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L’autre récit de Bachir Dkhil #4 : «La population de Tindouf est un otage politique»

Dans ce dernier épisode d’entretien avec Bachir Dkhil, ancien membre fondateur du Front Polisario, notre invité revient sur l’évolution du mouvement séparatiste, depuis la Marche verte jusqu’à aujourd’hui, en passant par le bras-de-fer armé avec le Maroc.

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Bachir Dkhil, ancien membre fondateur du Front Polisario et revenant au Maroc / Ph. Mehdi Moussahim (Yabiladi)
Temps de lecture: 4'

Dans l’épisode précédent, Bachir Dkhil a évoqué auprès de Yabiladi les premières réactions des partis politiques marocains face à l’évolution du Front Polisario, au début des années 1970. Ici, il nous indique que l’année 1975 a marqué un nouveau tournant dans l’histoire du mouvement, né au départ en tant que front de résistance contre l’occupation pour porter, par la suite, des revendications séparatistes.

Revenu au Maroc au début des années 1990, notre interlocuteur rappelle que la Marche verte (6 novembre 1975) a eu un grand impact sur l’atmosphère politique au cœur de Tindouf, «malgré sa coïncidence avec de graves erreurs commises par l’Etat marocain à Laâyoune, Smara, Dakhla, Tan Tan et Guelmim, en matière de droits humains et de sécurité des personnes», précise-t-il.

Bachir Dkhil ajoute que depuis, «le Maroc a reconnu ses erreurs, ce qui est positif. Mais l’autre partie ne reconnaît toujours pas sa part de responsabilité pour le tort causé aux Sahraouis, dont des habitants ont été emprisonnés et tués. Abdelaziz (leader défunt du Polisario) a lui-même reconnu, lors du huitième congrès du Polisario, que 54 Sahraouis ont été tués à cause d’erreurs stratégiques et qu’ils sont ainsi considérés comme des martyrs».

Le jour où la «RASD» a été proclamée

Lors de son entretien avec Yabiladi, Bachir Dkhil a également évoqué la proclamation de la «République arabe sahraouie démocratique» (RASD) par le Front Polisario, le 27 février 1976. Pour lui, cette décision a été «une grave erreur» :

«Le Front réclamait la tenue d’un référendum d’auto-détermination. Cela signifie que le Sahara occidental pouvait devenir un Etat comme il pouvait rester, après cela, une province du sud du Maroc. Comment peut-on décréter la création d’un état sans avoir donc suivi de processus ? Lorsqu’un Etat existe bel et bien, on ne peut pas revenir en arrière pour évoquer le principe d’autodétermination. Si le Polisario en était encore là, c’est que lui-même n’était pas convaincu de l’existence de son Etat.»

Ainsi, Bachir Dkhil considère que la proclamation de la «RASD» a eu pour but d’impliquer l’Afrique dans ce conflit plus qu’autre chose :

«Il s’agit de donner l’impression qu’il existerait une certaine légitimité et que le Polisario est le représentant unique. Sauf que prétendre représenter un peuple qui n’a pas été consulté pour vous choisir ni pour vous élire revient à reconnaître que vous avez recours aux mêmes méthodes qu’une dictature, à l’image de la Corée du Nord.»

Concernant la guerre ayant opposé le Polisario au Maroc et à la Mauritanie, Bachir Dkhil nous confie que «le but derrière cela a été l’élimination de la jeune élite politique des deux pays. Sauf que mathématiquement et logiquement, le Polisario ne peut jamais vaincre le Maroc, sur le plan militaire».

Depuis, «les choses ont changé»

Actuellement et depuis le temps, la situation dans le Sahara a changé, selon l’ex-membre fondateur du Polisario :

«Le Maroc évolué sur le plan étatique et institutionnel, depuis les années 1970. Le droit de rassemblement est garanti par la loi. Nous sommes encore dans le processus de construction d’un Etat démocratique, mais malgré quelques aspects à débattre, la nouvelle Constitution de 2011 a permis des avancées. Elle s’intéresse notamment à l’action de la société civile à travers douze points-clés. Aujourd’hui et rien que dans les provinces du Sud, il existe 13 000 associations et il est important de le souligner.»

A la question de la solution pacifique au conflit, Bachir Dkhil indique que «toutes les décisions basées sur la résolution onusienne 15-14 doivent être revues. Cette décision prévoit trois options possibles, à savoir que la population dans le Sahara se dote d’un Etat, obtienne un statut d’autonomie ou se fonde avec l’un des pays voisins» :

«Dans la zone disputée du Sahara, l’Espagne a comptabilisé près de 74 000 habitant. Mais lorsque Hassan II a déclaré en 1980 être prêt à permettre à cette population de jouir du principe d’autodétermination, l’Algérie et le Polisario sont remontés à la charge, arguant que le peuple sahraoui était constitué de 750000 habitants, ce qui a poussé le Maroc à exiger leur identification.»

Selon Bachir Dkhil, «le Polisario a commencé à faire une propagande, selon laquelle le Maroc refusait l’option de l’autodétermination. Au même moment et pour Erik Jensen (représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Sahara Occidental de 1993 à 1998, ndlr), la tenue d’un référendum ne pouvait être la solution la plus équitable».

Ainsi, notre interlocuteur estime que «le problème doit être résolu par la négociation entre les parties prenantes de la question. Il existe une réelle volonté de mettre fin au conflit, mais cela ne peut se faire sans que la France, historiquement acteur-clé de la situation, n’entreprenne des démarches dans ce sens».

Quel avenir pour le Polisario et pour la population de Tindouf ?

Bachir Dkhil se projette dans l’avenir de la situation, concernant notamment le Polisario :

«D’ici quelques années, un changement s’opérera au sein des instances politiques et décisionnelles du Front. C’est la loi de la nature. Les personnes-clés seront remplacées par une génération mieux formée et plus pragmatique. Aujourd’hui, les jeunes ne croient plus en des promesses dont les actes ne suivent pas. Ils veulent vivre en paix.»

Par ailleurs, Bachir Dkhil a indiqué que les Etats-Unis ne pouvaient pas laisser grandir un conflit de plus dans la région, qui s’ajouterait à la lutte antiterroriste et à la guerre menée contre les groupuscules armés opérant dans le Sahara et le Sahel.

Dans cette configuration, la population de Tindouf serait-elle donc réfugiée ou détenue ? Notre interlocuteur l’explique :

«Le Polisario la considère comme réfugié, sans lui accorder de statut officiel. Quant au Maroc, il la considère comme détenue puisqu’elle ne peut effectivement pas sortir des camps sans permission. Malgré une certaine ouverture dans ce sens, la problématique de la mobilité de pose toujours.»

De ce fait, notre interlocuteur insiste sur l’impératif de différencier les membres du Front de la population civile des camps de Tindouf : «Le Polisario est un groupe de personnes bien défini, contrairement aux habitants des camps. Ces derniers constituent des familles entières, loin de tout calcul politique.»

Précisant être bien informé sur les conditions de vie d’une population considérée comme «otage d’objectifs politiques divergents», Bachir Dkhil conclut en rappelant que les habitants des camps de Tindouf «vivent dans une situation précaire et inhumaine». Il indique que même si certains parmi eux souhaitent de tout leur cœur passer la frontière pour revenir au Maroc, «ils obtiennent de moins en moins de permis de sortir ou de visa. C’est extrêmement injuste».

AZZRRO
Date : le 19 mars 2022 à 12h03
un traitre !
AL MASSIRA
Date : le 17 mars 2022 à 16h12
Le pire (ou le meilleur c'est selon) est devant....
Citation
Karifino à écrit:
Le père qui renie son fils, j'adore cette série !
Marokoarra
Date : le 17 mars 2022 à 13h18
Le père qui renie son fils, j'adore cette série !
Citation
"AL MASSIRA" à écrit:
Il faut savoir une chose. L'Algérie aujourd'hui profite de la crise politique en Algérie du Sud (soulèvements à Tindouf), le guerre d'Ukraine et le nettoyage des FAR dans les ex soi-disant "territoires libérés", tout ça pour faire une liquidation au sein du Polisario. Le chef qui a déclaré à Mantes-La-Jolie qu'il n'est pas ministre et qu'il n'y a pas de "rasd" avait fait un mea-culpa forcé devant Di Mistura et puis a disparu de la circulation jusqu'à ce jour. Un autre mort la semaine dernière (un grand chef dont je peux retrouver le nom), son cadavre retrouvé. Ils ont dit qu'il a été tué par un drone marocain. Mais manifestement il n'avait rien à voir avec. Des rumeurs disent qu'il avait l'intention de prendre sa famille, de transiter en Espagne et de venir au Maroc. De même ceux qu'on oblige à aller vers la zone tampon se faire massacrer par les drones, ça ressemble aussi à des liquidations. Je ne sais pas si le Maroc avait des preuves, mais il aurait dû en parler à Genève.
AL MASSIRA
Date : le 17 mars 2022 à 09h22
Il faut savoir une chose. L'Algérie aujourd'hui profite de la crise politique en Algérie du Sud (soulèvements à Tindouf), le guerre d'Ukraine et le nettoyage des FAR dans les ex soi-disant "territoires libérés", tout ça pour faire une liquidation au sein du Polisario. Le chef qui a déclaré à Mantes-La-Jolie qu'il n'est pas ministre et qu'il n'y a pas de "rasd" avait fait un mea-culpa forcé devant Di Mistura et puis a disparu de la circulation jusqu'à ce jour. Un autre mort la semaine dernière (un grand chef dont je peux retrouver le nom), son cadavre retrouvé. Ils ont dit qu'il a été tué par un drone marocain. Mais manifestement il n'avait rien à voir avec. Des rumeurs disent qu'il avait l'intention de prendre sa famille, de transiter en Espagne et de venir au Maroc. De même ceux qu'on oblige à aller vers la zone tampon se faire massacrer par les drones, ça ressemble aussi à des liquidations. Je ne sais pas si le Maroc avait des preuves, mais il aurait dû en parler à Genève.
Ornitho
Date : le 17 mars 2021 à 14h33
Le personnage est respectueux, pesé et donne des éléments factuels. D'autres examples de sons de cloche différents de la propagande du Polisario. Mahjoub Salek : un des fondateurs du Polisario et indépendantiste à ce jour (mais qui force le respect quelques soient ses convictions). A fondé par la suite un mouvement d'opposition au Polisario, ce qui lui a valu le retrait de son passeport algérien (terre d'accueil), un droit inaliénable pour chaque "réfugié" au regard des conventions internationales. A passé 9 ans dans les prisons du Polisario, sous la torture. Je cite avec une traduction approximative : "Nous avons joué un grand rôle dans les avons ramené à Hmada (les femmes, enfants et vieux) pour la liberté, la dignité ... avant qu'ils ne se transforment en outil de marchandage aux mains du Polisario" "L'Algérie a kidnappé notre révolution, et a transformé notre leaderhsip en pions aux mains de l'Algérie pour servir les intérêts algériens." "Notre révolution a été kidnappée après la mort de Ouali" "Quand j'ai retrouvé ma famille (au Maroc) et qu'ils m'ont parlé de la prison de Kelaat Megouna (Maroc. Ces proches parents y ont été torturés, et c'est condamnable et criminel), j'ai estimé que Kelaat Megouna était un hôtel 5 étoiles". Mustapha Ould Salma : Ancien inspecteur général de la police du Polisario. Désormais partisan du plan d'autonomie. Femme et enfant gardés en otage à Tindouf, méthode typique des formatés du bloc de l'Est. De retour à Tindouf depuis Smara après avoir annoncé son revirement, arrêté et sequestré par le Polisario pendant 71 jours avant d'être remis à la Mauritanie, où il vit toujours. Ne vit pas à Costa Brava lol, mais (pour des raisons que je ne connais pas) en Mauritanie, dans des conditions modestes. https://fr.wikipedia.org/wiki/Moustapha_Salma_Ould_Sidi_Mouloud Je cite : "Le 30 août 2010, Moustapha Salma Ould Sidi Mouloud a entrepris son voyage de retour de Smara -à travers la Mauritaine- aux camps de Tindouf (Algérie) ou résident toujours ses 5 enfants et sa femme. Depuis sa ville refuge de Zouérate, Mauritanie, il lance plusieurs appels à la communauté internationale pour l'aider à retourner à Tindouf" "Le Polisario m'a kidnappé moi, ma mère et ma fratrie, de la ville de Smara en 1979, et et m'a emmené dans les camps de réfugiés" "Il était impossible jusque dans les années 90, pour quiconque de sortir des camps de réfugiés" "En vérité, la relation entre Qaddafi et le Polisario s'est affaiblie à partir de 1984. Je crois que c'est l'Algérie qui a oeuvré pour disloquer ces relations, afin de garder la mainmise ..." Et il y en a beaucoup d'autres. L'Algérie, responsable de la tragédie humaine dans les camps de Tindouf !
beretrouge
Date : le 17 mars 2019 à 12h15
Tiens il reviens de la Costa Brava chercher son cheque..et oui la vie est plus chere qu'a Tindouf..
FATEM95
Date : le 18 mars 2018 à 22h51
C'est vrai qu'il pose la question de l'absurdité de la RASD. Pourquoi créer cette république d'un côté et demander l'autodétermination du peuple Sahraoui de l'autre ? Je ne parle de l'autre absurdité celle du peuple Sahraoui défini par l'Algérie juste au niveau du Sud du Maroc car ils sont confronté au problème à l'inexistence historique d'aucun État dans cette région. Ils ont découpé le mensonge à leur guise. En tout cas ce que dit ce monsieur est très instructif sur l'enfer des camps de la honte.
moden
Date : le 18 mars 2018 à 21h44
Vu la conclusion de cet ex-polisarien, les habitants de camps de concentration de Tindouf sont bel et bien séquestrés, emprisonnés, maltraités et violés de leurs droits les plus élémentaires par ce régime arabo-soviétique de la junte militaire d'Alger et ses bras armés terroristes Polisariens (le Polisario) et l’ONU et tous ceux qui prétendent défendre les droits de l’homme restent du marbre à leurs situations, les bras croisés, donc ils sont complices de ce génocide et soutiennent la junte dans ce crimes contre l’humanité
Boutch
Date : le 18 mars 2018 à 19h45
Merci à l’algerie !!!!
Dernière modification le 11/06/2023 13:59
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