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Grand Angle

Maroc : Le renvoi d’exportations agricoles par l’UE restreindra-t-il l’utilisation des pesticides ?

La récente saisie de cargaisons de poivrons exportés par le Maroc en Allemagne, à cause de leur forte teneur en résidus de pesticides, a suscité les inquiétudes sur la toxicité des légumes à portée des consommateurs nationaux et étrangers. Les autorités de sécurité alimentaire annoncent désormais un renforcement sur l’utilisation de certains actifs.

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Photo d'illustration / Ph. Philippe Huguen - AFP
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Une forte teneur en résidus de méthiocarbe, un produit chimique actif qui entre dans la composition de nombreux pesticides utilisés au Maroc, aura eu raison des lots de poivrons récemment exportés vers l’Allemagne. En plus d’avoir suscité les inquiétudes de consommateurs marocains et étrangers sur ce qui se présente dans leurs assiettes les plus saines et riches en légumes frais, ce retrait a mis en exergue le déphasage entre la réglementation européenne relative aux substances autorisées dans les pesticides et celle de ses pays partenaires, hors-UE. En effet, des cargaisons en provenance d’autres Etats de la rive sud de la Méditerranée ont déjà été retournées par le passé, pour les mêmes raisons.

La situation risque-t-elle de se poser plus souvent pour les exportateurs marocains, si leurs fruits et légumes continuent à être traités avec des intrants chimiques désormais interdits d’utilisation dans l’Union européenne (UE) ? Si la récente saisie des cargaisons destinées à l’Allemagne corrobore cette hypothèse, l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) évoque «un cas isolé». «Ce genre de notifications concerne tous les pays exportateurs de production agricole, y compris les exportateurs de pays européens», indique l’institution marocaine, dans ses réponses écrites à Yabiladi.

Une notification qui a renforcé le contrôle sur l’exploitant marocain concerné

L’Office nous confirme avoir reçu la notification relative à cette cargaison par le biais du système d’alerte qui signale les problèmes liés aux produits agroalimentaires dans l’Union européenne (Rapid alert system for food and feed – RASFF), en date du 7 décembre 2020. Le signalement a fait suite à «la détection du méthiocarbe à une teneur de 0.4 ppm supérieure à la limite admise (0,2ppm) par le règlement de l’UE dans un lot de poivrons long rouge d’origine du Maroc», indique l’ONSSA.

«La société exportatrice dudit lot a procédé à un prélèvement dont le résultat a été reconnu non conforme (teneur en méthiocarbe supérieure à la LMR UE), et a immédiatement averti son client avant l’arrivée de la marchandise en Allemagne. Une fois notifié par son fournisseur au Maroc, le client allemand a procédé dès l’arrivée du produit à un prélèvement d’échantillon, dont le résultat a été reconnu aussi non conforme et il a procédé à sa notification à l’autorité sanitaire et à sa destruction.»

ONSSA

Par ailleurs, l’institution de sécurité alimentaire marocaine souligne avoir «instauré un contrôle renforcé à l’encontre de la station objet de l’alerte». «Les prélèvements d’échantillons effectués après cette notification ont été tous reconnus conformes», assure-t-elle.

Vers un retrait de l’homologation ou une restriction d’usage du méthiocarbe au Maroc

Cette saisie est survenue après une récente modification sur les actifs chimiques entrant dans la composition de certains pesticides, utilisés dans le traitement des récoltes en vente dans l’espace de l’UE. En 2019, la Commission européenne a approuvé le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant le méthiocarbe, retrouvé en forte dose dans les lots de poivrons marocains. Le délai d’application de cette mesure est arrivé à échéance en 2020, annonçant ainsi un contrôle renforcé sur la concentration de résidus de cette substance dans les fruits et les légumes importés.

Cette décision n’est pas la seule à remettre en question l’usage d’actifs reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme hautement dangereux pour l’organisme humains, mais aussi pour certaines espèces qui garantissent un équilibre des écosystèmes naturels. L’année 2020 a été marquée également par l’interdiction totale de l’utilisation du glyphosate au Luxembourg, dans le cadre d’un plan agricole national défini à cet effet, après que cet actif a été reconnu comme accélérant le développement de cancers.

Dans ce contexte, ces substances restent d’usage au Maroc. Mais l’ONSSA veut y remédier avec plus de fermeté, à travers un réexamen des pesticides au titre de l’année 2021. Il indique à Yabiladi que «ce programme prévoyait la révision de 41 matières actives, y compris méthiocarbe, qui porte aussi le nom de Mercaptodiméthur». Mais «suite à l’analyse des nouveaux risques, le réexamen aboutira soit à un retrait de l’homologation des pesticides ou à une restriction d’usage, avec mise en place de mesures d’atténuation», promet l’Office.

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