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Histoire : Quand Tanger était prisée par les communautés étrangères gays

Durant les années 1950 et début 1960, Tanger fut longtemps une ville de prédilection pour les homosexuels qui fuyaient la répression dans leurs propres pays. Cependant, des années après l’indépendance du Maroc, plusieurs changements firent que les choses devinssent autrement.

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Terrasse d'un café à Tanger / Ph. DR.
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Plus que d’autres villes marocaines, Tanger compta l’afflux le plus important d’artistes peintres, de musiciens et d’écrivains au cours des années 1950 et 1960. Certains visitèrent la citadelle pendant plusieurs mois, tandis que d’autres y élièrent domicile durant des années et s’en inspirèrent pour leurs œuvres.

L’attrait de ces créateurs pour la citadelle était principalement motivé par des considérations géographiques, puisque Tanger surplombait la Méditerranée et l’océan Atlantique, était à proximité de l’Europe et avait acquis une renommée mondiale, surtout après qu’elle fut décrétée Zone internationale en 1928.

Un repère pour les créateurs gays

Parmi les plumes célèbres, notamment de la Beat Generation ayant marqué leur présence dans la cité du détroit, l’écrivain et musicologue américain Paul Bowles qui vécut pendant 52 ans au Maroc, son compatriote le romancier William Burroughs, le Britanno-canadien Brion Gysin, qui quitta Tanger suite à un cancer du poumon, ou encore l’auteur français Jean Genet qui finit sa vie à Larache.

En plus d’attirer les artistes d’horizons divers, Tanger était également prisée par les communautés gays des années 1950 et 1960. Ainsi, la BBC rappela qu’au milieu du XXe siècle, la ville était l’une des plus attrayantes pour les homosexuels qui fuyaient répression et interdiction, comme l’affirma également l’historien et biographe anglais Andrew Hussey. Cité par le média britannique, le chercheur écrivit que cette ville constituait le «lieu idéal pour la transgression, les plaisirs et les risques inconnus».

Selon ces écrits, ce qui se trouvait dans la ville de Tanger, qui n’était ni sous Protectorat français ni sous colonisation espagnole contrairement au reste des régions marocaines, n’existait nulle part ailleurs dans le pays. Ses visiteurs y trouvaient flexibilité et liberté dans les gestes, sans craindre de se faire réprimander par la police ou les agents locaux.

Le média expliqua encore que «les disparités économiques entre les étrangers et les Marocains contribuaient à l’émergence d’un marché du travail de sexe», mais que les rapports entre les habitants locaux et autres venus d’ailleurs n’étaient pas uniquement lucratifs. En témoignent ainsi les amitiés liant l’auteur américain Paul Bowls et son épouse à l’artiste Ahmed Yacoubi, ou encore la vie du couple dans un appartement à l’étage avec une femme rifaine nommée Cherifa.

Un revirement opéré depuis la fin des années 1950

Au lendemain de l’indépendance du Maroc en 1956, Tanger fut connue comme étant la ville marocaine la plus libre au niveau des mœurs, jusqu’aux années 1960 où le soi-disant «grand scandale» eut lieu, lorsque les autorités marocaines procédèrent à l’arrestation de plusieurs étrangers pour des faits liés au sexe et à la drogue. De nombreuses maisons closes furent également fermées.

Plus tard, une grande partie des étrangers issus de la communauté gay s’installa à Marrakech, même si le mode de vie de la cité ocre n’égala jamais celui qu’ils menaient à Tanger. Ainsi, dans son autobiographie «The second son» publiée en 1972, le Britannique David Herbert qui vécut longtemps à Tanger, exprima ses regrets pour «la réputation de [la ville] taxée d’accueillir les homosexuels», ce qui devint gênant pour nombre des écrivains affluant là-bas, selon l’écrivain.

David Herbert ajouta que «l’ancienne réputation de Tanger comme ville du péché» avait attiré des Européens qui semblaient penser que «tous les Marocains qui les voyaient étaient vendus», et que cette image erronée était «due au fait que les Européens ne faisaient pas de discernement».

Dans les années 1950 et 1960, l’écrivain américain John Hopkins, qui vécut également à Tanger, déclara avoir été «le seul écrivain normal à Tanger à l’époque et, par rapport aux femmes, [il avait] le champ libre».

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