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Grand Angle

Open data & egov : les virages numériques ratés pour le Maroc

Publié il y a deux jours, un rapport de la Cour des comptes (CC) épingle le Maroc sur le retard accumulé dans la mise à niveau du contenu du portail des données ouvertes (open data), pointant du doigt «le faible avancement des projets e-gov et la non réalisation de certains projets structurants».

Publié
Cour des comptes marocaine / Ph. DR.
Temps de lecture: 4'

En 2018, l’adoption de la loi sur le droit d’accès à l’information a permis au Maroc d’intégrer le Partenariat pour un gouvernement ouvert (Open Government Partnership – OGP), une initiative qui s’inscrit sous l’égide de l’ONU. Cependant, il existe de fortes chances qu’il demeure un mauvais élève, au vu de la lenteur des chantiers qui doivent accompagner cette loi en aval comme en amont.

En effet, les mécanismes à devoir mettre en place pour un partenariat effectif dans ce cadre et qui tardent à voir le jour doivent permettre d’obtenir des engagements gouvernementaux effectifs pour une démocratie participative impliquant les citoyens dans la gestion publique. Cela passe notamment par la promotion de la transparence, l’autonomisation des citoyens, la lutte contre la corruption, mais aussi l’encouragement des nouvelles technologies au service de la gouvernance.

Sauf que la Cour des comptes constate qu’un grand chantier reste encore à accomplir, notamment en matière de dématérialisation des données, la création de l’identifiant unique des citoyens, de l’identifiant unique des entreprises, le développement des services publics et administratifs en ligne et l’ouverture des données publiques devant être accessibles à tous.

Des services à plusieurs vitesses

Le rapport de la Cour des comptes note que «des services en ligne ont été réalisés dans certains domaines tels que les impôts, la douane et le commerce extérieur ainsi que la conservation foncière. Cependant, ces initiatives n’ont pas été dupliqués à d’autres domaines avec la même rigueur.

De ce fait, le rapport note qu’au niveau du capital humain et l’infrastructure IT en tant que deux composantes essentielles de l’e-gouvernement, «le niveau du Maroc n’a pas beaucoup changé et a demeuré dans des niveaux bas du classement mondial : 104e dans l’infrastructure IT et 148e dans le capital humain». Pour la Cour, la situation constitue réellement «une entrave à une utilisation large des services en ligne développés par les secteurs publics».

En effet, cette situation a fait que la percée du Maroc en la matière est restée limitée, même qu’elle n’a pas duré dans le temps. Dans ce sens, les rédacteurs soulignent que le meilleur classement de l’ONU atteint par le Maroc au niveau des services en ligne sur dix ans (2008 – 2018) n’a été que celui de 2014. En effet et sur 193 pays, le royaume a bondi de la 115e place (2008) à la 30e (2014).

Quant au classement selon l’indice de l’e-gouvernement, le Maroc est passé du 140e rang (2008) au 82e (2014). Sauf que cet élan s’est heurté à la mise en œuvre des mécanismes nécessaire à son maintien ou à son amélioration. Par conséquent, l’année 2018 a connu une régression, puisque le pays s’est classé 78e dans l’indice des services en ligne et 110e pour celui de l’e-gouvernement.

La non-continuité d’initiatives s’inscrivant dans la logique de l’open data

Le débat sur l’open data est mis en avant par l’adoption de la loi sur l’accès à l’information, mais avant ce texte, le sujet a fait la Une avec le lancement de la stratégie Maroc Numeric 2009 – 2013. La Cour rappelle par exemple qu'à l'époque, le ministère délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de la Réforme de l’administration et de la fonction publique (MRAFP) a réalisé annuellement, de 2008 à 2014, une cartographie des TIC dans le secteur public.

«Un des objectifs de cet exercice était de disposer d’une base de données sur les services en ligne disponibles», mais cette cartographie «s’est caractérisée par certaines insuffisances, notamment la prépondérance du suivi quantitatif des services et la difficulté d’exploiter efficacement les données brutes de la base de données précitée», souligne le document, notant que ce service est en cours de refonte.

Par ailleurs, la Cour des comptes fait état d’«objectifs ambitieux» dans le cadre de la stratégie MN 2013, mais dont «les réalisations ont été loin de ce qui était prévu». Ceci s’applique notamment à l’idée de «création en ligne de l’entreprise», de «l’immatriculation en ligne des véhicules et de la collecte en ligne des données statistiques des entreprises». De plus, la création en ligne des entreprises, prévue pour 2011 déjà, n’a toujours pas vu le jour, «alors qu’un objectif ambitieux de 40% comme taux d’utilisation de ce service était fixé pour l’année 2013».

Aussi «l’objectif fixé pour l’immatriculation en ligne des véhicules était de 70% comme taux d’utilisation en 2013. Toutefois, ce projet initié depuis 2007, n’a été opérationnel qu’en avril 2019 et s’est limité aux voitures neuves seulement», indique la même source. Quant à la collecte en ligne des données statistiques des entreprises, «l’objectif visé était de mettre en place, dès 2012, un portail de consultation des données statistiques et de réalisation d’enquêtes en ligne», sauf que «ce mode de collecte des données n’est toujours pas à l’ordre du jour».

La Cour des comptes avertit également que le Maroc «est en régression» en matière d’open data, puisqu’il a été, en 2011, le premier pays africain à se doter d’une plateforme dans ce sens en centralisant les données réutilisables sur le portail www.data.gov.ma, mais que peu d’avancées ont été enregistrées depuis.

Pour les rédacteurs du rapport, cette situation est due à une «absence de politique d’ouverture des données» et un grand retard de la réforme du cadre légal. «Il n’existe pas au Maroc de document publié sur la politique ou stratégie dans le domaine de l’open data», note la même source ajoutant qu’«aucun document ne spécifie les jeux de données à publier, les formats à utiliser ou les licences à appliquer».

Efficacité rime ainsi avec politique d’ouverture des données publiques en harmonie avec le cadre légal existant, «en particulier, la législation concernant le droit d’accès à l’information et celle concernant la protection des données personnelles», recommande l’institution. Si le Maroc a en effet adopté en 2009 la loi n°09-08 sur la protection des données personnelles, «il a fallu attendre, en revanche, mars 2018 pour l’adoption de la loi n°31-13 sur le droit d’accès à l’information».

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