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Interview

Hay Mohammadi : Un Relais de formation des ex-détenus pour leur réinsertion [Interview]

Depuis 2005, l’association Relais prison-société s’est voulue un tremplin d’apprentissage, de formation et d’accompagnement des ex-détenus dans la réalisation de leurs projets générateurs de revenus. Au fil des années, elle a capitalisé sur «une inclusion innovante des jeunes du Hay Mohammadi», en se basant sur l’éducation par les pairs. Directeur de l’ONG, Youssef Madad revient sur ce processus.

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Présentation des résultats du projet «Pour une inclusion innovante des jeunes du Hay Mohammadi» de l’association Relais prison-société / Ph. Yabiladi
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Un projet qui donne la parole aux jeunes et qui leur permet de participer à la prise de décision, à travers des initiatives qui les concernent. C’est l’ambition d’«une inclusion innovante des jeunes du Hay Mohammadi» que porte l’association Relais prison-société dans ce quartier casablancais, où «le niveau scolaire de 60 à 70% des jeunes se limite à l’enseignement secondaire», selon Youssef Madad, directeur de l’ONG.

Par un projet associatif voulu comme une pépinière de jeunes créateurs dans divers secteurs, notamment la formation aux techniques de la vidéo, l’objectif est d’accompagner chaque année 200 bénéficiaires en tout. Cet encadrement peut parfois être individuel, mais il est souvent collectif et privilégie une mixité des profils, où les ex-détenus côtoient d’autres jeunes.

L’ONG capitalise sur la formation. Quelle est la valeur ajoutée pour les jeunes ?

Depuis la création de notre ONG en 2005, nous avons axé nos activités sur l’aide à la réinsertion. A cet effet, nous nous sommes appuyés sur l’apprentissage, l’accompagnement et l’ancrage d’un projet des ex-détenus sortant des prisons. Dans ce sens, la formation constitue un pilier central. Mais nous nous sommes rendus compte qu’en encadrant les détenus sans interaction avec d’autres jeunes, une forme de stigmatisation fait qu’on arrive à des résultats en-deçà des aspirations. Nous avons donc décidé de nous orienter vers leur réintégration à travers les pairs.

Cela a permis de sortir les ex-détenus d’une forme de ghettos, d’autant plus qu’en se retrouvant avec des jeunes de profils différents, leur niveau moyen est mis au défi. Cela les pousse à apprendre plus, donner plus et fournir plus d’efforts. Ce processus a été stimulant pour eux et a revêtu une grande importance dans les chantiers de la formation.

Sur quels critères choisissez-vous les axes des formations ?

Les formations sont diversifiées. Il y a eu des cycles sur le jardinage, parce que nous avons réalisé le potentiel de cette filière, en terme de demande, mais aussi en termes d’opportunités de travail dans les pépinières ou les services communaux, entre autres. Nous savons en effet que la question environnementale jouit d’un intérêt grandissant. De plus, cela ouvre la possibilité de travailler collectivement ou individuellement, avec l’appui de l’association qui permet aux bénéficiaires de créer leurs propres réseaux.

Youssef Madad, directeur de l’association Relais prison-société / Ph. YabiladiYoussef Madad, directeur de l’association Relais prison-société / Ph. Yabiladi

Nous avons proposé aussi des cycles sur le dépannage et la réparation dans le secteur de l’électroménager, ou encore sur la pâtisserie. Cela a donné des résultats probants, avec l’octroi de certificats de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). Nous négocions avec plusieurs institutions publiques et universités pour certifier certaines formations.

Nous avons aussi capitalisé sur des filières audiovisuelles créatives, dans le cadre du projet «Pour une inclusion innovante des jeunes du Hay Mohammadi», lancé en avril 2020 pour valoriser la conception de capsules vidéos, que produisent les bénéficiaires de cette formation. Jusqu’en janvier, nous avons tenu 108 séances sur les techniques de la photographie, le montage, mais aussi le coaching de 52 jeunes, dont sept jeunes filles.

Les filières créatives et artistiques bénéficient aussi d’un engouement grandissant chez les jeunes ?

En effet. Et l’idée de la formation est toujours de concilier l’acquisition du savoir, de la compétence et la possibilité de l’ancrage sur le marché de l’emploi, afin de générer une activité rémunératrice, qui reste une priorité pour les ex-détenus. Nous sommes passés par la suite à d’autres cycles de formation, comme le théâtre, en plus de formations appropriées pour la gestion de projets collectifs ou individuels auxquels l’association adapte son accompagnement.

Cette formation attire les jeunes pour deux raisons essentielles : d’abord parce qu’ils sont passionnés par l’image, la photo et la vidéo. Mais aussi parce que cela ouvre des possibilités de rentabilité financière par le biais de plateformes de streaming, ce qui les motive à améliorer leur savoir-faire.

Nous nous orientons également vers la mise en place d’un studio de création de production de podcasts, en travaillant sur des formats audios, qui attirent aussi les jeunes et qui ne nécessitent pas de grands moyens matériels, mais requièrent une capacité d’écriture et de rédaction, pour laquelle des formations seront proposées afin d’améliorer l’écriture scénaristique et l’écriture pour la radio chez les jeunes. Il y aura aussi des techniques de lecture à transmettre.

Avez-vous observé des changements positifs apportées par ces formations dans le parcours des jeunes ?

Bien entendu. Nous avons le souci de construire des expériences réussies et les jeunes de Hay Mohammadi, comme dans beaucoup de quartiers populaires, ont besoin de modèles dans lesquels ils se reconnaissent. Ils ont besoin d’entrevoir l’avenir à travers leurs pairs. Ils ont besoin de palper la possibilité de se frayer leur propre chemin. Nous essayons donc de leur donner la priorité puisqu’ils sont plusieurs à être déjà prédisposé pour aller de l’avant et beaucoup parmi eux ont évolué de manière spectaculaire dans leurs trajectoires.

Indirectement, nous essayons de leur créer un environnement favorable à la réussite à travers des jeunes qui leur ressemblent, qui n’ont peut-être pas eu les mêmes expériences humaines, mais qui appartiennent au même environnement. Cela a fait que nos éducateurs pairs qui travaillent étroitement avec nos formateurs comptent désormais parmi eux des ex-détenus, qui sont aujourd’hui porteurs de projets, notamment dans l’audiovisuel.

Ces changements se voient aussi au niveau des chiffres. Avant, nous avions des taux importants de désistements. Les bénéficiaires étaient nombreux à abandonner. Ce taux a considérablement baissé pour s'établir actuellement entre 10 à 15%.

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