Tout a commencé le 12 novembre 2010, à 5 heures du matin, dans une grande ferme à Lassilat près de Had Soualem dans la province de Berrechid. L’une des domestiques affirme, dans son témoignage à la police judiciaire marocaine, avoir entendu, à 5 heures du matin, sonner l’alarme de l’appareil respiratoire de Jean Joseph Garcia, 64 ans, PDG de la société Moulzin constructions ; signe que la respiration artificielle ne fonctionnait plus. Elle s’est approchée mais a pensé qu’il s’était levé une minute. Lorsqu’elle va lui porter son petit déjeuner à 7h30, il est immobile, elle pense qu’il dort encore et quitte la pièce. Vers 9h, elle entend crier Naïma O., gérante de la société, associée et proche de José Garcia : il est mort.
Que s’est-il passé pendant ce matin là ? Pourquoi aucune des personnes de l’entourage de José Garcia n’a-t-elle appelé la société médicale propriétaire des appareils et qui gère les urgences respiratoires de ses patients ? «Nous avons enfin réussi à déposer une requête pour non assistance à personne en danger, en juillet 2011, mais depuis rien ne bouge», regrette sa fille, Anouk Garcia, 37 ans. Depuis lors, Naïma O. a pris le contrôle de la société de travaux public Moulzin. Les deux enfants de Jean Joseph Garcia, Anouk et Romain Garcia, qui vivent tous les deux en France, l’accusent d’avoir volé leur héritage.
Une maison de plusieurs millions de dirhams
Contactée, Naïma O. refuse, de son côté, de s’exprimer dans la presse tant que l’affaire est devant la justice. 4 dossiers, associés à différentes plaintes des enfants de Jean Jospeh Garcia, sont ouverts devant les tribunaux marocains pour non assistance à personne en danger, mais aussi, faux et usage de faux, détournement de fonds, vols du matériel de la société, escroquerie et abus de confiance.
En jeu : la ferme d’une valeur pouvant aller jusqu’à 20 millions de dirhams à Had Soualem et la direction et la propriété de la société Moulzin. Surtout, selon l’avocat de Anouk Garcia, Me Abdejalil Toto, cette affaire réunit des protagonistes un peu particuliers : Naïma O. est secondée dans ses démarches par Mohamed A., le fiduciaire de la société, et sa fille, notaire, Ghizlaine A. Cette dernière n’est autre que l’ex-épouse de Khalid el Hourri, rédacteur en chef du quotidien arabophone à grand tirage Assabah, rappelle Me Toto. Naïma O. est également défendue par un grand nom du barreau casablancais : l’ancien bâtonnier Abdellatif Bouachrin. Beaucoup de personnalités pour un seul dossier.
Jugements contradictoires ?
Sont-elles pour quelque chose dans le revirement, en la faveur du camp de Naïma O., lors du premier procès en correctionnel qui a eu lieu dans cette affaire, le 26 décembre dernier ? L’ancienne gérante de la société a été acquittée des poursuites pour faux et usage de faux alors que le 31 janvier 2012, le tribunal de commerce de Casablanca, avait reconnu que la manipulation comptable du capitale de la société Moulzin qu’elle avait effectué, était illégale puisqu’elle a n’était plus l’actionnaire majoritaire de la société.
«Peu après le décès de mon père, j’ai rencontré Naïma avec mon frère, et nous lui avons montré l’acte de cession de parts où elle cédait 90% du capital de la société à mon père et donc à nous, par voie d’héritage, ses enfants. Elle nous a répondu, je me souviens, «vous n’aurez que les dettes»», raconte Anouk Garcia.
Manipulation comptable
Le 10 décembre 2010, un mois après la mort de Jean Joseph Garcia, elle réalise, en l’absence d’Anouk et de son frère, une augmentation de capital de la société. Les deux enfants de José Garcia possédaient 900 parts sur 1000, après l’augmentation, ils deviennent minoritaire et ne possèdent plus que 900 parts sur 2000. Puisque cette décision a été prise en l’absence des héritiers de Jean Joseph Garcia, qui plus est majoritaires au capital, le tribunal de commerce a rendu le 31 janvier, la propriété de la société et de la maison aux deux enfants de José Garcia. Naïma O. a toutefois fait appel suite à cette décision.
Poursuivie pour faux et usages de faux, suite à ce verdict, par le tribunal correctionnel, elle vient donc d’être acquittée au nom de sa bonne foi. Le parquet et Me Toto ont fait appel. «Ce jugement est absurde : Naïma O. a elle même reconnu pendant le procès que la cession des parts de 90%, qui est le nœud de l’affaire, était totalement légale», explique ce dernier. De la question de propriété de la société découle l’essentiel des autres plaintes déposées : la propriété de la maison, du matériel roulant de la société, de l’utilisation de l’argent de la société ... Plus de deux ans après les faits, tous ces autres dossiers restent au point mort, s’indigne Me Toto.