France : Les dirigeants de la mosquée d'Evry suspectés d’abus de confiance

L’information ne fait pas encore la une des journaux, mais cela ne saurait tarder si les faits sont avérés. Le parquet d’Evry a ouvert une enquête préliminaire pour «abus de confiance» visant les dirigeants de la mosquée d’Evry, un établissement qui, rappelons-le, est une propriété du Maroc depuis 2009. Le procureur l’a confirmé lundi dernier à Mediapart.

L'usage de l'argent versé par le Maroc mis en doute

Les soupçons portent sur des travaux de rénovation engagés au cours de ces cinq dernières années. Les budgets estimatifs, des devis ainsi que des factures «communiqués au Maroc» ont été mis en doute. Pour mémoire, Rabat avait versé 1,2 million d’euros pour les derniers travaux de remise aux normes et d’étanchéité de la mosquée.

Le recteur de la mosquée, Khalil Merroun, son bras droit Abderahmane Ammrani, le trésorier de l’Association culturelle des musulmans d’Ile-de-France (ACMIF) Ali Sedouki -qui assure la gestion financière et administrative de la mosquée- sont suspectés d’avoir détourné une partie de l’argent destiné au financement de ces travaux. Car plusieurs transactions sont restées sans traces. On parle notamment d’absence de facturations, de paiements en liquides, etc. «L’enquête cherche à déterminer l’usage des fonds attribués par le Maroc ou versés par des membres de la communauté, et s’il y a des détournements», a confié le procureur d’Évry Éric Lallement.

«Nous n'avons pas détournés de fonds»

Cependant, les mis en cause réfutent tous les soupçons. «Si on avait commis des détournements de fonds, on l’aurait fait quand on voyageait en Arabie saoudite et qu’on avait des millions dans les valises», défend Abderahmane Ammrani. L’homme qui s’est occupé des tous premiers financements des travaux assure : «je faisais moi-même les voyages. Toutes les sommes c’est moi qui les ai ramenées ; des sommes nous parvenaient aussi par chèque et par virement». D’après lui, deux effractions survenues au bureau administratif de la mosquée en 2013 expliquent la perte des factures et l’emploi d’une main d’œuvre passagère explique les paiements en espèces. Des «travaux mal faits» par certaines entreprises ont contraint la mosquée à «faire refaire par des gens de passage […] venus d’Espagne, d’Italie», a expliqué M. Ammrani.

Même s’il tient le même discours, le recteur reconnait toutefois que son équipe a fait «un travail de ‘‘débrouille-toi’’». «Ils n’auraient pas dû le faire comme ça… Mais l’État français ne nous a pas donné un centime. On a sorti l’une des plus grandes mosquées d’Europe sans aucune subvention !», fait valoir Khalil Merroun qui jouit d’un considération particulière auprès des autorités tant dans l’hexagone qu’au royaume chérifien. Il a en effet reçu la Légion d’honneur des mains du premier ministre Manuel Valls en février 2014 et en février 2015, la princesse Lalla Meryem le décorait - au nom du roi Mohammed VI- d’un wissams Al Arch de 3ème classe (officier).

En mai dernier, les domiciles de ces trois dirigeants ont été perquisitionnés. Ces dernières semaines, le recteur a déjà été entendu plusieurs fois par les enquêteurs du service régional de police judiciaire (SRPJ). Actuellement il est au Maroc et devrait retourner en France à la fin du mois de juillet, apprend Yabiladi auprès d’une source proche. De leur côté, ses collègues se montrent sereins, assurant revivre un épisode déjà vu. En 1996, ils avaient été accusés de détournements «des dizaines de millions [de francs, ndlr]», mais alors qu’ils avaient perdus les traces de leurs opérations, ils avaient finalement pu prouver leur innocence.