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Grand Angle

Espagne : La veuve de Younes Blal «réclame justice» pour le crime raciste

La femme de Younes Blal, tué par un quinquagénaire raciste, réclame justice pour elle et ses enfants. Deux jours après les funérailles de son mari à Beni Mellal, Andrea Hidalgo del Valle a déploré un deux poids, deux mesures dans le traitement de ces affaires par les politiques en Espagne.

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Funérailles de Younes Blal à Murcie avant le rapatriement de sa dépouille, le 19 juin 2021 / Ph. ATIM
Temps de lecture: 3'

Une semaine après l’assassinat raciste de Younes Blal à Murcie par un ancien membre de l’armée espagnole, la dépouille du défunt a été rapatriée au Maroc, où des funérailles familiales ont été organisées à Beni Mellal. Andrea Hidalgo del Valle, veuve de la victime, y a pris part dans un déplacement organisé avec l’appui de l’Association des travailleurs immigrés marocains en Espagne (ATIM), de la société civile maroco-espagnole et des services consulaires marocains. Depuis le Maroc, elle a donné une interview à l’agence de presse Anadolu, à travers laquelle elle a réclamé «justice».

Concernant l’homme objet de l’enquête pour avoir tiré sur Younes, la veuve a réclamé qu’il soit «emprisonné à vie». La semaine dernière, le tribunal d’instruction numéro 1 de Totana a ordonné son placement en détention. Présidente d’ATIM à Murcie, Sabah Yaacoubi a accompagné la famille de la victime pour les funérailles dans la ville d’origine de Younes, Beni Mellal. Ce mercredi, elle a indiqué à Yabiladi que son ONG avait désigné un avocat pour l’appui juridique à Andrea en Espagne. Aussi, son organisation se portera partie civile dans l’affaire en cours. Parallèlement, elle prendra part à deux manifestations prévues dans les prochains jours pour dénoncer le racisme en Espagne.

«Il ne faudrait pas que [le mis en cause] retourne dans la rue dans huit ou neuf ans (…) Ce n’était pas une bagarre, où deux personnes se frappaient, ça a dégénéré et quelqu’un est mort. Non. Cet homme a tué [Younes] de sang-froid», a déclaré Andrea Hidalgo del Valle à Anadolu. Selon elle, «quand Younes était allongé sur le sol en train de saigner, il a continué à lui tirer dessus. Il n’avait aucune compassion ou pitié. Et son frère était dans un autre café en train de dire : ‘Génial, un musulman de moins’».

La classe politique aux abonnés absents

Dans son entretien à l’agence de presse turque, la femme endeuillée a décrit «un cauchemar absolu». «J’ai du mal à croire que c’est réel. C’est vraiment difficile à assimiler», a-t-elle confié en rappelant les faits. Elle indique que tout a commencé lorsqu’une serveuse du café où son mari était attablé a été prise a parti par le tireur, consterné de la voir parler à des clients marocains lors de sa pause. L’un des concernés est un cousin du fils d’Andrea. Younes serait intervenu en rassurant la femme, lui disant qu’elle n’avait pas de quoi s’inquiéter et qu’elle pouvait s’asseoir avec eux. «Puis l’homme est parti, s’est changé, a pris son arme et est retourné au café. Il a tiré trois fois sur Younes en criant ‘p… de Maures, p… de Maures’», a raconté la veuve.

«Je ne comprends pas comment les gens peuvent dire que ce n’était pas du racisme. Les gens disent que l’homme qui a tué Younes était fou, mais la police a enquêté et n’a trouvé aucun antécédent de maladie mentale à part une certaine anxiété. J’ai moi-même souffert d’anxiété. Je n’ai pas décidé de prendre une arme et de tuer quelqu’un.»

Andrea Hidalgo del Valle

Egalement présent aux funérailles de Younes Blal à Beni Mellal, le président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), Driss El Yazami, a estimé que «nous sommes dans une phase de crispation identitaire un peu partout». Invité ce mercredi lors de l’émission spéciale MRE «Faites entrer l’invité» sur Radio 2M, en partenariat avec Yabiladi, il a souligné que «ces mouvements de crispation utilisent l’étranger comme l’ennemi, comme l’adversaire». «Cela permet à des gens, comme ce meurtrier qui a tiré sur Younes, de se manifester et de se croire tous permis», a-t-il ajouté, dans un contexte de montée des discours de l’extrême droite en Europe et notamment en Espagne. Pour El Yazami, des institutions comme le CCME doivent multiplier leur présence et se mettre en mouvement pour trouver une nouvelle manière d’accompagner les communautés marocaine là où les problèmes se posent.

«Il y a des vis qui sont entrain de sauter, parce que le discours a des effets. Celui qui le prononce n’est pas celui qui commet le crime, mais il permet à une partie de la société de se bouger. Donc vous avez des incidents qui n’en sont pas un. Ce sont des crimes ou des délits politiques. Il y a parfois aussi la folie des médias. Vous connaissez l’exemple de certaines chaînes américaines ou françaises, aujourd’hui, où des gens soi-disant débattent. Ces paroles tuent et c’est un phénomène universel. Malheureusement, c’est un phénomène durable.»

Driss El Yazami, président du CCME

Sur le plan politique espagnol, seuls des responsables locaux de Puerto de Mazarrón ont d’ailleurs fait part de leur soutien ou ont proposé leur aide. «Au niveau international, le consulat marocain a également été présent. Mais de l’Espagne… zéro. De la part des politiciens, rien du tout», a déploré Andrea. Sans-emploi, elle a confié devoir désormais trouver un travail stable pour continuer à subvenir à ses besoins et à ceux de ses trois enfants.

Article modifié le 23/06/2021 à 23h11

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