L’histoire d’Ilhame Raguig avec les arts martiaux ne se déroule pas uniquement sur le ring. Après qu’un cancer s’est emparé d’elle sans crier gare, la multiple championne mondiale et continentale de savate s’est engagée dans le combat difficile de la lutte contre la maladie. Née à Strasbourg de parents originaires de Nador, la boxeuse franco-marocaine a d’abord étudié jusqu’au baccalauréat, avant de faire une formation de kinésithérapie à l’université de sa ville natale. Faute d’épanouissement dans sa filière, elle a décidé de se réorienter, pour rejoinde un institut où elle se spécialise dans l’immobilier.
En 2008, Ilhame Raguig aura obtenu son diplômée au bout de deux ans. Elle travaille au sein d’une banque en tant que responsable de la gestion patrimoniale. «Il m’a fallu du temps pour comprendre exactement ce que je voulais faire», a-t-elle confié à Yabiladi. Parallèlement à son activité professionnelle, elle poursuit toujours ses études et obtient une licence en gestion du patrimoine, puis un master spécialisé dans le même domaine.
Ilhame a combiné son travail à la banque avec la savate, un sport qu’elle pratique depuis l’âge de cinq ans, sur les traces de son frère et de sa sœur aînés. «Je les accompagnais au club de boxe française d’Ostwald, mais aussi aux compétitions auxquelles ils participaient», se souvient-elle. «En tant qu’enfant, on prend souvent exemple sur ses frères et sœurs aînés, on veut toujours être comme eux. J’ai voulu donc m’essayer à leur sport moi aussi, et j’ai beaucoup aimé», nous dit-elle.
Un espoir de représenter le Maroc
Ilhame rejoint ainsi le même club, où elle décide de rester, malgré le retrait de ses frères et sœurs du ring. A l’âge de 12 ans seulement, elle dispute son premier combat, où elle affronte des adversaires plus âgés. Ce baptême du ring, en 1998, reste un souvenir marquant.
«J’avais très peur. J’avais encore plus peur de perdre face à l’adversaire, ce qui s’est réellement produit. Mais c’était une belle expérience qui m’a beaucoup appris. Cela m’a motivé à gagner les compétitions d’après. J’ai appris que la défaite ne signifiait pas l’abandon, bien au contraire.»
Depuis, Ilhame a enchaîné les victoires. Elle remporte son premier tournoi l’année d’après, devenant championne de France à l’âge de 13 ans. Un titre qu’elle remportera à 13 reprises. La boxeuse a également remporté le championnat du monde en 2004, 2006, 2008 et 2018. En 2011, elle aura été championne d’Europe. Elle se taille le titre continental une nouvelle fois en 2019, puis dernièrement en 2023.
En 2014, Ilhame Raguig décide de déposer une demande pour rejoindre la Fédération royale marocaine de boxe et intégrer l’équipe nationale du Maroc, qu’elle a toujours rêvé de représenter lors des compétitions internationales. «Mais cela n’a pas été possible, car je jouais déjà pour l’équipe de France», a-t-elle déploré.
Déterminée à évoluer dans sa carrière sportive, elle jongle entre son travail à la banque et la boxe française sur le ring, en plus de l’entraînement. Autant dire que l’organisation quotidienne à cet effet relève de la discipline à part entière. Pour cause, Ilhame Raguig estime avoir un «besoin» vital de sport dans sa vie. C’est ainsi qu’en 2016, elle crée le club FIT BOXING.
«J’entraîne les femmes une fois par semaine seulement, en raison de mon emploi du temps chargé. J’ai lancé ce projet parce que je voulais jouer au nom de mon propre club, mais aussi former et encourager les femmes, d’autant que la boxe est considérée comme un sport à prédominance masculine.»
Un combat contre le cancer
En septembre 2021, alors qu’elle se prépare à participer à un tournoi prévu en octobre de la même année, Ilhame Raguig reçoit une nouvelle qui la laisse sous le choc. Diagnostiquée d’un cancer du sein, elle a dû arrêter la boxe durant toute l’année 2022. Elle subit une série d’interventions chirurgicales, ainsi qu’une chimiothérapie.
«C’était une année très difficile. Une fois qu’on est face au diagnostic, la première chose à laquelle on pense immédiatement est la mort. C’est l’étape la plus dure. Je me suis dit que ma vie allait s’arrêter. Mais le plus important est de ne pas se laisser aller à ces pensées. Il faut chercher son enthousiasme et sa motivation ailleurs pour vaincre la maladie. Moi, je combats cette maladie comme si je combatais sur un ring.»
Un an plus tard, Ilhame revient à la savate. En 2023, elle décide de participer au championnat de France. «J’ai pu remporter le titre, et aussi le championnat d’Europe», se félicite-t-elle. La nouvelle championne continentale a pensé avoir tourné la page de la maladie. Mais cette fois-ci, elle a été diagnostiqué d’un cancer du foie.
«Je ne veux pas être vaincue par le cancer. Je ne veux pas que cela m’empêche de vivre ma vie normalement. Je traite encore la maladie comme si j’étais sur un ring de boxe. Il n’y a qu’un seul gagnant et nous verrons qui il sera.»
Malgré le traitement difficile, Ilhame affirme qu’«[elle] fait tout ce qu’[elle] peut». «Je veux me battre jusqu’au bout», a-t-elle insisté auprès de notre rédaction. Grâce à sa détermination, ainsi qu’au soutien de sa famille, la championne de boxe continue de lutter contre le cancer et «ne lâche rien».
«Ma famille sait très bien que la boxe m’apporte un réconfort psychique et me donne plus de confiance. J’ai besoin de la boxe dans ma vie. Je dois participer à des compétitions et vivre ma vie comme avant», a-t-elle conclu.