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Grand Angle

Revers électoraux de la droite populiste en Europe : Finie, la peur de l’immigré ? [Magazine]

Les récentes élections danoises et suisses ont vu reculer les partis d’extrême droite. Le discours anti-immigration commence-t-il à ennuyer les électeurs ?

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La célèbre affiche électorale du parti suisse d'extrême droite UDC qui montrait des moutons noirs éjectant un mouton blanc a été détournée.
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L'identité nationale est leur fonds de commerce et les paroles anti-immigration font augmenter leur chiffre d’affaires : les Jörg Haider en Autriche, Geert Wilders aux Pays- Bas, Marine Le Pen en France connaissent bien leur métier de business(wo)men identitaires. Des nuages obscurcissent, toutefois, l’horizon, la profession  s’inquiète de son avenir. Pia Kjærsgaard, au Danemark et Christoph Blocher, en Suisse, pourtant des valeurs sûres, ont perdu des voix aux élections législatives.

Un évènement tragique a peut être sonné le réveil des populations européennes : les attentats d’Oslo, perpétrés le 22 juillet, par Anders Behring Breivik, terroriste néo-nazi, imbibé de xénophobie et d’islamophobie, très actif sur internet et ancien membre du Parti du progrès norvégien (FrP). Le double attentat fait 76 morts et met à bas l’idée que le terrorisme ne peut être qu’islamiste.

La première réaction du premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg a été d’assurer «nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance» : donc moins de stigmatisation des immigrés dans un pays où le FrP avait de gros scores en 2005 et 2009 ? Les premières élections après les attentats semblent  confirmer les propos de Stoltenberg. En Norvège, le FrP perd 6% aux élections locales de début septembre.

Toutefois, les partis du centre sont renforcés, surtout les conservateurs, signe que les électeurs du FrP n’ont pas totalement changé de couleur. Le 15 septembre, le Danemark suit le mouvement. Après 10 ans de  gouvernement de centredroit toléré par l’extrême droite, le peuple a élu un gouvernement de centre-gauche, dont les premières mesures annoncées concernent une libéralisation de la politique d’immigration.

Quelques semaines plus tard, les Suisses sanctionnent l’Union Démocratique du Centre (UDC), le parti qui avait  mené la campagne pour l’interdiction des minarets, en novembre 2009. Le 23 octobre, les Suisses ont fait perdre 2,4% à l’UDC au Conseil National. Pour les prochaines élections pour le Conseil des Etats, Christoph Blocher est distancé par deux candidats du centre droit et de la gauche. Il n’est pas sûr de pouvoir siéger.

Fin des stigmatisations

Pour Blocher, ces mauvais résultats sont une simple «erreur de parcours» d’un parti qui se serait trop senti en confiance après des années de victoires électorales. D’autres estiment que les raisons de cette défaite vont plus loin. Matthieu von Rohr, ancien rédacteur en chef de la «Basler Zeitung» et aujourd’hui journaliste au mensuel allemand «Der Spiegel», pense que l’UDC est à court d’idées. «Dans le passé, l’UDC a défié la concurrence en proposant de nouvelles limitations dans le droit des étrangers, et il a su se mettre en position de victime pour mobiliser ses électeurs», estime-t-il. Lors de cette campagne, «l’initiative «stopper l’immigration de masse» ressemblait à une pâle copie d’elle même», poursuit-il.

Les conséquences de cette sanction électorale sur la politique d’immigration en Suisse sont encore à venir. Au Danemark, le revers électoral du gouvernement sortant (droite-libéraux) et du parti populiste de Kia Kjaersgaard a d’ores et déjà ouvert la voie à des mesures immédiates visant à revenir sur les décisions les plus dures de l’ancien gouvernement.

La question est désormais de savoir si ces revers électoraux forment une tendance qui touchera d’autres pays, en premier lieu la France où l’échéance législative et présidentielle de 2012 est imminente. La campagne électorale en est à ses débuts, mais, comme en Suisse et au Danemark, il semble difficile pour la  droite française de relancer un débat sur l’immigration ou l’islam sans provoquer un sentiment de déjà-vu.

Les débats sur l’identité nationale, le débat sur l’islam, les prières dans la rue, la double-nationalité, le voile intégral, la présumée criminalité des enfants d’immigrés ; tous ces sujets ont été traités depuis la nomination de Nicolas Sarkozy au poste de ministre de l’Intérieur. Difficile d’être novateur. Le programme de la candidate Front National à la présidentielle, Marine Le Pen, ne sera dévoilé que le 19 novembre, mais, sur le site du parti, un seul slogan mentionne l’immigration : «non au droit de vote des étrangers». Jean-Marie Le Pen avait la même revendication depuis des décennies. Les autres propositions concernent l’économie du pays. Au vu des difficultés économiques de la France aujourd’hui, la campagne pourrait bien laisser de côté l’immigration. Même l’islam, nouvelle bête noire de la droite en France, pourrait s’effacer face au monstrueux déficit budgétaire.

Si les Français peuvent être saturés par le thème de l’immigration et de l’islam comme leurs voisins suisses et  danois, cela ne signifie pas pour autant qu’ils deviennent plus tolérants. Les études d’opinion en attestent : les préjugés, avant tout à l’encontre des musulmans, sont très répandus.

Les derniers rapports de la Commission européenne contre le racisme, l’intolérance et l’islamophobie assurent que, sans davantage d’engagement  étatique, le racisme, en particulier l’islamophobie, restera un problème en Europe. Pourtant, rien ne devrait changer car ni l’UMP ni le PS ne proposent de réelles améliorations du dialogue entre les différentes parties de la  population.

Cet article a été précedemment publié dans Zmag n°12

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