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Grand Angle

ONU : La justice marocaine doit redéfinir sa conception des lois inégalitaires

Afin d’harmoniser son arsenal juridique dans les faits comme dans le texte, le Maroc est face à l’impératif de revoir sa conception du viol. Selon les institutions onusiennes, la législation du pays doit inclure notamment le viol conjugal et permettre, en parallèle, une avancée efficace dans les différentes pratiques des lois protégeant les femmes et les filles.

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Photo d'illustration / DR.
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Au Maroc, la loi 103.13 est censée protéger les femmes et les filles contre toutes les formes de violence. Cependant, ce texte voté en grande pompe par les deux chambres du Parlement en 2018 reste fragile à plusieurs égards, notamment par ses quatre dimensions qui n’ont pas été assez renforcées à travers l’esprit de ce texte (la prévention, la protection des victimes, la levée de l’impunité et la réparation).

Ainsi, ce mécanisme voulu notamment comme un outil d’anticipation éclipse plusieurs situations de violences, selon une récente étude menée par le PNUD, l’ONU Femmes, le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO).

Intitulé «Justice de genre et droit : évaluation des lois affectant l'égalité des sexes dans la région des Etats arabes», ce document évalue en effet l’efficacité des lois et des politiques publiques à asseoir l’égalité et la protection contre les violences basées sur le genre.

Elargir les définitions restrictives du viol

Pour le cas du Maroc, il en ressort comme point saillant que la révision des définitions légales du viol est une priorité. Dans ce sens, les avancées enregistrées en termes de lois relatives à la protection des femmes et des filles se confrontent à une non-reconnaissance du viol conjugal comme un crime puni par la loi.

Ainsi, «les victimes de viol sont obligées de porter plainte d’abord, pour pouvoir obtenir une protection. La loi peut être renforcée en criminalisant le viol conjugal en tant que forme de violence à l’égard des femmes et en clarifiant sa définition», indique l’étude, dans sa section consacrée au Maroc.

En attendant, «le viol conjugal n’est ni un crime ni un délit» dans le royaume et sa définition en tant que tel reste tributaire des jurisprudences ou des interprétations des juges, d’un tribunal à l’autre. «Certains cas sont jugé en vertu des dispositions légales sur le viol ou d’autres lois et textes juridiques du Code pénal», liés à l’atteinte à la pudeur, aux coups et blessures ou encore à la torture, entre autres.

Dans ce registre, le rapport constate que l’article 382 du Code pénal réduit la définition du viol au rapport sexuel forcé entre un homme et une femme avec pénétration, ce qui limite drastiquement le champ de lutte contre l’impunité de ces sévices, qui incluent différentes pratiques, comme l’usage d’outils tranchants.

En parallèle, la législation restrictive sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), y compris celle due à un viol, ainsi que le fait de rendre cette pratique tributaire de l’autorisation de l’époux, fait que ce droit est encore peu accessible aux femmes qui doivent y recourir, notamment pour des raisons liées à leur santé ou à celles du fœtus.

Une porte ouverte aux crimes dits d’honneur

Dans cette étude, le Maroc est également tancé pour la tolérance de ses lois envers cette forme de féminicides appelée «crime d’honneur». L’article 418 du Code pénal permet en effet au prévenu de bénéficier de circonstances atténuantes en cas de meurtre, coup ou blessure sur une femme prise en flagrant délit d’adultère, si celle-ci est son épouse, sa sœur, sa fille, sa cousine ou sa nièce.

Par ailleurs, l’étude onusienne s’intéresse aux manquements du Code de la famille, à travers lesquels les réformes législatives s’avèrent n'être que des avancées à moitié. Elle cite en exemple l’article 19 de ce texte, auquel l’article 20 fait office d’objection.

Pour cause, le premier énonce que «la capacité matrimoniale s’acquiert, pour le garçon et la fille jouissant de leurs facultés mentales, à dix-huit ans grégoriens révolus». Quant au second, il prévoir que le juge de la famille «peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l’âge de la capacité matrimoniale (…) par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage (…) La décision du juge autorisant le mariage d’un mineur n’est susceptible d’aucun recours».

Autre discrimination, cette fois-ci en cas de divorce, la tutelle des enfants revient uniquement au père, même si la garde est confiée automatiquement à la mère, en l’absence d’une formule de garde partagée. Cette tutelle ne revient à la femme qu’en cas d’absence (disparition ou décès établis) ou d’incapacité mentale du géniteur.

De plus, le Code de la famille est épinglé par l’ONU pour autoriser la polygamie, même «dans des cas particuliers sous réserve du respect de certaines exigences». Un texte tout autant discriminatoire en termes de droit successoral, puisqu’il ne reconnaît pas l’égalité dans l’héritage, ce qui contraint certaines familles à contourner la loi pour pouvoir faire hériter leurs filles de manière égale avec les garçons, via la vente et le transfert de patrimoine sur papier.

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