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Grand Angle

Education sexuelle : Combler le fossé entre la jeunesse marocaine et les décideurs

Dans une étude récente, Rachid Benharrousse s’est intéressé aux perceptions des jeunes marocains de la mondialisation et la religion, en démontrant comment la jeunesse marocaine est consciente de l’importance de l’éducation sexuelle, contrairement au gouvernement.

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Photo d'illustration. / Fadel Senna - AFP
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«La jeunesse marocaine plaide pour la mise en œuvre de l'éducation sexuelle» en dépit des arguments présentés par le gouvernement s’agissant de sa mise en œuvre, indique une récente étude publiée dans le Journal of Contemporary Studies of the Global South. Intitulée «Towards Sexual Education: Moroccan Youth’s Perception Between Globality and Islam», cette recherche «tente de combler le fossé de la communication en articulant les perceptions des jeunes marocains et leur relation avec la mondialisation et la religion», écrit son auteur, Rachid Benharrousse, chercheur au Centre d'études culturelles marocaines de l'Université de Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès.

Pour le chercheur, la «mondialisation façonne l'éducation sexuelle» au Maroc, alors qu’une perception positive de l'éducation sexuelle est constatée chez une grande majorité des jeunes marocains. «Ces jeunes s'identifient à la culture occidentale dont ils sont témoins dans les médias et sur Internet», affirme-t-il.  

Son article analyse le contexte marocain, où l’on pense encore que «l’abstinence sexuelle est le seul choix médicalement sûr et moralement responsable pour les adolescents non mariés». Cette abstinence vise ainsi à «garder une personne asexuée jusqu'au mariage car c'est le seul comportement sexuel responsable et acceptable».

Les jeunes plus conscients de l’importance de l’éducation sexuelle

Alors que les écoles ont la responsabilité d'enseigner la sexualité, «ni les jeunes ni les éducateurs ne sont à l'aise pour discuter des problèmes sexuels», rappelle-t-il. Rachid Benharrousse avance que «la sexualité des adolescents est donc enchevêtrée dans l’ambiguïté et l’indécidabilité». Il démontre ainsi comment «l’abstinence sexuelle» seule à échouer, en évoquant notamment la hausse des grossesses indésirables.

Pour combler ce manque, Internet et la télévision sont devenus des alternatives, notamment via du contenu poronographique. «La jeunesse marocaine est donc déjà engagée dans une sorte d'éducation sexuelle néfaste» et une «représentation des relations dans les films sexuels imparfaite». Il ajoute que par conséquent, les perceptions des jeunes marocains sur la sexualité sont ainsi façonnées à travers à la fois les discours d'immoralité au sein de la culture marocaine et les formes culturelles introduites par les médias et Internet.

Les jeunes «n'approuvent plus les stéréotypes culturels qui ont imprégné les relations entre les sexes». Rachid Benharrousse a donc mené une enquête auprès de 72 jeunes marocains âgés de plus de 18 ans. Fait intéressant, «la grande majorité semble comprendre ce que signifie l'éducation sexuelle et comment elle affecterait leur vie», indique-t-il. Dans ce sens, 86,5% des répondants affirment être d’accord qu'avoir un cours d'éducation sexuelle leur serait bénéfique et seulement 9% semblent considérer l'éducation sexuelle comme un «parasite culturel susceptible de détruire la culture locale marocaine».

Education sexuelle et religion : «Il n'y a pas de honte»

Le questionnaire s’est également intéressé aux liens entre l’éducation sexuelle et la religion. Dans ce sens, 55% des jeunes répondants ont estimé que la religion n'est pas contre l'éducation sexuelle. Si près de la moitié d’entre eux se sont contentés d’un simple «non» à la question de savoir si la religion interdit l’éducation sexuelle, d'autres ont donné différentes justifications. La plus marquante est celle selon laquelle «il n'y a pas de honte dans la religion», qui reste «la plus haute importance», pour Rachid Benharrousse. Il explique en effet, plus loin, que «même l’islam ne criminalise pas cette éducation», arguant qu’historiquement, les gens ont interrogé le Prophète Mohammed sur leurs différentes affaires, y compris les relations sexuelles et les interrelations.

«Grâce à l'enquête, (il s’avère que) l'Islam n'est pas la base du problème mais plutôt les interprétations politiques faites, puisque la majorité des participants sont en faveur de l’inclusion de l’éducation sexuelle (…) La majorité des répondants comprennent la viabilité d'éducation sexuelle, en particulier au Maroc contemporain. Pourtant, le gouvernement et les jeunes semblent avoir des compréhensions et des points de vue opposés.»

Rachid Benharrousse

L’étude précise, dans ce sens, que 67,9% des répondants sont aussi convaincus de l’impact positif de l’éducation sexuelle sur la diminution des cas de grossesse hors mariage. Elle ajoute que le refus de la jeune génération d’une éducation uniquement basée sur l'abstinence ou de l'éducation islamique, implique d’aller vers l’enseignement de l’éducation sexuelle.

Pour son auteur, celle-ci «devrait être mise en œuvre dans les programmes d’études de l’école», tout en mettant en avant les «grossesses non désirées et les IST et les manières d’éviter, car la mise en œuvre de cette éducation reste cruciale pour contribuer à réduire ces deux problématiques.

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