à cause de messages racistes à son sujet, les six concernés sont toujours en activité. Révélés hier, ces échanges mettent à nu un racisme banalisé également vis-à-vis des citoyens, ce que les révélations sur un groupe Facebook de 8 000 membres ont par ailleurs renforcé.

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Une manifestante lors d'un rassemblement en hommage à George Floyd, tué par la police à Minneapolis (USA) et Adama Traoré il y a quatre ans en France / Ph. AFP - Alain Pitton - NurPhoto
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Policier à l’Unité d’assistance administrative et judiciaire (UAAJ) de Rouen, Alex a saisi la justice française en décembre 2019. En cause, les échanges racistes entre six de ses collègues, sur un groupe Whatsapp, où il a été attaqué directement. Au fur et à mesure de son extraction des contenus incriminés, l’agent de 43 ans découvre avoir côtoyé pendant plus de dix ans des membres de la police fascistes, sexistes, xénophobes, homophobes et suprémacistes. «On est fiché F, F comme fachosphère», peut-on entendre l’un des agents lancer dans une note vocale.

Révélés hier par Arte Radio et par Mediapart, les enregistrements sonores montrent en effet que les concernés s’en prenaient également à des collègues femmes, des justiciers issus de l’immigration, d’origine arabe ou subsaharienne, ou encore des Français de confession juive. L’UAAJ est d’ailleurs le service chargé de sécuriser la préfecture et le tribunal, en veillant notamment au bon déroulement des audiences et en escortant les justiciables. Ainsi, ces derniers n’ont pas échappé aux commentaires.

D’attaques personnelles visant Alex, les échanges sur ledit groupe ont également porté sur le stockage d’armes à domicile, ou de matériel dont la détention peut échapper à une sanction, si son acquisition est motivée par l’autodéfense. «Lacrymo, un coup de poing américain, des mitaines», mais aussi des armes à feu commandées, le tout est gardé à portée de main, en préparation d’un «effondrement» qui «arrivera d’ici quelques années». Sur le groupe, des agents évoquent même une «guerre raciale» qui permettrait d’«achever la bête», à savoir les «nègres», les «bougnouls» ou encore «les gauchistes et les juifs qui dirigent le pays».

Auprès d’Arte Radio, qui a recueilli ses propos, Alex raconte avoir découvert par hasard ces contenus, au détour d’un échange avec un collègue, qui lui a montré les conversations lorsque le concerné a aperçu son prénom. Si des comportements similaires ont déjà été épinglés au sein de la police, c’est pour la première fois qu’autant de preuves écrites et vérifiables ont pu être réunies, dans des affaires de racisme impliquant des agents de police entre eux.

La justice tiraillée dans des affaires de racisme impliquant la police

Après avoir réuni les éléments nécessaires, Alex a intenté un procès pour «provocation non publique à la discrimination», «diffamation non publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nationalité, la race ou la religion» et «injures non publiques en raison de l’origine, l’ethnie, la nationalité, la race ou la religion». Alors que l’IGPN s’est également saisie des faits, l’avocate du plaignant, Yaël Godefroy, a signalé le 2 juin que son client n’a toujours pas été entendu.

Selon le procureur de Rouen, l’enquête de l’IGPN est toujours en cours, mais une première audience s’est déroulée mercredi dernier. Toujours est-il que les agents en question, soumis à un changement de service, sont en activité et en contact avec le public. De plus, ils ne se sont pas vu confisquer leurs téléphones pour une éventuelle expertise technique sur les messages incriminés. Selon la représentante d’Alex, une importante partie des échanges aurait été effacée, ce dont les auteurs sembleraient se réjouir.

S’il est inédit qu’Alex ait réussi à réunir autant d’élément à charge, il est plus courant que la police et la justice traitent ces affaires sans que cela ne découle sur de lourdes sanctions. En avril dernier, l’IGPN s’est en effet saisie d’une affaire, mettant en cause cette fois-ci des policiers dans une bavure à l’encontre d’un ressortissant égyptien. Les révélations ont montré que le commissaire, impliqué également dans les faits, a déjà été épinglé pour de précédentes bavures et humiliations publiques, mais a regagné son poste après investigations.

C’est à la suite des faits que le ministre français de l’Intérieur, Christophe Castaner, a insisté que «le racisme n’a pas sa place dans la police républicaine». Pourtant, l’exhumation de publications d’un groupe Facebook de policiers, comptant 8 000 membres, l’a une nouvelle fois contredit. Révélés ce vendredi par StreetPress, les statuts, montages et autres contenus de cette page appelée «TN Rabiot Police Officiel» compilent les réflexions d’agents qui disent leur fierté d’avoir mené une action violente ou humilié des personnes. Quelques heures après les révélations, Le Point a annoncé que Castaner a signalé les contenus racistes au procureur de la république.

Pour sa part, l’avocate Yaël Godefroy estime que «c’est important qu’on puisse élargir le débat» pour savoir «comment est-ce que lorsqu’on est policier, dépositaire de l’autorité, on peut en arriver à avoir ces propos-là». Elle plaide ainsi pour «un débat public» sur «le racisme dans la société et dans la police», qui selon elle doit être accompagné par les associations.

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