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Interview

«Amri Al Walida», l’initiative lancée par un MRE pour prendre soin de nos chibanis au Maroc

Il y a deux ans, Yabiladi évoquait une initiative destinée à lutter contre l’isolement et la solitude dont souffrent les personnes âgées à Ksar El Kébir, initiée par un MRE. Labib Elmsaadi, ancien banquier et ex-chauffeur de taxi à Paris, revenu depuis au Maroc, nous parle des actions faites dans ce sens et les ambitions de cette initiative.

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Image d'illustration. / DR
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Depuis mai 2017, Labib Elmsaadi est rentré définitivement au Maroc, pour se consacrer à son initiative «Amri Al Walida», destinée à venir en l’aide aux personnes âgées de sa ville natale. Après la création à Ksar El Kébir de l’association Ensemble contre l’isolement des personnes âgées, celle-ci ouvre dès les prochaines semaines des antennes à Marrakech et à Tanger.

Yabiladi : Quel bilan de deux ans de sensibilisation et d’actions autour de la question de l’isolement des personnes âgées ?

La campagne de sensibilisation que nous avons lancée est toujours en cours. Mais en plus de Ksar El Kébir, nous avons touché Fès, Marrakech, Casablanca, Tanger et Larache. Il y a eu d’autres groupes créés bénévolement et volontairement. A chaque fois, les gens qui constatent des cas de personnes âgées isolées, ils vont les voir et nous interpellent sur les réseaux sociaux avec le hashtag #Amri_Al_Walida. Au total, nous avons touché 148 personnes sur Ksar El Kébir, 5 personnes à Tanger, 4 personnes à Casablanca, et 7 personnes à Fès.

Après nos premiers combats, nous sommes devenus membre de la Fédération internationale des personnes âgées, une institution internationale représentée aux Nations unies, à l’UNESCO et au Conseil de l’Europe. Nous sommes le seul adhérent au sein du monde arabe. Nous avons donc fait des formations concernant la violence financière, la maltraitance des personnes âgées. Nous avons aussi voulu créer un centre d’accueil du jour. Nous avons même eu un don d’un terrain à Ksar El Kébir.

Mais ce projet laissera la place à une «cuisine solidaire» à Ksar El Kébir…

Justement. Le projet a été déposé auprès de la région mais la Fondation Mohammed V pour la Solidarité a proposé un même projet sur la ville de Ksar El Kébir pour une valeur de 6 millions de dirhams. C’était notre plan A mais le plan B est de créer une cuisine solidaire. C’est ce que nous sommes en train de faire actuellement, avec la Fondation Joud pour le développement. Concrètement, j’ai donné le rez-de-chaussée de ma propre maison à l’association. Nous sommes en train de faire des travaux pour créer une cuisine, une salle de bain, une infirmerie et un salon.

Que proposera cette «cuisine solidaire» aux personnes âgées en situation de rue à Ksar El Kébir, à part des repas ?

Nous comptons accueillir les personnes âgées en situation de rue qui vont venir passer la journée, prendre le petit déjeuner, le déjeuner, se doucher et en même temps croiser d’autres personnes âgées ou des bénévoles. Nous prévoyons aussi une visite d'un psychologue et d’un avocat une fois par mois, une assistance sociale deux fois par semaine. Nous comptons l’appeler «Dar Wladi» (maison de mes fils), vu que ces personnes n’ont pas de familles.

L’association continue-t-elle de compter sur les dons et vos ressources propres comme avant ?

C’est toujours le cas. Nous essayons en fait de ne pas avoir besoin d’argent. Nous allons voir des personnes âgées en situation de rue et nous leur prenons des chambres dans des hôtels ou leur louons des appartements avant d’informer les bénévoles et leur demander d’aller payer ce loyer. Heureusement, certains payent ces loyers pour plusieurs mois sans que nous les rencontrions. Nous allons aussi voir des vendeurs de meubles, avec ce même concept. De plus, nous avons des infirmiers et des médecins bénévoles. Nous n’avons donc pas besoin de beaucoup d'argent.

Une action menée auprès d'une femme âgée isolée. / Ph. FacebookUne action menée auprès d'une femme âgée isolée. / Ph. Facebook

Selon vous, la sensibilisation quant à la situation de nos séniors au Maroc porte-t-elle ses fruits ?

Les gens pensaient qu’on prenait soin de nos séniors. L’initiative a permis de mettre le doigt sur une problématique extrême. Lorsqu’on révèle les chiffres officiels, le nombre de personnes âgées au Maroc, leur situation, le manque de ressources dont elles sont victimes, les Marocains deviennent conscients. Actuellement, dans la ville de Ksar El Kébir, le regard des Marocains a changé. Dès qu’ils voient un cas de personne âgée isolée, souffrante, soit à la rue soit chez elle, nous sommes directement contactés. Dans certains cas, les gens créent eux-mêmes l’initiative sans nous contacter ; la sensibilisation a donc réussi.

Mais, pour nous, parler seulement d’une maison de retraite ou d’un centre d’accueil n’est pas la solution. La majorité des personnes âgées vivent chez elles, mais souffrent de l’isolement avec leurs propres enfants. Des fois, elles sont victimes de violences psychologiques, morales et surtout financières. Il faut parler de l’adaptation de la société au vieillissement et non pas du vieillissement de la société. Ces personnes ont besoin d’un minimum de ressources, avant de parler de droits, de couverture médicale et d’accessibilité.

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