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Grand Angle

Quand Bouteflika voulait convaincre les Etats-Unis de créer un nouveau «Koweït» au Sahara

Diviser le Sahara pour avoir un accès direct à l’Atlantique, un vieux rêve des responsables algériens qu’ils nourrissent depuis les années 70. Un document du Departement d'Etat révèle les pressions de l'Algérie sur Washington en ce sens.

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En lançant l’organisation de la Marche verte, le roi Hassan II avait chamboulé les cartes dans la région. Les Américains, qui ne s’attendaient pas à une telle annonce faite le 16 octobre 1975, étaient tiraillés entre la détermination du souverain marocain, l’allié de Washington, à récupérer la province et les appels incessants du pouvoir algérien visant à convaincre l’administration du président Gerald Ford, de faire pression sur Hassan II pour qu’il renonce à la Marche verte.

Les Algériens tirant profit du peu d’emballement des Etats-Unis pour le projet royal, ont mandaté Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, pour exprimer sur un ton peu diplomatique, lors d’une réunion avec son homologue américain, Henry Kissinger, leur rejet total de la Marche verte, indique un document du Département d’Etat.

Animé par la volonté d’éviter une guerre entre le Maroc et l’Algérie, le chef de la diplomatie des Etats-Unis était prêt à défendre la position de son pays face à un Bouteflika plus offensif qui accusait Washington de soutenir Rabat.

La partition du Sahara, un vieux rêve de l’Algérie

«Nous n’avons pas une position anti-algérienne. La seule question était combien investir. Empêcher la Marche verte aurait signifié détériorer complètement nos relations avec le Maroc», a répliqué Kissinger aux reproches de son interlocuteur.

«Vous auriez pu arrêter l’aide économique et militaire» en faveur du Maroc a suggéré Bouteflika qui ne se souciait guère «de la ruine totale» des relations entre le royaume et les Etats-Unis. L’entretien a montré le fossé abyssal séparant les deux visions sur le dossier du Sahara occidental. «Je ne comprends pas ce que l’auto-détermination veut dire pour le Sahara. Je peux comprendre ce qu’elle veut dire pour les Palestiniens mais c’est un problème différent», a répondu Kissinger à la comparaison faite par Bouteflika entre les deux dossiers. Depuis, l’Algérie a mis sur le même pied d’égalité les deux questions. Une ligne politique qui n’a pas bougé d’un iota.

Convaincu que Kissinger n’a pas adhéré à ses explications, Bouteflika a fini par faire miroiter à l’Américain les ressources naturelles de la province. «Il y a d'énormes richesses dans le Sahara, dans 10 ou 12 ans ce territoire sera le Koweït de la région». «Nous ne nous y opposons pas, ce n'est pas notre affaire», a répliqué sèchement Kissinger.  

Ce dialogue de sourds a bouleversé les calculs des responsables américains. Si en octobre 1975, le directeur de la CIA, William Egan Colby, alertait d’une possible guerre entre le Maroc et l’Espagne, en décembre de la même année, il préconisait une partition de la province : entre le Maroc et la Mauritanie et l’octroi à l’Algérie d’un accès direct à l’océan atlantique. Une proposition rejetée par le roi Hassan II.

Presque trente ans après cet entretien, Abdelaziz Bouteflika, alors président de l’Algérie, avait défendu en 2002 la partition du Sahara entre le Maroc et le Polisario. Un plan que le royaume a encore une fois décliné.

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