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Grand Angle

Imams européens : Formatage à relents sécuritaires ou théologie islamique authentique ?

La tendance est désormais à la formation d’imams nationaux dans les pays européens pour remplacer ceux «importés» de l’étranger. Une avancée louable qui n’est toutefois pas sans risques. Analyse.

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Durant deux jours (25-26 octobre), un séminaire de formation de 70 imams venus des différentes régions d’Espagne s’est tenu à Madrid. Organisé par le Conseil européen des oulémas marocains, il portait sur la «Réalité civilisationelle et culturelle de l’Europe». Ce fut une occasion pour ces prêcheurs  de mieux s’imprégner du concept de jurisprudence dans son rapport avec la réalité des pays de résidence de la communauté musulmane à l'étranger.

De telles rencontrent risquent  de se  multiplier dans les années à venir sur le vieux continent. Car la «mise à niveau» des imams est plus que jamais devenue une priorité pour les gouvernements européens. A l’instar de la France où des cadres religieux musulmans sont formés depuis 1992, beaucoup de pays se mettent au diapason de la formation de leurs propres imams en remplacement des «imams importés» des pays maghrébins et de la Turquie essentiellement. Une avancée louable,  mais qui comporte autant de risques que d’avantages.  

Une bonne partie des communautés musulmanes d’Europe s’est longtemps plaint des difficultés, voire du manque de communication avec ces prêcheurs venus de l’étranger. Notamment les musulmans subsahariens (qui ne comprennent pas tous l’arabe et le turc), mais aussi et surtout des musulmans natifs de ces pays d’accueil. La formation d’imams dans les universités européennes contribuerait donc à surmonter ces barrières linguistiques, en plus de proposer aux fidèles des interlocuteurs imprégnés de leurs réalités. Contrairement aux religieux qu’on y envoie juste pendant le ramadan ou pour passer un certain nombre d’années.

Cette nouvelle catégorie d’imams servira plus facilement de pont entre les deux civilisations. Eduqués aussi bien selon les valeurs musulmanes qu’occidentales, ils seront certainement mieux placés pour discerner et aborder les différences culturelles afin de faciliter le rapprochement de ces deux mondes pourtant imbriqués.

Toutefois, vu les motivations de la plupart des gouvernements européens, des réserves s’imposent d’autre part. A l’instar de Nicolas Sarkozy qui parlait d’un « islam de France» les pays qui s’engagent aujourd’hui dans la voie de la formation d’imams nationaux parlent tous d’un enseignement islamique en phase avec leurs valeurs. Quoi de plus logique !

Mais au lieu de vouloir garantir la liberté de religion, les motivations des gouvernements sont souvent davantage de nature sécuritaire, la période post-11 septembre oblige. Ce n'est pas pour rien que souvent, les ministères de l'Intérieur sont impliqués dans les «dialogues avec l'Islam».

La dérive possible est celle d'un «formatage d’imams», alors que des représentants musulmans d'Europe comme Avni Altiner espèrent qu'une théologie islamique authentique se mette en place dans le contexte européen. Dans un article paru récemment sur qantara.de, le président de la Schura, l'association régionale des musulmans de Basse Saxe, insiste d'ailleurs sur le droit d'autodétermination des musulmans en Allemagne.

Quoiqu’il en soit, la bonne volonté doit être réciproque entre Etats et communautés musulmanes pour instaurer un dialogue fructueux. Seul gage de succès pour une meilleure intégration des musulmans d’Europe et de résolution des équations sécuritaires par les Etats.

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