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Grand Angle

Paquita Gorroño, la «passionnée de Rabat» n’est plus

Paquita Gorroño s’est éteinte hier matin à Rabat. Cette opposante espagnole, âgée de 103 ans, était devenue un symbole de la lutte contre la dictature de Franco. Portrait.

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Paquita Gorroño, la «passionnée de Rabat» n’est plus. / Ph. DR
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Paquita Gorroño, connue comme «la passionnée de Rabat», exilée au Maroc depuis 1939, est morte hier matin dans la capitale du royaume à 103 ans, indique l’agence de presse espagnole EFE.

L’Espagnole était une opposante virulente du dictateur Francisco Franco. Selon son entourage relayé par EFE, cette républicaine n’était plus en capacité de sortir de son lit depuis plusieurs mois, ni même d’ouvrir les yeux depuis quelques semaines. La défunte était un «symbole républicain espagnol (ancienne membre du Parti communiste)» avec un «caractère de fer» et une «lucidité extraordinaire», décrit la même source.

En 1936, Paquita Gorroño espère travailler comme hôtesse de l’air. La guerre civile, qui éclate cette année-là, douche ses espoirs. En 1939, alors qu’elle fuit les villes assiégées par les armées de Franco, elle se retrouve dans un camp de concentration français, Le Boulou : «Il y avait des centaines de soldats espagnols là-bas ; le camp était un point de transit vers d’autres camps. Les soldats français m’ont dit qu’ils avaient entendu dire que les troupes espagnoles n’étaient guère plus que des bandits, des communistes et des anarchistes qui tuaient et pillaient où qu’ils allaient. Pourtant, ils se retrouvèrent à veiller sur les femmes, les enfants et les vieilles personnes», confiait Paquita Gorroño au quotidien espagnol El Pais. Un jour, alors qu’elle s’interroge sur la présence d'une longue file d’attente :

«Ils m’ont dit que les autorités françaises donnaient des laissez-passer pour quitter le pays. J’ai demandé aux autorités où je pouvais partir. Ils m’ont répondu le Maroc ou l’Algérie, si je pouvais prouver que j’avais de la famille là-bas.»

Paquita Gorroño écrit à l’oncle de son mari, mais ce dernier est décédé entre-temps : «Les responsables français m’ont dit qu’ils pouvaient prétexter les funérailles comme motif pour partir au Maroc. C’est comme ça que je m’y suis retrouvée.»

Secrétaire personnelle de Hassan II

Paquita Gorroño arrive à Rabat en 1939, alors que le pays est encore sous protectorat français et espagnol. Bien des années plus tard, elle parvient à se frayer un chemin dans le palais royal en tant que dactylo. Elle rencontre Hassan II, encore prince héritier. «J’ai rencontré le prince Hassan quand il avait 14 ans. La première chose qu’il m’avait demandé, c’était d’écrire quelques invitations pour une soirée au palais royal», confiait-elle à El Pais.

Hassan II sollicite Paquita Gorroño pour qu’elle devienne sa secrétaire personnelle, entre 1956 et 1971, mais elle finit par quitter son travail, fatiguée de l’ambiance au sein du palais royal : «Certaines personnes disaient du mal de Hassan, et ils avaient leurs raisons, mais il a toujours été gentil avec moi. Quand je suis partie, il m’a dit que je serais toujours la bienvenue et que si j’avais besoin de quoi que ce soit, je n’avais qu’à demander.»

Elle réclamera l’intervention du palais une seule fois, menacée d’expulsion de son appartement. Elle a pu garder son domicile et a payé un montant symbolique du loyer depuis. Mais très vite, éreintée par le temps qui passe et la vieillesse, elle ne parvient plus à sortir de son appartement du deuxième étage sans ascenseur pendant près d’une année. Le corps de Paquita Gorroño repose désormais au cimetière chrétien de Rabat, où sa mère est aussi enterrée.

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