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Grand Angle

France : Mort de Zakaria Mennouni, légitime défense ou bavure policière ?

Etudiant à l’Ecole supérieure de commerce (ESC) d’Amiens, Zakaria Mennouni, 26 ans, a été hospitalisé, dans la nuit du 21 au 22 avril à Blois. Le jeune a succombé à ses blessures, après avoir reçu quatre balles tirées par un policier. Mais les circonstances du drame ne permettent pas encore définir les raisons de son décès. Ses proches et des associatifs n’écartent pas la piste de la bavure policière.

Publié
Zakaria Mennouni / DR.
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Tué par quatre balles de la police, dans la nuit du 21 au 22 avril dernier à Blois, le jeune étudiant marocain Zakaria Mennouni serait victime d’un usage disproportionné de la force, qui lui aura coûté la vie «alors que cela aurait pu être évité». Hospitalisé, il succombera à ses blessures. Pour cette raison, Amal Bentounsi, fondatrice du Collectif «Urgence notre police assassine» dès 2012, a affirmé à Yabiladi avoir «contacté des avocats pour se saisir de l’affaire et pouvoir ainsi consulter les éléments du dossier». La militante franco-marocaine a lancé un appel à témoin, en espérant que «celles et ceux qui auraient assisté aux faits, filmé ou pris des photos, se manifestent».

Cette mobilisation a été initiée à la lumière des zones d’ombre qui entourent le drame. Présentée initialement comme une situation de légitime défense, l’affaire ne se limiterait pas seulement au tir d’un agent pour se prémunir d’un éventuel danger. Pour cause, «d’autres traces qui ont été trouvées sur le corps de Zakaria» suggérent que le jeune homme de 26 ans aurait subi des violences physiques. Les premiers éléments du rapport d’autopsie montrent la présence de plusieurs plaies, sur des parties du corps où les blessures peuvent être fatales. Le soir du drame, le jeune homme aurait été muni d’un couteau, mais les médecins légistes n’ont pas déterminé si les plaies étaient dues à des coups que le défunt se serait lui-même infligé ou s’il les avaient subis d’une tierce personne.

«En l’état des constatations et analyses médico-légales conduites par le médecin légiste, il est établi qu’un choc hémorragique en lien avec les lésions abdominales et cervicales est à l’origine de la mort ; cependant il n’est pas possible de distinguer parmi les deux premières séries de plaies, celles qui ont pu causer la mort», note le rapport, consulté par La Nouvelle République. «C’est d’autant plus une raison pour nous de consulter le dossier à travers nos avocats, avec l’accord de la famille», a encore déclaré Amal Bentounsi à Yabiladi, disant par ailleurs avoir pu contacter des proches du défunt. Selon certains parmi eux, le jeune souffrait d’un burn-out depuis quelque temps.

Le père de Zakaria peine à obtenir un visa pour la France 

Militante franco-marocaine, Hind Dakoune a, de son côté, indiqué à Yabiladi porter soutien directement au père de Zakaria Mennouni, lequel souhaite faire ses derniers adieux à son fils avant que le corps ne soit mis sous scellée pour le rapatriement vers le Maroc. «Nous sommes déçus que les services des pompes funèbres n’interragissent pas avec nos sollicitations, les miennes et celles du père, pour décaler la date de la fermeture du cercueil, ne serait-ce que le temps de lui permettre d’être présent, d’autant qu’il a déjà introduit sa demande de visa et que les autorités françaises ont été très collaboratives avec le chef de famille», a-t-elle affirmé à notre rédaction. Les espoirs de la militante restent portés sur «un sens de l’humanisme de la part du service consulaire de France à Casablanca», afin de permettre ce déplacement.

Contactés également par Yabiladi, des proches du défunt décrivent une famille «désemparée et sous les choc». «C’est très dur à surmonter pour la maman et le papa qui sont au pays. Le père de Zakaria court partout pour son visa», ont-ils encore confié. «Il est très important pour moi de prendre part aux funérailles de mon fils avant le rapatriement de sa dépouille. La douleur de la perte de mon enfant dans ces circonstance est encore plus profonde, mais ce sera bénéfique pour ses parents que l’un d’eux puisse faire une dernière prière sur Zakaria avant la fermeture du cercueil», nous a déclaré Mostafa Mennouni, père du défunt.

En attendant, les militants associatifs prévoient d’ores et déjà d’occuper le terrain. Une manifestation est prévue lundi 2 mai, près de la fontaine Saint-Michel à Paris. «Il s’agit d’une contre-manifestation», a souligné à Yabiladi Amal Bentounsi, précisant que le rassemblement se tiendra simultanément avec celui des syndicats de police, «juste en face du leur». L’initiative est organisée au vu du contexte délètère en France marqué par la succession de morts sous les balles de la police, selon l’associative. «Après Zakaria, deux personnes ont été tuées par un policier, le soir du deuxième tour de l’élection présidentielle, alors qu’ils étaient à bord d’une voiture à l’arrêt», a-t-elle rappelé.

Un triste anniversaire pour les associations contre les violences policières

La date de la mort de Zakaria est celle aussi du décès du frère d’Amal Bentounsi, victime lui aussi d’un tir de la police, «dix ans jour pour jour» et dont la militante garde encore un douloureux souvenir. «Le policier en cause dans le drame du 24 avril est jugé pour homicide volontaire, parce qu’il y a eu des indices graves et concordants. Les syndicats des policiers manifestent lundi pour le soutenir et nous seront présents face à eux», insiste la militante.

Ainsi, la manifestation réitère l’opposition à la réforme de la Loi sécurité publique de 2017, date à laquelle l’article L.435-1 a modifié l’usage des armes à feu par la police, donnant lieu à de nombreux usages disproportionnés, selon les ONG en France.

«Les gendarmes bénéficient de cet usage lors du contrôle et de légitime défense. Mais à la suite des attentats et dans le climat de l’après 2015, cette modification a été introduite pour permettre aux policiers de ne plus avoir à justifier leur usage d’arme à feu, dans les situations qu’ils peuvent qualifier plus amplement de légitime défense ou de danger réel.»

Amal Bentounsi

Depuis, «c’est devenu plutôt à la personne visée de prouver qu’elle n’est pas en situation de nuire, ce qui crée des situations de violence policière sans précédent», déplore-t-elle. Le 24 avril au sujet de Zakaria Mennouni, le parquet a indiqué que les premiers éléments de l’enquête ont conclu que le policier ayant tiré aurait agi en état de «légitime défense», car le jeune aurait «menacé» les agents face à lui. Mais dans la presse française, son entourage se pose des questions, notamment Joël, son loueur. «Comment sept policiers n’ont-ils pas réussi à maîtriser un jeune sans avoir recours à leur arme à feu ?», s’est-il interrogé.

Article modifié le 01/05/2022 à 16h43

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