Cela fait 6 ans que Gazelle Mag existe en France. Son lectorat est féminin et à 80% musulman. Il y a quelques mois, la direction prend la décision de distribuer son magazine au Maroc, au prix de 25 dirhams.
Censuré
Mais surprise. Le premier numéro de janvier/février distribué au Maroc est censuré. Raison de la censure : un article sur deux pages intitulé «Peut-on rire de l’Islam ?» Un article dans lequel la rédaction demande à huit personnes, majoritairement de confession musulmane, si on pouvait rire de la religion. Cependant, ce qui a déplu le plus au Ministère marocain de la Communication, ce n’est pas le contenu de l’article ou les réponses des personnes interviewées, mais plutôt le fait que Gazelle Mag reprenne comme illustration la couverture du journal de Charlie Hebdo de novembre dernier. Il s’agit d’un dessin caricaturant le Prophète Mohammed. En France, cette couverture n’avait pas été du goût de tout le monde. Charlie Hebdo en avait d’ailleurs subit les conséquences. Ses locaux avaient été par la suite incendiés.
Buzz ou pas buzz ?
Avec la polémique que cette couverture avait créé en novembre dernier en France, on se demande pourquoi la rédaction de Gazelle Mag a repris ce dessin pour un numéro publié en janvier. Pourquoi avoir pris le risque d’être censuré au Maroc alors que deux autres publications françaises avaient été censurées auparavant pour avoir publié des représentations du visage du prophète Mohammed ? Pour rappel, le magazine marocain Journal Hebdo avait été également censuré lorsqu'il avait publié les caricatures danoises du prophète en 2006. Etait-ce tout simplement pour faire du buzz afin de faire parler du magazine au Maroc et booster les ventes ? Yabiladi a contacté cet après-midi Gazelle Mag pour en savoir plus. La réponse est formelle : l'objectif n'était pas de créer du buzz.
«On était conscients que l’article de Charlie Hebdo avait suscité beaucoup de réactions. On a souhaité avoir l’avis de Musulmans pour savoir si justement on pouvait rire de l’Islam. D’ailleurs la majorité des personnes interviewées sont contre. Et pour nous, c’était difficile de parler de ce sujet sans mettre la couverture de la Une de Charlie Hebdo. On est là pour informer, cette couverture a quand même existé et on ne voulait pas faire dans la politique de l’autruche», explique Nora Moujtahid, responsable communication du magazine. Elle ajoute que le tout premier numéro qui devait être publié au Maroc était celui de novembre/décembre mais qu’au final, cela n’a pas pu se faire. La rédaction a néanmoins considéré que le sujet sur l’Islam et le rire était toujours d’actualité pour être publié dans le numéro de janvier/février et qu’il pouvait intéresser son lectorat de France et du Maroc. Dans ce numéro, il y avait également une interview de l'écrivain Tahar Ben Jelloun ainsi qu'un article sur le harcèlement sexuel au Maroc.
Pas de censure en Algérie
Le magazine a donc imprimé plus de 8000 exemplaires en France, les a envoyés au Maroc pour les distribuer via Sochepresse. Cependant, la rédaction reçoit un appel du distributeur l’informant que le magazine fait l’objet d’une censure à cause de la présence de l’illustration du prophète. «On a donc proposé au distributeur de déchirer ou de coller la double page qui posait problème mais le distributeur nous a répondu que ce n’était pas possible. Si on avait vraiment voulu faire du buzz, on l’aurait fait sur une centaine d’exemplaires et non pas sur 8300 magazines qui nous restent aujourd’hui sur les bras», poursuit Nora Moujtahid. Elle précise que ce même numéro est actuellement disponible en Algérie en 500 exemplaires et que le gouvernement algérien ne l’a nullement censuré.
Par ailleurs, Nora Moujtahid évoque le fait qu’elle ne pensait pas, que la religion pouvait être un sujet aussi sensible au Maroc citant par exemple des couvertures ou des sujets osés publiés dans le magazine Tel Quel qui n'ont pas été interdits. Malgré cette censure, Gazelle Magazine souhaite continuer à être publié au Maroc et réfléchit actuellement aux articles du prochain numéro.