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Grand Angle

Mode et publicité : Les mannequins maghrébins restent rares

Encore peu demandés, les mannequins au physique maghrébin sont assez rares en France. Si le marché de la mode et de la publicité s’ouvre peu à peu, les Maghrébines, comme les modèles noires ou métis restent encore confinées dans la catégorie «ethnique».

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Premier appel : l’agence de modèles ne veut pas être citée, la seconde vous raccroche presque au nez scandalisée, la troisième enfin vous répond. A la question, quelle place tiennent aujourd’hui les mannequins noirs, maghrébins ou métis, dans la mode et dans la pub, la gêne est encore manifeste. «Nous avons de nombreux modèles au physique très varié en fonction de leur origine, mais les clients les demandent peu, de sorte que l’on ne va pas les inscrire dans un casting si l’on sait d’avance qu’elles n’ont aucune chance d’être sélectionnées», explique Stéphanie Savornin, bookeuse pour l’agence VIP Models.

Toutes les agences ne sont toutefois pas de cet avis. «Se demander si les filles au physique maghrébin, africain ou métis sont présentes dans le mannequinat et la mode est une question qui avait du sens dans les années 1970, mais ça fait belle lurette qu’il y a de tout», s’énerve une responsable à l’agence Sindy Bop qui craint manifestement d’être taxée de raciste. Plus calme, la responsable d’une autre agence, assure que «les trois quart du temps, les cahiers des charges des clients ne comportent aucune référence à ce genre de caractéristiques physiques. Aujourd’hui il y a de tout dans les publicités», estime-t-elle.

70% des modèles se ressemble

Aucune exigence a priori de la part des entreprises, sans doute, mais ces jeunes femmes, qui sortent de l’éternelle blancheur-cheveux-lisses resterait rarement sélectionnées. «Dans la publicité, particulièrement, les clients nous demandent dans 70% des cas le même physique : des jeunes femmes châtains, même pas des blondes, contrairement à ce que l’on pense, à la peau claire et aux yeux clairs», explique-t-elle.

De leur part, «je ne pense pas que ce soit du racisme, mais simplement des préjugés. Les entreprises continuent de croire que le public français n’est pas prêt pour ça, alors que la société française elle-même est brassée», estime Keyza Nubret, attachée de communication pour le premier salon parisien Beauty Color, tenu du 14 au 19 décembre. En 2007, Fabienne Schabaillie, directrice du booking au magazine Marie Claire, avalisait pourtant ce raisonnement économique : les filles qui sortent de la norme ne sont pas dans les magazines «simplement parce qu’elles ne «vendent» pas. Quand nous avons fait une couverture avec la sublime Naomi Campbell, les ventes ont, hélas, été décevantes, et il faut savoir que multiplier les couvertures qui ne marchent pas mettrait en péril notre magazine.» Depuis, la tendance est toutefois à l’ouverture. «Le choix des mannequins dépend notamment de l’âge des décideurs, les plus âgés restent conventionnels, mais certaines marques ont une dynamique plus jeunes comme Mac Do ou HM où la diversité des profils est beaucoup plus évidentes», énumère Stéphanie Savornin.

Pour faire évoluer les a priori des annonceurs et des entreprises de produits de beauté, le salon Beauty Color, lancé en 2011, a voulu leur faire rencontrer la clientèle noire, métisse et maghrébine. «Nous avons eu des marques aussi grand public que Nivea, par exemple», raconte Keyza Nubret. L’occasion pour ces marques de rencontrer une clientèle colorée à laquelle elles ne pensent pas de prime abord. Ce genre de salon procède, toutefois, d’une forme de ghettoïsation, «elle est volontaire, dans un premier temps, pour que les petites marques aussi rencontrent leur public, car si l’on fait un salon généraliste sur la beauté, les femmes noires, métisses et maghrébines, penseront qu’il n’y a aura rien pour elles et ne viendront pas», explique-t-elle, mais le but du salon est de s’ouvrir à l’avenir.

Le ghetto «ethnique»

Modèles et mannequins noires maghrébines et métis, sont regroupés dans le milieu de la mode dans la catégorie «ethnique». «Nous avions pensé utiliser ce terme pour le titre du salon, mais il ne veut rien dire, je ne l’aime pas», explique Keyza. L’agence Viva a choisi de créer la rubrique «ethnique» sur son site pour regrouper tous les modèles qui sortent du moule. «Nous étions réputés pour avoir des modèles très beaux dans cette catégorie, alors nous en avons fait une rubrique», explique-t-elle. Aujourd’hui, l’agence pense remplacer cette rubrique par celle de «comédiens» pour publicité. «L’ethnique c’est très bien, mais ça ne rapporte pas», laisse-t-elle tomber avec beaucoup de franchise.

Dans cette catégorie floue, les maghrébines sont encore plus défavorisées. «Les Blacks marchent mieux que les Beurs. Le ressort n’est plus celui de l’identification, mais celui de l’exotisme. La fille marocaine est peut-être à la fois trop proche et trop lointaine», expliquait en 2007 à Marie Claire, Nicolas Menu, directeur artistique dans la pub pour Givenchy, Cacharel, Kookaï. Le secteur communautaire pourrait être une opportunité pour les mannequins. Sala Soltani a lancé l’agence Ethnic en 2004 et les concours miss franco-maroc, miss franco-tunisie et miss-franco-algérienne. Aujourd’hui, son agence s’essouffle faute de pouvoir se financer. «Malheureusement, les neggafas fonctionnent généralement, avec les mannequins sur la base de service rendus, entre personnes qui se connaissent», explique-t-il. Le secteur n’est pas professionnalisé et a tendance à fonctionner «comme au Maghreb, notamment en Tunisie», souligne-t-il. Aujourd’hui, conclut M. Soltani, «les très belles femmes du Maghreb qui ont les moyens de percer dans le mannequinat vont au Liban, mais pas en France.»

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