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Grand Angle

Maroc : Le drame routier de Taounate questionne le contrôle technique des autocars

Au lendemain d’une série de trois accidents qui se sont succédé sur la route reliant Al Hoceïma à Fès, au niveau de la province de Taounate, près de Zrizer, la question du contrôle technique des véhicule revient en avant, alors que des témoins l’ont évoquée, notamment après le premier drame.

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Photo d'illustration / Ph. DR.
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Trois accidents en moins de vingt-quatre heures, cinq à six morts et des dizaines de blessés sur le même tronçon routier. Les faits remontent à mercredi et à jeudi matin, lorsque deux autocars puis un camion de légumes se sont renversés à quelques heures d’intervalle, au niveau de la province de Taounate, sur l’axe reliant Al Hoceïma à Fès.

Le premier drame a été meurtrier, ravivant les inquiétudes sur le coût des défauts d’exigence de sécurité routière, notamment le respect des limites de vitesse, du poids à transporter par les gros véhicules comme les autocars, ou encore la rigueur du contrôle technique.

En effet et après ce premier accident, des témoignages ont invoqué un problème de frein et même une odeur de brûlé émanant de la mécanique du véhicule, ce qui aurait poussé des passagers à sommer le conducteur de s’arrêter. Cela n’aurait cependant pas pu être effectué au niveau de la descente, probablement faute de freins.

La procédure de l’enquête doit suivre son court

Du côté de la gendarmerie, une source nous précise cependant qu’«aucune conclusion n’a été faite pour le moment, car les résultats des analyses sur les pièces du véhicule ainsi que l’enquête n’ont pas encore été parachevés».

En cas d’accident, «l’intervention des secours est la première chose à laquelle il est procédé, afin de définir s’il y a des morts et prendre connaissance du nombre de blessés, leur prodiguer les soins nécessaires et voir si leur état nécessite un transfert urgent à l’hôpital le plus proche ou à un centre hospitalier universitaire, pour les cas les plus critiques», nous explique une autre source proche du dossier.

«Nous essayons ensuite de dégager les voies et de rétablir la situation, parallèlement au transport des morts à la morgue. Aussi, la gendarmerie recueille les propos des témoins et des conducteurs concernés par l’accident et la police scientifique procède aux prélèvements nécessaires sur les lieux de l’accident, pour aider à l’avancement de l’enquête et mieux définir les causes du drame», indique encore notre interlocuteur.

Dans le cas de l’accident de Taounate et puisque les faits se sont passés dans un milieu rural, «ce sont les services de la gendarmerie qui ont effectué eux-mêmes les prélèvements sur le véhicule accidenté, pour les transférer au centre Laboratoire de recherches et d’analyses techniques et scientifiques relevant de la Gendarmerie royale, à Rabat», nous explique notre source. Dans ce sens, celle-ci souligne que «des parties du véhicule soupçonnées d’avoir provoqué l’accident sur la base des témoignages recoupés sont également analysées et le reste de l’épave est envoyé à la fourrière, en attendant les premiers éléments de l’enquête».

Le respect des normes techniques remet en question la sécurité des autocars

Parmi les mesures de sécurité importantes à respecter, surtout pour les poids-lourds et particulièrement ceux destinés au transport de passagers, à l’image des bus et des autocars, le contrôle technique est un point essentiel. Est-il pour autant respecté au niveau des agences de transport, des gares routières et des conducteurs de ces gros véhicules ?

Ce n’est rassemblement pas le cas de manière systématique, comme l’ont suggéré les témoignages après le drame de Taounate et avant lui la stupéfaction des usagers qui ont partagé des photos sur l’état déplorable des bus urbains ou des autocars de voyage. Cette mission relève en tout cas d’un service public déléguée à un réseau de quatre entreprises privées, au Marc.

Parmi celle-ci, Dekra est le principal réseau composé de plus de 140 points de service, homologué par le ministère de tutelle pour assurer cette mission. Cependant, cette dernière ne comprend pas les mesures répressives nécessaires en cas de non-respect des exigences techniques mais plutôt un volet de sensibilisation auprès des automobilistes et des usagers de la route, notamment en partenariat avec le Comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC).

Contacté par Yabiladi ce jeudi, le directeur du réseau DEKRA au Maroc, Khalid Benmansour indique que l’entreprise, qui gère le contrôle technique, «invite les citoyens à vérifier la situation de leurs véhicules, notamment à la veille des vacances et en temps de fêtes nécessitant des déplacements, afin de s’assurer que ces derniers ne sont pas à risque en fonction de la mécanique et la sécurité de leurs moyens de transport».

«Il y a un type de contrôle au-delà des échéances exigées par périodicité qui consiste à une visite volontaire et nous incitons les citoyens à recourir à cette pratique. Par ailleurs, nous observons une recrudescence de contrôles à l’approche des vacances estivales, avec des pics d’activités en juillet, août et en décembre, surtout à la veille de départs.»

Khalid Benmansour, directeur du réseau DEKRA au Maroc

«Les poids-lourds et particulièrement ceux destinés au transport des personnes sont assujettis à une réglementation très stricte au niveau du contrôle technique, souligne-t-il. Ils ont l’exigence d’un contrôle obligatoire une fois par an sur la base d’un lexique de 77 points incluant le freinage, les pneus, les amortisseurs, le moteur et autres pièces.»

Ces points sont définis par le ministère de l’Equipement et des transports, notamment par le biais de sa direction générale des routes et de la sécurité routière. Ils incluent le circuit hydraulique, les éléments récepteurs (disque, tambour, plaquette de frein), les éléments de commandes (pédale de frein, commande de frein de stationnement), la direction, la visibilité et la signalisation, entre autres.

Contacté par Yabiladi pour commenter le non-respect de ces consignes par les agences de transport routier, le département ministériel n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Toujours est-il que les chiffres restent alarmants. En 2018, le ministère de tutelle a fait état de 3 485 morts sur les routes dans 96 133 accidents. Selon lui, ces derniers sont dus au comportement humain dans 90% des cas.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la stratégie nationale de sécurité routière ambitionne à réduire de 50% le nombre de mort d’ici 2026 en ciblant notamment les  autocars et bus, qui ont compté l’année dernière 8,7% de l’ensemble des tués.

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