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Grand Angle

Maroc : Les enfants, premières victimes de la pollution de l’air

L’Organisation mondiale de la santé s’inquiète des risques pour la santé qu’encourt l’écrasante majorité des enfants dans le monde à cause de la pollution de l’air.

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Un nourrisson est soigné à l’hôpital des enfants de Pékin, le 16 janvier 2013. / Ph. Li Wen/Xinhua/AFP
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C’est un chiffre vertigineux, mais qui donne à réfléchir sur l’impact de la pollution auprès des plus jeunes : dans un rapport sur la pollution de l’air et la santé de l’enfant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 600 000 le nombre d’enfants décédés en 2016 à la suite d’infections aiguës des voies respiratoires inférieures dues à la pollution de l’air.

Plus inquiétant encore, près de 93% des enfants de moins de 15 ans dans le monde (soit 1,8 milliard d’enfants) respirent chaque jour un air si pollué «que leur santé et leur développement sont gravement mis en danger», s’inquiète l’institution onusienne dans un communiqué relatif à l’étude, publié lundi 29 octobre. Un signal d’alerte qui intervient alors que s’est ouvert aujourd’hui à Genève la première conférence mondiale sur la pollution de l’air, organisée par l’OMS.

Les fœtus, nouveau-nés et enfants en bas âge sont en effet les plus vulnérables aux effets de l’exposition à la pollution atmosphérique, y compris à l’intérieur du domicile familial. «Les jeunes enfants des pays à revenus faibles ou intermédiaires passent souvent beaucoup de temps avec leur mère au sein du foyer et sont ainsi exposés à des niveaux élevés de fumée émise par la cuisson et les appareils de chauffage vétustes (de type poêle). Dans les maisons mal ventilées, ils peuvent respirer de l’air pollué à des niveaux largement supérieurs aux directives de l’OMS, alors que leurs voies respiratoires, leurs poumons et leur système immunitaire sont en développement», souligne l’institution onusienne.

A ce premier élément d’explication, s’en ajoute deux autres : d’une part, les enfants inspirent plus rapidement que les adultes et inhalent donc plus de composants nocifs ; d’autre part, ils sont plus proches du sol, où certains polluants atteignent des taux de concentration excessivement élevés. «Des risques aggravés par le fait que les enfants sont à la merci de leur environnement et ont peu, voire aucun contrôle sur leurs conditions de vie», insiste l’OMS.

Des particules polluantes très élevées à Casablanca

Au Maroc, le taux de décès des enfants (sur 100 000) de moins de cinq ans dû aux particules fines PM2,5 (diamètre inférieur à 2,5 micromètres) s’élevait en 2016 à 14,2 chez les filles et 16,1 chez les garçons. Sur la tranche 5-14 ans, il culminait à 0,4 chez les deux sexes. Dans le cas de la pollution de l’air, ces particules – de la poussière, en réalité – sont souvent issues de combustions qui ne sont pas totales. Elles génèrent ce qu’on appelle des imbrûlés. «Quand on voit la fumée sortir d’une cheminée, d’un pot d’échappement ou quand on recrache de la fumée de cigarettes, c’est parce qu’il y a énormément de particules, de plus ou moins petites tailles», résume l’association française Respire, spécialisée dans la préservation et l’amélioration de la qualité de l’air.

A Casablanca, les PM10 (diamètre inférieur à 10 micromètres) se concentrent principalement au croisement des quartiers Hay Mohammadi, Ain Sebaa et Sidi Moumen, particulièrement sollicités par les usines, d’après les cartes interactives de Maroc Météo. Celles-ci font état également d’une très forte présence de dioxyde d’azote dans les quartiers Maârif, Bourgogne, Derb Omar et La Gironde.

«La pollution de Casablanca est due à d’autres facteurs informels : les fours, les vendeurs de brochettes, les charbons… Tout ça provoque une fumée très cancérigène qui augmente la pollution», nous avait confié Saïd Sebti, président de l’association Maroc Sciences et Développement durable et professeur de chimie à l’université Hassan II de Casablanca. Le charbon expose en effet à des agents nocifs comme le méthane (CH4), le CO2 et l’azote, qui se substituent à l’oxygène de l’air inhalé. En forte concentration, ils agissent comme des gaz asphyxiants qui peuvent paralyser le système nerveux, empêchant ainsi les poumons de fonctionner correctement.

«Même les gens qui habituellement n’ont pas d’allergies particulières sont amenés à développer des crises d’asthme à cause des micro-organismes, invisibles à l’œil nu, rejetés par les pots d’échappement et les usines», abonde Abdallah Bahani, médecin allergologue à Casablanca.

L’OMS rappelle qu’«il existe de nombreux moyens simples de réduire les émissions de polluants dangereux», selon le Dr Maria Neira, directrice du département Santé publique, déterminants sociaux et environnementaux de la santé à l’OMS. «L’OMS soutient la mise en œuvre de mesures de politique générale favorisant la santé comme l’accélération du passage à des techniques et combustibles de cuisson et de chauffage non polluants, la promotion de l’utilisation de moyens de transport plus propres, des logements et de l’urbanisme écoénergétiques», préconise-t-elle enfin.

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